Retour sur une campagne mémorable

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La période de grâce est terminée. Les bureaux de vote vont ouvrir ce matin à travers l’ensemble du territoire national. Non pas pour élire un président, mais pour se prononcer pour ou contre la charte pour la paix et la réconciliation nationale que celui-ci propose aux Algériens. Le scrutin peut donc avoir lieu après une campagne marathon menée par des partis politiques, ceux favorables au projet présidentiel surtout, mais, et surtout, par le Président lui-même. Une campagne d’explication qui restera, sans aucun doute, inscrite dans les annales des consultations électorales dans le pays. Unique est cette attitude de Abdelaziz Bouteflika qui, un mois durant, a sillonné une dizaine de wilayas et animé autant de meetings pour aller affronter directement les populations et leur expliquer son projet. Une manière comme une autre de ne compter que sur soi, malgré la multitude de partis politiques et d’associations, satellitaires pour la plupart, qui sont descendus dans l’arène pour prêcher la réconciliation, qui n’était forcément pas celle de son initiateur. La décision du président de la République d’aller vers un référendum populaire pour l’adoption de cette charte explique, en grande partie, son obstination à aller lui-même sur le terrain. Cela d’autant plus que la Constitution permet au chef de l’Etat de soumettre une telle disposition devant les députés au tout simplement devant le congrès des deux chambres parlementaire, c’est-à-dire l’APN et le Sénat. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Abdelaziz Bouteflika a répondu, dans plusieurs de ses meetings, que la question de la réconciliation nationale, qui implique surtout un pardon pour des terroristes, « est très sensible pour qu’elle soit laissée au bon soin du Parlement ou du Président ». C’est de la même manière qu’il a aussi justifié ses sorties sur le terrain pour expliquer son initiative. « Je suis venu vers vous en homme de paix », aime-il à répéter à chaque fois, de manière systématique. Malgré la résistance d’une partie des partis politiques et des associations de disparus notamment, le Président a tenu à répondre à chacun des griefs qu’on lui a reprochés. A commencer par cette histoire des disparus qui l’obsède particulièrement. Se mettant au-dessus de la mêlée, il a toujours rétorqué que le traitement de ce dossier doit se faire dans un « cadre global » qui mettrait toutes les personnes disparues dans un même panier. Et l’Etat prendra en charge tout le monde sur une base qui les considérerait comme morts. D’autres sujets, aussi importants les uns que les autres, ont constitué le socle des discours, souvent fleuves, du chef de l’Etat. Même ceux qui ne concernent pas la campagne référendaire. Ainsi, le traité d’amitié que notre pays s’apprête à signer avec la France est souvent abordé avec la passion qu’appelle le sujet. Bouteflika, qui s’est souvent mis à l’écart du débat, a profité de ses interventions pour appeler la France à demander pardon. Il a même conditionné, lors de son passage à Béchar, la signature du document à « la reconnaissance par la France de ses fautes commises durant la Guerre de libération ». Si au début de la campagne, le Président Bouteflika s’est abstenu de parler de la crise de Kabylie, il ne s’est pas empêché, le 20 septembre dernier à Tizi Ouzou, de souhaiter « briser le mur psychologique » qui sépare cette région du pouvoir. Trois jours plus tard, et à partir de Constantine, il a répété son « jamais » pour l’officialisation de tamazight. Sur ses relations, présentées comme controversées, avec l’armée, Bouteflika a rappelé lundi dernier à Alger qu’il est « chef suprême des forces armées et ministre de la Défense nationale ». A Laghouat, trois jours auparavant, il avait appelé les Algériens à ne pas mettre tout le monde « dans le même panier » même si, dans ce panier, « il se trouverait des tomates pourries ». Dans la même ville, il a lancé à des jeunes qui criaient « Armée et peuple, avec toi Bouteflika » qu’il s’adressait « au peuple ». Le Président Bouteflika a, cependant, insisté dans toutes ses sorties sur la nécessité de « rendre un hommage appuyé à l’armée  » qui a sauvé la République qu’il ne veut « ni théocratique ni laïque ». Il veut le juste milieu. En somme, Bouteflika a déployé toute son énergie pour expliquer son projet de « charte pour la paix et la réconciliation nationale ». A-t-il convaincu ? Les résultats du référendum seront connus demain.

Ali Boukhlef

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