Evoquer Cap Sigli rappelle à notre mémoire un épisode tragi-comique. Celui d’une vague histoire de largage d’armes, mauvais remake d’un film de série B, tant la mystification confine au ridicule. Situé à quelques dizaines de kilomètres à l’ouest de Bgayet, Cap Sigli fait partie des quatre grands phares que possède l’unité de Bgayet. Les trois autres étant Cap Carbone, Ras El Afia (Jijel) et Cap Corbelin (Azeffoun). Le phare de Cap Sigli, vigie lumineuse, est situé à 4°45’6’’ de longitude et 36°53’8’’ de latitude nord. Il est muni d’un feu à éclat blanc de 300 000 bougies. Sa hauteur est de 56 m et sa portée est de 23 miles. Depuis 1989, le phare fonctionne à l’aide de l’énergie solaire. Le coin de forte lumière nocturne est coincé entre le gigantesque magma d’eau et d’écume de la grande bleuie et une montagne avec ses sapins dégringolant pentes et raidillons. A un jet de pierre du phare, un quai de fortune témoigne d’une époque, aujourd’hui révolue, où la relève se faisait par voie maritime. C’est le 12 octobre 1906 que les premières traces d’un visiteur sont consignées sur le registre du phare. Il s’agit de N. Gairoard, administrateur de la Soummam, dont la phrase a, au moins, le mérite de dévoiler une mentalité d’époque : «Sa blancheur immaculée et ses formes rendent l’impression de grandeur et de puissance qui conviennent à notre pays, face à la population indigène… ». Quant à la construction du phare qui, selon toute vraisemblance, remonte à la fin du XIXe siècle, c’est l’œuvre de la société des Etablissements Henri Lepaute. Sigli, Carbon, Falcon… les masses incandescentes, ponctuant les 1 200 Km de contact de l’Algérie avec la mer, ont toutes un patronyme à consonance hispanique. Est-ce à dire que l’histoire a omis de rapporter que les premiers occupants à venir nous «voir» par la mer furent les Phéniciens ? Que l’exploit du «Pount» fut dérisoire ? Qu’Elissa, la reine en fuite sur son bateau, était insignifiante ? Que nos phares portent le nom du cap qu’ils signalent reste logique, mais que ces caps aient tous des noms espagnols, est pour le moins énigmatique.
N. Maouche