Conférence sur la symbolique des tatouages

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«La pratique du tatouage remonte à tellement longtemps que personne ne peut déterminer avec exactitude la période de sa création. Sa symbolique n’est pas reliée aux dessins et motifs mais plutôt à leur signification».

C’est ainsi que Hayet Guenfissi, socio anthropologue, chercheur et enseignante à l’université de Béjaïa, a débuté la conférence qu’elle a animée dans l’après-midi de samedi au centre culturel d’Aokas, à l’invitation de l’association locale Cap Vert pour la protection de l’environnement et de la nature et ayant pour thème «la symbolique des tatouages berbères». En voyageant à travers le patrimoine sociologique berbère lors de cette conférence, l’oratrice dira que le tatouage dépasse le masque corporel, cela représente plutôt une langue que tout le monde ne connaît pas mais qu’il utilise quand même. Il s’avère être le premier vêtement de l’homme tant berbère qu’égyptien chez lequel on retrouve les mêmes motifs. S’agit-il d’un brassage culturel ou tout simplement d’une guerre berbéro-pharaonique ? S’interrogera la conférencière. Elle justifiera cela par l’appartenance des deux peuples à la civilisation sémitique. En abordant la symbolique du tatouage berbère, elle rappellera que trois types de tatouage font l’unanimité chez les spécialistes mais que durant ses recherches, elle a découvert un quatrième type dit érotique utilisé exclusivement par les filles fiancées. Les motifs sont souvent retrouvés dans les parties intimes. S’agissant des trois autres types de tatouage, elle expliquera qu’il y a celui d’identification utilisé sur des faces apparentes et dont chaque tribu a ses propres motifs, celui dit prophylactique qui prévient des maladies qu’elles soient par rapport à des symptômes concrets ou à la magie et la sorcellerie qu’on retrouve le plus souvent sur les articulations et enfin l’ornemental dont les motifs sont les plus décorés, pouvant atteindre 35 à 40 centimètres, retrouvés dans les mêmes endroits qu’utilisent les femmes pour s’embellir et dont les formes des symboles suivent les formes du corps de la femme. Le tatouage est une forme de curriculum vitae de la femme, car tout ce qui est vécu par celle-ci est identifié à travers les différents tatouages qu’on retrouve sur son corps. Si on parvient à connaître la signification de ces symboles, ce serait une lecture dans l’histoire de cette femme et de sa région, rajoutera la conférencière. L’âge idéal, les moyens utilisés, les couleurs et la période de tatouage ont été aussi expliqués par Hayet Guenfissi. Elle rajoutera qu’il y a des rituels à respecter durant la période de tatouage y compris un régime alimentaire. Durant ses recherches sur la symbolique du tatouage, elle déclarera avoir rencontré une vieille femme de la tribu des marabouts qui portait un tatouage malgré que cette tribu ait tout le temps été contre ce type de pratique. Cette dernière aurait essayé de justifier cela par le port par la fille du prophète d’un tatouage. Les différents types de tatouage ont été aussi détaillés notamment la scarification et le peeling en plus, bien sûr, du tatouage traditionnel qui est géométrique et linéaire. C’est ainsi que la conférencière expliquera que le losange symbolise la femme, le triangle l’homme, le motif en dents de scie, la fertilité et la croix, contrairement à ce que pensent certains qui le relient au christianisme, elle représente probablement la liberté étant donné que les personnes interrogées et qui la portent l’assimilent à un oiseau et parfois à une mouche, selon les régions. D’ailleurs pour étayer ses dires, elle rappellera que la croix précède le christianisme du fait qu’elle a été retrouvée dans des grottes espagnoles bien avant l’avènement de cette religion. Selon l’oratrice, le tatouage a été vulgarisé par le navigateur James Cook qui a découvert certaines civilisations installées sur des îles différentes et qui utilisaient des arêtes et de la graisse de poisson pour se tatouer et se couvrir le corps totalement. Pour cette dernière, avec le temps, le tatouage traditionnel a été remplacé par le tatouage universel, notamment par celui des japonais très bien décoré ramené dans la région par la communauté immigrée. Avant de clore sa conférence, Hayet Guenfissi a fait un tour d’horizon sur le rôle de la fontaine dans les traditions kabyles, lieu fréquenté exclusivement par les femmes et dont la charte interdit à l’homme d’y roder. C’est le lieu de rencontres par excellence des femmes où sont proposées les jeunes filles en âge de se marier et sélectionnées les futures brus. En conclusion, la conférencière dira que l’abandon de ces différents rituels est du tout simplement au retrait de la population actuelle de la société agricole qu’elle incarnait auparavant. Guenfissi Hayet, enseignante, chercheur en socio anthropologie à l’université de Bejaia, doctorante à l’université d’Alger, a à son compte deux livres traitant sur la symbolique du tatouage et sur la communication féminine à Thala (Fontaine). Elle a aussi à son actif un article sur l’organisation sociale de la Kabylie au 19e siècle, selon les écrits coloniaux.

A. Gana

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