Bouira : Le lycée du Printemps

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Seuls les lycées Abderahmane Mira de Bouira, et El Ghozali de Sour El Ghozlane, accueillaient, dans les années soixante dix, les lycéens de la wilaya.

«Les quatre révolutions » socialistes et socialisantes de feu Boumediene n’avaient pas encore engrangé plus d’infrastructures permettant la très claironnée « démocratisation de l’enseignement ». Mais la quantité ne faisant pas forcément la qualité les deux lycées avaient les allures de mini universités avec tout ce que cela suppose comme relative effervescence intellectuelle que l’école fondamentale réussira , plus tard, à étouffer dans l’estrade. Le lycée Mira était tout particulièrement effervescent. Cette particularité est due essentiellement au «profil réfractaire» des élèves qui bénéficient de son régime d’internat. En effet, la plupart des internes de Mira viennent des villages kabylophones de la wilaya avec, dans leurs trousseaux, un attachement viscéral à leur langue et culture qu’ils ne retrouvent pas dans les manuels scolaires.

Le triste avènement d’interdire à Mammeri de donner sa conférence à l’université de Tizi-ouzou ,vient épaissir le sentiment de la hogra. La colère est là elle n’est que difficilement contenue par la volonté de la structurer et de la capitaliser. Assistés et encadrés par leurs aînés du CUTO (centre universitaire de Tizi ouzou) dont des étudiants originaires de la région, les lycéens de Bouira s’attellent à manifester publiquement leur révolte. Mira de 1980 se souvient tout particulièrement de cette dame qui assurait le fonctionnement de la lingerie de l’internat B.Roza, car c’est d’elle qu’il s’agit, assurait surtout la jonction entre le lycée et l’extérieur.

C’était elle qui se chargeait de «la correspondance» entre les internes et les partisans (citoyens et étudiants) de la manifestation programmée pour le 14 avril. Car, lycéens et étudiants avaient projeté d’associer à leur marche la population. Les préparatifs allaient bon train. Pendant ce temps, et cela se vérifiera plus tard, rien n’échappait aux services de sécurité à « l’écoute» des palpitations du lycée, depuis quelques temps. Le jour «J» près de 800 étudiants (internes et externes) s’étaient rassemblés près du portail et s’apprêtaient à battre le pavé. «Liberté d’expression», «tamazight à l’école» étaient, entre autres, les mots d’ordre imprimés sur les banderoles. La marche s’ébranle aux environs de 10 heures. La mobilisation et la détermination pacifiques étaient telles que les lycéens du printemps étaient convaincus qu’ils arriveraient jusqu’au centre- ville. Mais, c’était comptait sans l’autre détermination : la répression.

A quelques 200 mètres du lycée, les marcheurs sont stoppés et repoussés par les éléments des services de sécurité. S’en suivra alors une course poursuite à travers la périphérie de la ville. Et ce n’est pas pour autant que la marche se terminera, pour ainsi dire, en queue de poisson. Elle a le mérite d’avoir cassé le mur de la peur à Bouira, wilaya, contrairement à Béjaia et à Tizi-Ouzou, où l’hostilité à la dimension amazighe est plus affichée.

S.O.A

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