Toute âme sensible ne peut rester indifférente à la situation misérable dans laquelle patauge, depuis des décennies, ce village populeux. Tout visiteur, qui foule son sol pour la première fois, constate sans raccourcis, l’inexistence d’un minimum de commodités sociale, sportive et culturelle.L’absence de projets sociaux d’envergures particulièrement au niveau des principaux secteurs, créateurs de postes de travail à savoir l’agriculture, la petite et moyenne industrie et le bâtiment, enfonce les villageois dans un isolement social de plus en plus comminatoire. Les jeunes désemparés et soumis à la loi de l’oisiveté, par le manque manifeste d’emploi, n’échappent pas malheureusement aux affres des fléaux sociaux qui gangrènent la société algérienne contemporaine.Souffrant du manque d’infrastructures culturelle, sociale et sportive et la déperdition scolaire aidant, ces derniers deviennent, une proie facile, pour les prédateurs de tous genres, qui les entraînent dans des vicissitudes, desquelles il est souvent difficile de ce dissocier.
Le comité du village à la rescousseEu égard à cette situation et ne voyant rien venir de la part des autorités locales, le comité du village essaye à cœur vaillant de gérer le quotidien de la population de Taourirt Mokrane, forte d’environ 10.000 habitants.Toutefois, cette tâche est très ardue en raison de la complexité des problèmes persistants tels le chômage, les coupures itératives d’eau en été, manque de gaz butane et d’électricité durant le froid glacial de l’hiver et voire même le règlement de conflits internes entre familles, qui surgissent de temps à autre, particulièrement à cause des litiges de terrain, d’héritage et parfois de divorce. En hiver, tout comme en été, l’évolution du cours des choses, de mal en pis, nous dévoile explicitement cette implacable conjoncture qui accable le quotidien des villageois.Les images troublantes des jeunes du village qui ont transcendé, lors des fortes chutes de neige de l’hiver passé, le gel sans moyen de locomotion et à risque et péril, pour s’approvisionner en gaz butane, à plus d’une dizaine de kilomètres du village déferlent impétueusement encore dans les mémoires de la population de Taourirt Mokrane et nous renseigne sur la pesante pauvreté qu’elle endure. A l’origine de cette situation, l’existence d’un unique dépositaire en gaz butane en bouteille pour tout le village, qui n’a pas pu répondre à la demande des villageois, dont les besoins en gaz, ont plus que triplé, suite au fléchissement exceptionnel du thermomètre, durant le mois de janvier et février passés.L’attitude de ces jeunes très significative à plus d’un titre, ne représente malheureusement qu’un bout, de l’ensemble des tourments qui rongent les ardeurs de la population de Taourirt et auxquels il faut faire face, chaque jour que Dieu fait. Néanmoins, devant le flux des déconvenues souvent très critiques, que connait le village d’année en année, le comité en charge de la gestion de ces affaires courantes fait face à cette situation avec, bon cœur contre mauvaise fortune.
En été rien ne changeEn été, aussi les déboires des habitants en général et des jeunes Taourirtiens en particulier, ne s’estompent pas. Ainsi, durant le mois de juillet et août, Taourirt Mokrane donne l’image d’un village altéré, poussiéreux et écrasé par un soleil de plomb à vous couper le souffle.Avec ce climat autant rude que celui de l’hiver, la période estivale n’altère guère de leur quotidien désenchantement à longueur d’année. Pour les jeunes garçons, elle est plus synonyme, de coupure avec les bancs d’écoles, l’arrivée des émigrés et surtout s’accommoder des baignades à la rivière à la recherche d’une température clémente et de moment de détente. Pour les femmes, elles croupissent toute l’année à la maison.Les journées qu’elles passent au village se ressemblent toutes. Elles les débutent en empruntant dès les premières lueurs du jour, les chemins sinueux, conduisant vers la fontaine, afin d’approvisionner leurs foyers, en eau potable à la saveur unique.Durant les années de disettes, il leur est arrivé de rester presque toute une journée, à faire la queue pour espérer remplir un bidon de 20 ou 30 litres, de cette source de vie, devenue ces dernières années, une denrée très rare.
L’exode comme alternativeA l’instar de tous les jeunes algériens, les jeunes Taourirtiens vivent dans l’incertitude et mènent une vie improvisée et truffée de rêve imaginaire et irréalisable.Compte tenu de cette réalité poignante, une frange d’entres-eux, plus téméraires, ont choisi de tenter une aventure, sous d’autres cieux plus cléments, particulièrement dans le vieux continent. Certains chanceux ont pu décrocher, durant ces dernières années, le fameux visa d’entrée, soit en France, en Espagne ou Italie.Le village Taourirt-Mokrane est certes différent des autres villages, par le nombre de ses habitants, mais malheureusement, il ne fait pas exception quant aux distingués maux qu’il affronte. En outre, il y a nul doute sur la précarité et la pauvreté, qui touche la majeure partie de ces résidents. Cela étant, les pouvoirs publics sont plus que jamais apostrophés pour enclencher une série de mesures, notamment sur le plan social, tels la construction des aires de jeux, la création d’ateliers d’apprentissage de métiers traditionnels pour les jeunes filles, la réalisation d’une maison de jeunes et surtout l’exécution des projets des pistes agricoles, qui faciliteront à certains habitants de s’adonner à certaines œuvres, desquelles ils tireront quelque profits.Aujourd’hui, les villageois réclament également de ces pouvoirs, plus d’attention, car le comité du village à lui seul ne peut résoudre tous les manques sus-cités et veiller aussi à organiser à plein temps le village comme jadis tout en entretenant l’espoir que demain sera un autre jour.
Amayas Belkassam
