Plongée dans le berbérisme des années quarante

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Dédiée à Mouloud Mammeri, préfacée par Aïch Mohand Saïd, membre du groupe des étudiants du lycée de Ben Aknoun, le mémoire de Mohand Idir Aït Amrane “Ekkr a mmis umazigh”, nous replonge dans une époque palpitante faite de militantisme et de bouillonnement d’idées. L’œuvre étalée sur treize chapitres consolidés par l’alphabet amazigh, quelques poèmes ainsi que par des photos des membres les plus importants du groupe des étudiants de Ben Aknoun, nous retrace surtout l’historique de ce qui est appelé communément le “mouvement berbéro-nationaliste”. Naissance de la conscience au fait berbère, du berbérisme… le livre, malgré sa modestie tant littéraire qu’historique, foisonne de détails sur cette époque charnière à laquelle Novembre doit sa naissance. Si l’époque a permis la prise de conscience de l’identité berbère, elle a permis aussi de donner un nouveau souffle au mouvement nationaliste miné jusque-là par le “zaïmisme” et le culte de la personnalité. Quoique le récit est écrit à la première personne du singulier, on devine que l’objectif de l’auteur n’est pas de raconter sa vie mais de relater des faits historiques indispensables à la compréhension de notre présent. Comment la conscience identitiaire a pris naissance chez un groupe d’étudiants kabyles ? Quelle était la réaction du PPA/MTLD face à ces revendications culturelles ? Que sont devenus les éléments les plus importants, les plus sincères ? Est-on tenté de dire de ce groupe berbériste.Voilà, en gros, à quoi répond ce mémoire qui se lit comme un roman d’aventure. A lire et à relire l’œuvre, on comprend combien la culture berbère a subi de brimades de la part de responsables incultes, mais aussi de ses propres fils qui lui tournaient le dos à la moindre tempête. On se demande comment la Kabylie, forte de ses milliers de militants structurés et de ses responsables politiques d’envergure, n’a pas tenu tête quand la crise berbériste battait son plein. Curieusement, il n’y a que Benaï Ouali, et Amar Ould Hamouda à payer de leur vie leur attachement à leur identité. “Connaissant bien la question pour en avoir été l’un des principaux initiateurs, je pense que par respect pour notre passé, la Direction aurait dû faire un effort en vue de trouver une solution honorable pouvant satisfaire notre peuple dans ses diverses composantes. Malheureusement, pour cacher toutes ses insuffisances et ses propres contradictions, elle préféra la fuite en avant, en dramatisant dangereusement la question”.Ces mots de Idir Aït Amrane, s’ils relèvent la tyrannie du parti face à une question légitime, font aussi l’impasse sur la non-réaction des responsables et des militants kabyles. S’il y avait réellement une volonté d’imposer cette question à l’époque, on aurait pu le faire à moindre frais, le Printemps 80 et celui noir de 2001 n’auraient jamais vu le jour, mais comme on dit “Le vin est tiré, il faut le boire”, aux historiens de nous dire ce qui a grincé dans la machine pour que les revendications de Benaï et de ses camarades soient ainsi balayées aussi facilement par le parti. Quoiqu’il en soit, la graine semée en ces années quarante a fini par germer et donner d’abondants fruits.“Il serait impensable que notre langue puisse disparaître aujourd’hui alors que nous sommes enfin redevenus maîtres de nos destinées”. Ces mots qui concluent le livre, montrent que toute revendication légitime finit par triompher malgré toutes les tyrannies.

Boualem B.

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