Le verdict rendu aujourd’hui

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C’est aujourd’hui, à partir de 10h, que le juge du tribunal de Sidi M’Hamed prononcera le verdict du procès des anciens ministres et hommes d’affaires, présumés-impliqués dans des faits de corruption.

Tous les regards seront braqués aujourd’hui sur ce que le juge, Lakhdar Châaïchia, va énoncer comme jugement à l’encontre des deux anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, des trois anciens ministres de l’Industrie, Youcef Yousfi, Mahdjoub Bedda et Abdeslam Bouchouareb –ce dernier, étant en fuite à l’étranger, sera assurément condamné par contumace-, et de l’ancien ministre des Travaux publics et des Transports – ancien wali d’Oran – et directeur éphémère de la campagne électorale de Bouteflika pour le 5e mandat avorté, Abdelkader Zaâlane.

Un jugement sera également prononcé à l’encontre de trois hommes d’affaires ayant investi dans le montage automobile, -sujet à accusations-, en compagnie de plusieurs cadres du ministère de l’Industrie, du patron de l’ETRHB, Ali Haddad, et trois de ses collaborateurs, poursuivis dans le cadre du «financement occulte» de la campagne électorale de Bouteflika. Avant-hier, lors du quatrième jour du procès, dans leurs plaidoiries ayant succédé au sévère réquisitoire du procureur de la République, les avocats ont tous plaidé l’innocence de leurs mandants.

Ils ont tenté surtout de battre en brèche les accusations portées à l’encontre de leurs clients, mettant en avant des «vices de procédures» et/ou «l’absence de pièces devant compléter les dossiers d’accusation». Au terme des plaidoiries des avocats, le juge donna la parole aux accusés pour qu’ils expriment leurs dernières demandes au tribunal. Et c’est à Ahmed Ouyahia qu’est revenue, en premier, la parole : «Je suis innocent», c’est contenté de dire l’ancien Premier ministre avant de se rasseoir. Son co-accusé, Abdelmalek Sellal, en revanche, a eu des phrases empreintes d’émotion, au point où il a pleuré pendant sa prise de parole devant le juge : «Je vous en prie, j’ai travaillé pendant 46 ans au service de l’État, j’ai grandi avec feu Mahri (…)», dira-t-il.

Et de marteler : «Impossible monsieur le juge…, c’est inadmissible que je sois qualifié de corrompu, car je ne le suis pas. Je suis un homme simple et j’aime les gens simples (…), je vous jure devant Dieu que je n’ai jamais trahi mon pays». Puis de clamer son innocence dans l’affaire de montage automobile : «Je n’ai jamais travaillé dans les dossiers de ceux-là (les opérateurs se trouvant dans la salle ndlr)». Sur son accusation de «financement occulte» de la campagne de Bouteflika, Sellal, toujours pris par l’émotion, déclare :

L’émotion de Sellal et la crainte de Zaâlane

«J’ai marché avec Bouteflika car je lui voue du respect … Mais j’ai fini par me dire que je n’étais pas dans la bonne voie, qu’il ne me restait pas beaucoup de temps dans ma vie et que je devais, par conséquent, me préparer à ma juste demeure, (…), je suis innocent. Le Président était malade, j’ai dû travailler dans des conditions très difficiles», avoue encore Sellal. Puis de lancer : « Dites de moi ce que vous voulez, mais ne dites pas que je suis corrompu, car je n’ai jamais touché à la corruption… Je préfère mourir que d’être accusé de vol ou de corruption».

Abdelmalek Sellal paraissait être le plus affecté par le fait d’être trainé devant les tribunaux et chargé d’aussi graves accusations. Il profita de la dernière parole qui lui fut accordée, dans le cadre des procédures légales du déroulé d’un procès, pour vanter les mérites de l’armée nationale : «Lors des évènements de Tiguentourine, j’étais très fier de notre armée… Je rencontrais à l’époque les grands de ce monde à qui je louais les mérites de notre Armée et de l’Algérie et exprimais ma fierté… Alors, de grâce, comment voulez-vous, monsieur le président, que j’accepte qu’on dise de moi que je suis corrompu ? Je vous prie de me rendre justice», a-t-il conclu.

À l’ancien Premier ministre succéda Youcef Yousfi, pour qu’il dise, à son tour, ce qu’il attend du tribunal : «Je suis innocent. Durant toute ma vie j’ai servi mon pays avec abnégation et honnêteté», s’est contenté de dire l’ancien ministre de l’Industrie. Son successeur au département de l’Industrie, Mahdjoub Bedda a, quant à lui, beaucoup parlé de lui et de ce qu’il pense du procès : «Je jure devant Dieu que je n’ai jamais corrompu personne ni demandé quoi que ce soit à personne parmi les opérateurs économiques», clamera-t-il.

Et d’expliquer que son «éviction du ministère est liée justement au dossier de montage automobile». «Je n’ai exercé que deux mois et demi au ministère de l’Industrie, sans que je ne procède à aucun changement d’une quelconque règle ou loi, encore moins de quelque cadre y travaillant, je n’ai touché à aucun dossier des opérateurs… J’ai exercé avec des cadres inexpérimentés en lesquels j’ai mis toute ma confiance», dira encore Bedda au juge.

Appelé à son tour à prendre la parole pour sa défense, Abdelkader Zaâlane a mis en avant sa très courte expérience dans le poste de directeur de campagne de Bouteflika et clamé son innocence en ce qui concerne l’accusation liée au «financement occulte» : «Je prends à témoin Dieu que je suis innocent», dira-t-il d’emblée. Et d’enchaîner : «Pour ce qui est de la campagne électorale, je n’y ai participé qu’une semaine durant laquelle je n’ai reçu aucun donateur ni le moindre sou. Que celui qui prétend m’avoir remis de l’argent se manifeste, je suis prêt à le rembourser».

Zaâlane fera ensuite valoir son travail comme wali : «Durant toute ma carrière professionnelle en tant que wali, je portais la cause de mon pays, j’étais dur avec moi-même, je n’assistais même pas aux cérémonies de mariage ou de circoncision car j’étais toujours occupé à faire mon travail…». Abdelkader Zaâlane ira jusqu’à laisser échapper ce qui peut être interprété comme une intention désespérée s’il venait à être emprisonné : «Je crains ce qui pourrait m’arriver en prison… Les gens vont dire de moi ce qui n’est pas la vérité… Je réclame d’être innocenté», conclut l’ancien ministre des Travaux publics et des Transports.

M. A. T.

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