La jeune femme déguisée en homme

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(2ème partie et fin)

Pendant que se déroulent ces évènements, le jeune homme perdu dans la forêt a réussi à se frayer un chemin et à tomber dans un endroit habité. Pour pouvoir manger et dormir à l’abri, il se met au service d’un propriétaire terrien, qui l’emploie à lui labourer ses champs à l’araire tirée par des bœufs. Un jour qu’il était en train de manger de la galette et du lait caillé sous un grand arbre feuillu, il entend au-dessus de lui des croassements de corbeaux, il lève les yeux et aperçoit un nid avec un corbeau donnant la becquée. Il maudit le corvidé, qui vient de lui rappeler que c’est à cause d’un de ses congénères qu’il a perdu sa fiancée.Pour se venger, il monte dans l’arbre à l’effet de détruire le nid, quelle ne fut sa surprise, lorsqu’il trouve le collier de sa fiancée. Heureux d’avoir retrouvé le bijou volé, il renonce à détruire le nid. Il abandonne les travaux des champs et décide de retourner chez lui. Pour viatique, il a des figues séchées. Sur le chemin du retour, il demande l’hospitalité à une vieille femme qui accepte de l’héberger.Excité à l’idée de retrouver sa fiancée et de lui remettre le collier, le jeune homme était tellement absorbé qu’il ne se rend compte de rien, quand il remet le collier et des figues à un mendiant de passage. Après le départ de ce dernier, le jeune homme plonge sa main dans sa besace à l’effet de contempler le beau collier. Il est frappé de stupeur quand il s’aperçoit de sa bévue.Chagriné, il se confie à la vieille qui lui a offert l’hospitalité. Celle-ci le rassure en lui disant que demain c’est jour de marché, il n’a qu’à s’y rendre et trouver le mendiant en train de tenter de le vendre. S’il le lui rend gentiment, il le sermonnera et le laissera, s’il se montre récalcitrant, il n’a qu’à se plaindre de lui au chef du village, qui n’est autre que sa femme déguisée. Bien sûr il ne le sait pas.Le lendemain, le jeune homme se lève aux aurores pour se rendre au marché, où il se met à la recherche du mendiant, qu’il ne tarde pas à trouver tenant dans ses mains le collier. Il lui saute dessus et exige la restitution de son collier. Loin de se démonter, le mendiant se met à crier à qui veut l’entendre que le collier est le sien et qu’il provient d’un héritage. Voyant la scène qui se déroule devant leurs yeux, les badauds accourent de partout, et les entourent. Des voix contradictoires s’élèvent, les uns approuvent le mendiant, les autres le jeune homme.C’est le dilemme ! Pour mettre un terme à leur querelle, quelqu’un d’âgé leur propose de se rendre chez le chef du village. Il est juste, droit et compétent. C’est la personne capable de résoudre le conflit et de les départager.Les deux antagonistes se rendent chez le chef du village. En sa présence, les deux hommes étalent leurs doléances. En voyant le jeune homme, sa femme le reconnaît aussitôt, mais ce n’était pas son cas, il était à cent lieues de se douter de la vérité. Prenant le collier objet du litige, la jeune femme déguisée reconnaît le bijou qui lui a été volé par le corbeau.Elle esquisse un sourire et demande à ses serviteurs de mettre les deux plaignants dans des endroits séparés.Puis, s’adressant à l’assemblée devant laquelle elle rend toujours les sentences, elle raconte l’histoire du collier. A la fin du récit elle ajoute : seul celui qui est au courant de cette histoire est propriétaire du collier, l’autre est un imposteur, un menteur doublé de voleur !Après ces explications nécessaires à la compréhension de l’histoire, la jeune femme déguisée appelle le mendiant et l’interroge à propos du collier. Ce dernier soutient qu’il est le propriétaire légitime sans rien raconter à son sujet.Le jeune homme, appelé à son tour, raconte étrangement la même histoire que celle que vient de raconter la femme déguisée en présence de l’assemblée.A la fin de son récit, la jeune femme déguisée demande l’avis de l’assemblée. Unanime, elle reconnaît le droit de propriété du collier au jeune homme et déclare le mendiant imposteur et menteur et, pour cela, il doit être châtié à coups de fouet. Une fois la sentence rendue, la jeune femme déguisée invite le jeune homme à passer la nuit chez elle. En tête à tête, ils discutent durant des heures, chacun raconte son histoire. L’histoire se ressemble. Pour clore le tout, la jeune femme déguisée porte à son cou le collier qui brille de mille feux. En la regardant de plus près, le jeune homme reconnaît enfin sa femme qu’il croyait perdue à jamais. Ils s’enlacent et se mettent tous les deux à pleurer, mais des larmes de joie. Les deux époux enfin réunis, la jeune femme déguisée révèle son identité à l’assemblée, qui ne lui tient pas grief, car indépendamment de son sexe, elle a été à la hauteur de tous les évènements qui se sont déroulés au passé. Adoptés, le jeune homme et la jeune femme s’établissent jusqu’à la fin de leur vie dans la cité.“Our kefount eth’houdjay i nou pour kefoun ird’en tsemz’ine. As m-elâid’ ametch ak’soum ts h’em’zine ama ng’a thiouanz’iz’ine. » (Mes contes ne se terminent, comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’Aïd, nous mangerons de la viande avec des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).”

Lounès Benrejdal

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