La princesse léthargique

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(2e partie et fin)

Fatigué, le jeune prince s’allonge sur le sable à côté du poisson. Il s’assoupit un instant. Quelques minutes plus tard, il entend une voix qui lui dit :- Ekker fella-k’ ammi-s oug’ellid’Ekker fella-k’ agh itsrajou ouvrid'(Lève-toi, fils du roi, un long chemin nous attend !)Il se réveille et constate qu’un jeune homme aux beaux traits est penché sur lui. Il est étonné.- Ne crains rien mon ami, je suis ton frère, suis-moi et tes vœux seront exaucés !Les deux jeunes hommes quittent les lieux. Le jeune prince cherche après son poisson, mais il n’y a plus de poisson. Il regarde aux alentours, mais toujours pas de poisson. Il doit se rendre à l’évidence, le poisson a bel et bien disparu. – Il est retourné dans les flots quand je me suis endormi ! lance-t-il à son nouvel ami.Le jeune homme lui sourit, mais ne lui dit rien. Le poisson c’était lui, le génie des eaux. Il s’est métamorphosé en jeune homme rien que pour l’aider.Ils prennent la route ensemble à pied et traversent plusieurs contrées. Sept ans sont déjà passés et toujours pas de princesse Saâdia en vue.Un jour, en entrant dans une grande ville, ils sont étonnés de voir une nuée de corbeaux tournoyer autour de la plus haute tour du palais du souverain du pays.Ils posent des questions aux gens, et apprennent ainsi que ce qui attire ces corvidés, ce sont les têtes de suppliciés accrochées aux remparts du palais. « Et pourquoi cela », interrogent-ils encore leurs locuteurs ?- C’est une longue histoire, mais si vous voulez la connaître la voici : »L’ag’ellid’ (roi) possède une unique fille qu’il a prénommée Saâdia (la chanceuse). Dès sa naissance, elle fut promise au fils d’un roi, mais à quelques mois seulement des noces, un mal étrange s’est abattu sur elle. Elle ne parle pas, ne boit pas, ne mange pas et dépérit à vue d’œil.T’olba d’elâoulama (guérisseurs et savants ) sont appelés à son chevet mais rien n’y fait. La léthargie empire de jour en jour, si cela continue, le monarque sera privé d’héritière. Pour essayer de parer à cette fatalité, l’ag’ellid’ a promis de donner en mariage sa fille Saâdia au premier venu qui la guérirait, même s’il s’agit d’un mendiant. Mais il a aussi promis de décapiter tous les charlatans, les curieux et les plaisantins qui échoueraient après avoir vu ses traits. Ce sont leurs têtes que vous voyez accrochées pour servir de repas aux corbeaux. Ne tentez rien, étrangers, il y va de votre vie ! »Muni de tous les renseignements voulus, le jeune prince s’adresse à son jeune ami :- Je crois que je suis arrivé au terme de mon voyage. C’est cette fille que je cherchais de par le monde, je l’ai enfin trouvée, mais en état de léthargie. Mais, même si je dois y laisser ma vie, je ne retournerais chez moi qu’en sa compagnie, sinon jamais !Le jeune homme qui l’accompagne lui sourit et lui dit : – Ne t’en fais pas, reste là, je vais la guérir et je vais te la ramener !Il entre au palais et demande à voir la princesse Saâdia, malgré les risques encourus. A son chevet, il lui prend les deux mains, la regarde droit dans les yeux et ordonne d’une voix courroucée :- Sors du corps de cette fille, méchante fée, sinon je vais te brûler. Je suis le génie de l’eau, obéis !La méchante fée avait à faire à plus forte qu’elle. Elle s’exécute et sort de ses narines sous forme d’une vipère noire qui s’évapore en fumée.Aussitôt, la princesse Saâdia sourit et se blottit dans les bras de son sauveur. Il lui dit alors à l’oreille :- Je t’ai sauvée de ce mauvais pas afin que tu épouses l’homme qui t’est destiné. iI est fils de roi, il est là, en bas. Moi, je suis le génie de la mer, je dois retourner chez moi après avoir assisté à votre mariage.Le génie de l’eau retourne voir le jeune prince et le ramène dans la pièce où se trouve Saâdia. Il fait les présentations. C’est à ce moment qu’il apprend que son ami était le génie de la mer, que c’était lui qu’il avait troqué quand il était poisson, contre son destrier. C’est pour avoir accompli cette bonne action qu’il l’a aidé à retrouver et à sauver sa dulcinée afin qu’il puisse l’épouser.Tous les malentendus étant dissipés, le génie s’efface et c’est le jeune prince qui annonce tout heureux que la princesse est guérie et comme promis, il allait l’épouser. Il apprend au roi que lui aussi est fils de roi.Il lui raconte toute son histoire. A l’issue le jeune prince épouse la princesse Saâdia, lors d’une fête qui dura sept jours et sept nuits. C’est en compagnie de la princesse Saâdia pour laquelle il a souffert des années, qu’il retourne chez lui où il fut accueilli avec tous les honneurs dûs à son rang. »Our kefount eth’houdjay i nou our kefoun ird’en tsemz’ine. As m-elâid’ ametch ak’soum ts h’em’zine ama ng’a thiouanz’iz’ine. »(Mes contes ne se terminent, comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’aïd, nous mangerons de la viande avec des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).

Benrejdal Lounes

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