Au rythme «D’el quahoua w la tay» point de plaignants ; mais un parfait mélange de saveurs qui accompagne si bien les quaâdate du Ramadhan.
Ainsi à la faveur de ce mois sacré l’esplanade de l’illustre mosquée de Sidi Soufi retrouve sa ferveur d’antan pour égayer les soirées bougiotes. Qsidate ; nesrafate ; neklabate, autant de mots aux sonorités chatoyantes qui renseignent sur le genre de musique qu’interprètent les «chiakh» invités pour l’occasion.
En effet, c’est pour la 6e année consécutive qu’un groupe de jeunes ; dévoués, amoureux du chaâbi, invite des artistes connus, accompagnés de leurs élèves, pour des soirées à l’ancienne, qui drainent, pour chaque rencontre, les foules des quartiers populaires avoisinants. Une scène typique accueille l’orchestre qui trône au milieu des spectateurs. Café thé à la menthe, quelb elouz, et autres friandises sont disposées sur un plateau. Une scène qui rappelle, pour les plus anciens, les nombreuses veillées du temps de Cheikh Sadek Lebdjoui dont le portrait domine l’espace. Une scène qui a vu aussi défiler «les grands du chaâbi», il y a un peu plus de quarante ans de cela. Cheikh M’hamed el Anka et Dahmane el Harrachi sont, entre autres, les figures qui ont bercé les Bjaoui, au son de leur mandole. Ces soirées «enchantées» sont dédiées à l’enfant de la ville Mourad Aït Mansour, qui a dû quitter la scène artistique prématurément, et que tous espèrent revoir très bientôt.
En marge de ces activités, une association voit le jour
L’une des raisons d’être de l’Association des artistes de Béjaïa est justement la promotion de ses jeunes chanteurs qui ne manquent pas de talent. La prise en change des artistes ainsi que la protection de leurs droits moraux sont, entre autres, les objectifs de ce collectif. Le défi à relever étant celui d’unir tous les artistes de la ville pour capitaliser leur production, afin de donner le meilleur d’eux-mêmes. Béjaïa n’en sera que gagnante. L’association présidée par Azzedine Issadi, ne manque pas d’ambitions. Après l’hommage qu’elle compte rendre à Abdelkader Trabelsi décédé avant l’obtention de l’agrément, elle compte se lancer dans la formation des jeunes chanteurs à travers l’école qu’elle envisage d’ouvrir, cela avec l’aide d’autres structures aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, nous confient ses membres.
El Hadi Boubkeur un artiste complet
Sa forte corpulence et ses moustaches à la Staline contrastent avec sa voix suave et plein de douceur. El Hadi Boubkeur dit el Belbel (le rossignol) nous reçoit avec un large sourire qui ne le quitte pas. Membre de l’Association des artistes, il œuvre au bon déroulement du spectacle qui, ce jour-là (le Samedi 13Août) voit monter sur scène Mohamed Bellil, venu spécialement d’Annaba, pour une soirée Malouf. Le rossignol quitte un temps son nid, avec Rachid Aizel, jeune éducateur sportif, et principal organisateur des festivités. Accompagnés par les autres organisateurs, ils s’évertuent à la mise en place du tout le matériel nécessaire (sonorisation, éclairages, etc.) pour une meilleure prestation de leur invité. «Des artistes qui ne réclament pas un centime», nous confie Youcef Ouremdane, enseignant de son état, militant des nobles causes et sympathisant du groupe. Il conviendrait de signaler que pour cette année, Rachid et son équipe ont fait appel au comité des fêtes de Béjaïa, sous la houlette de Malek Bouchebah, pour aider la jeune association dans les préparatifs des rencontres. La fête bat son plein jusque tard dans la nuit. Aami Saïd, «jeune octogénaire» en plein forme, vêtu de sa gandoura traditionnelle investit la piste de danse, suscitant l’applaudissement des spectateurs. Il sera vite suivi par de jeunes gens pour faire mouvoir leur corps au son de la mandole et du banjo. Il en est ainsi des soirées de Sidi Soufi, joyeuse et bon enfant, empreinte aussi de générosité puisqu’à l’occasion de Leïlat el Quadr, une cérémonie grandiose sera organisée en faveur des enfants démunis, qui seront circoncis pour l’occasion, au grand bonheur de leurs parents.
Après Madjid Kherbache et Mohamed Bellil, c’est au tour de Kamel Aziz de monter sur scène le lundi 15 pour un spectacle qui a drainé tout Bougie ! Le 17 et le 19 c’est respectivement Kourahmed A/Aziz et Mustapha Belahcène de Ghélizane d’être à l’honneur. Le 22, c’est le tour de notre rossignol de chanter pour ses admirateurs. Le 24 et le 27c’est à Aziz Bourai et Rabah Dehoua que revient la scène. Il est aussi à rappeler que tout ce beau monde se produira également au Café Boulouiza. Quittant Sidi Soufi, nos chiakh égrèneront leurs Qsaids, sous l’air marin de la brise de mer, cette fois-ci sous le parrainage du comité des fêtes de Béjaïa. Les dates réservées à cet effet sont les 23, 24, 25, et 26 du mois, avec cette fois des chanteurs de variétés kabyles, à l’instar de Wissam (Mardi 23), Boudjemaâ Agraw (jeudi 25) et bien d’autres. Outre la cour de Sidi Soufi, la scène sera installée dans trois quartiers de la ville : Taâssast (20 août), Amimoun (le 17 et le 20 août), ainsi que Thala Ouriane (le 21). Le chaâbi, à l’origine, poésie déclamée sur les places publiques, est un legs culturel immense. Il est porté par la nouvelle génération de musiciens qui ne pense qu’à le perpétuer à travers ces initiatives louables. Il ne manquait que les youyous des femmes, grandes absentes de ces quaâdate ! La musique chaâbi serait-elle uniquement réservée au sexe «fort» ? Pas si sûr …!
Nabila Guemghar