Dis frangin, t’es pas un peu maso ?

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Par Anouar Rouchi

La campagne menée tambour battant en prévision du référendum du 29 septembre prochain portant sur la charte pour la paix et la réconciliation nationale est pour le moins originale et révèle des attitudes souvent incompréhensibles pour le commun des mortels. Le dialogue qui suit, reproduit aussi fidèlement que possible, met en scène un ancien émir de l’armée islamique du salut et l’un de ses terroristes. Ledit terroriste fait partie de ces centaines de repentis à la faveur de la loi sur la concorde civile qui jurent n’avoir exécuté que des travaux de ménage le long de leurs années de maquis. Il ne comprend pas le zèle de son chef qui mène une campagne acharnée en faveur du oui à la charte et le lui dit… Le terroriste : Dis frère, que trouves-tu donc d’intéressant à la charte pour la paix et la réconciliation nationale pour t’impliquer ainsi corps et âme dans la campagne pour sa promotion ?L’émir : A vrai dire, rien.Le terroriste : Je ne comprends plus rien.L’émir : Ce n’est pas le texte qui est important. C’est ce qu’il y a autour…Le terroriste : Mais, enfin… La charte va à l’encontre de tout ce que nous avons pensé et voulu.L’émir : Encore une fois, ce qui est important ce n’est pas la charte mais son initiateur et ses soutiens.Le terroriste : Ce texte nous désigne le caractère républicain et moderne de l’Etat, rend hommage à l’armée, à la police, aux patriotes et à nos victimes. Plus encore, il nous interdit toute forme de pratique politique à l’avenir. N’est-ce pas plutôt maso que de le soutenir ?L’émir : La politique a ses règles et ces règles ne sont pas toujours politiques. Qu’importe le texte si, grâce à mon soutien zélé et ostentatoire, je gagne les sympathies du président et rentre dans ses bonnes grâces ?Le terroriste : Mais mon frère, tout cela ne me semble ni clair ni honnête.L’émir : Quand on est honnête, il y a deux activités qu’on doit se garder d’exercer : le commerce et la politique. Tu crois que Belkhadem est honnête ? N’as-tu pas le sentiment que ses propos vont à l’encontre des explications du président et travaillent, sournoisement, à démobiliser l’électorat ? Crois-tu que Soltani est honnête alors qu’il rejette publiquement les principales dispositions de la charte et fait, en même temps, une campagne en sa faveur ? Le terroriste : Mais alors, si je comprends bien, tous tels que vous êtes, faites semblant d’être avec Bouteflika tout en sabotant ses projets ?L’émir : Ce n’est pas tout à fait ça puisque Bouteflika est insaisissable. L’essentiel est d’être les premiers à occuper la place et d’empêcher les laïcs d’exercer leur influence. Il faut avouer d’ailleurs qu’ils nous aident bien en s’inscrivant dans l’opposition radicale au président.Le terroriste : Il y a pourtant un de ces partis, jeune certes, mais qui semble avoir compris.L’émir : C’est juste et c’est, au fond, le plus dangereux. Ce n’est pas par hasard que je l’ai publiquement désigné comme l’ennemi à abattre. C’est que, c’est la première fois qu’un parti dit républicain se met à faire de la politique…Le terroriste : C’est très compliqué mais je comprends un peu mieux.

A. R.

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