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Le compositeur de A yema Azizen

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“Je composais durant la période 1958-1962, des chansons patriotiques pour des artistes militants de la troupe du Front de Libération nationale. Un jour, j’étais exceptionnellement marqué par la visite du chanteur Farid Ali. Il était venu me demander si le chant kabyle n’était pas concerné par la Révolution et j’ai répondu que tous les Algériens avaient le droit de chanter pour la liberté du pays, sauf qu’il me fallait, un texte pour réaliser une composition. On s’est quittés à minuit et Farid Ali revint me voir à 6h du matin pour m’annoncer que l’écrit est prêt et qu’il lui donna « A Yema Azizen » comme titre. Le texte a été légèrement arrangé par le poète Mohamed Bouzidi qui a préféré préserver la simplicité des paroles de Farid car il n’avait pas besoin de mots poétiques pour s’adresser à ces mamans qui attendaient leurs fils, moudjahiddine qui s’en sont retournés du « Djabel ». Ce chant est le premier hymne national en kabyle », a annoncé Mustapha Sahnoune, lors de sa rencontre, la semaine dernière à Alger pour évoquer l’itinéraire de la troupe, du côté musical. Né le 27 janvier 1937 en Algérie, Mustapha Sahnoune est auteur compositeur, musicien, chef d’orchestre, ancien moudjahid et l’un des principaux artistes militant de la troupe du FLN qui s’est produite de 1958 à 1962. L’ensemble qui fait entendre la voix et le chant de l’Algérie libre à tout le peuple algérien à partir de l’étranger et les pays frères dont la Tunisie. « On nous appelle les artistes engagés, ces gens simples avec un coeur plein d’amour pour leur patrie et si on les a surnommé ainsi, c’est parce qu’ils se sont fixé comme objectif, de faire connaître à tout le monde que le combat du peuple algérien est celui de ceux qui sont privés de liberté, de justice et de paix, dans le monde », a dit Sahnoune. En 1958, la direction politique de la révolution qui se trouve à Tunis prend la décision de créer deux troupes : artistique et sportive et qui sera le porte-parole de tout un peuple en lutte pour sa libération. Un grand appel est lancé, suite à cette décision, à partir de Radio Tunis, « Saout El Djazaïr », pour que tous les Algériens qui se trouvent dans le pays ou à l’étranger rejoignent le FLN à Tunis. Des artistes ainsi qu’un grand nombre de footballeurs, opérant dans de prestigieux clubs français, partent pour la Tunisie afin de militer au parti. Bien avant le déclenchement de la Guerre de Libération nationale, Mustapha Sahnoune crée, à la fin de années 40, un ensemble avec ses amis, qu’il intitule, « La Rose blanche ». Cette formation présente des chansons dans de différents thèmes, beaucoup plus populaires, jusqu’à 1954 où toute activité culturelle est interdite. Juste après la guerre des huit jours, en 1957, ces artistes auxquel on avait interdit de se produire dans leur pays, regagnent la Tunisie, et d’autres parmi eux, rejoignent le maquis. Sahnoune se fait arrêté comme d’autres compatriotes et se fait torturer par le colonialisme français, en cette date de 1957. De la prison, des artistes algériens se révoltent, de leur côté et dénoncent par leur cri, les atrocités de la France coloniale, à partir d’une cellule où le premier militant à manifester contre le mot « El Fellaga », donné par l’armée coloniale, aux moudjahiddine, est le poète Moufdi Zakarïa.

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Après avoir été relâché, Mustapha Sahnoune part en janvier 1958, à Paris, bien avant que la troupe du FLN soit créée. Il est recruté à l’ORTF par le grand militant et chanteur Farid Ali qui est chef de service au sein de l’institution. Farid aide beaucoup d’artistes à enregistrer des chansons, dans cet établissement afin d’avoir le laisser-passer. L’ORTF permet aux artistes d’arranger de nombreux contacts pour l’organisation de la troupe du FLN. En mars 1958, Il part à Tunis et rejoint l’ensemble à la villa Bardo (la base du parti), pour former l’alliance artistique mois d’avril de la même année. Sahnoune est dans l’orchestre, en qualité de musicien accordéoniste, à côté de Ahmed Wahbi au luth, des chanteurs, Laârbi Hcen, dit Hcicen, l’auteur de « Ya Tir El Kafs » et de Saïd Saïh, de l’instrumentaliste Ben Ahmed, du violoniste Mensour Boualem, de Alilou à la derbouka, du musicien, comédien et danseur, Saâdaouï Hamou ainsi que du jeune chanteur El Hadi Radjeb, le fantaisiste Djaâfar Bek et autres. « Kalbi ya Bladi la nensek », est la première chanson patriotique que Mustapha Sahnoune compose. Cette chanson qui est interprétée par El Hadi Radjeb à l’âge de 13 ans, est écrite par le poète Mustapha Toumi, celui qui a écrit la célèbre, « Sbhan Allah ya Ltif » pour El Hadj El Anka. La deuxième chanson est « Ya oumi ma tkhafich », écrite par Mohamed Bouzidi et chantée par El Hadi Radjeb, également. Mustapha Sahnoune compose pour d’autres artistes militants tels que Saïd Saïh qui chante, « L Petrôl » et Djaâfar Bak, « Ya De Gaulle ».

« A Yema Azizen », « Kalbi Ya Bladi », « Djazaïrana », « Qacamen », et plus d’une cinquantaine d’autres œuvres du répertoire de la troupe sont enregistrés, lors de sa tournée, en Yougoslavie, à la radio Belgrade, et celle de la radio, Aïssa Messaoudi, « Saout El Djazaïr », en Tunisie, à la fin de l’année 1958.

 » Je souhaiterais un jour que l’Algérie récupère tous les chants patriotiques qui ont été diffusés à cette époque, dans les pays frères, voisins et amis. Ce sont des archives qu’on devrait préserver aux générations futures. Il est tant de penser à mettre des moyens pour conserver le patrimoine culturel matériel et immatériel du pays. Les œuvres de l’Algérie sont éparpillés. Nous sommes quelques uns à se rappeller, aujourd’hui, des textes révolutionnaires et autres. Chaque militant de la troupe du FLN qui part, prend une part du trésor avec lui. Il faut que les autorités subventionnent ce secteur en mettant des moyens scientifiques et culturelles adéquats », a ajouté Mustapha Sahnoune.

Parallèlement aux compositions patriotiques, qu’il réalise, essentiellement pour El Hadi Radjeb et Saïd Saïh, Sahnoune, travaille en collaboration avec Tahar Ben Ahmed en écrivant des textes de chansons populaires châabis. Il compose pour les Tunisiens Mustapha Charfi et Kamel Raouf ainsi que pour la première chanteuse tunisienne Oulïa qui interprète, « Hayou El Djazaïr » et « Ya Djazaïr y a Djamhourïa », lors du gouvernement provisoire algérien.

En 1960, il part en Egypte pour travailler pendant une année au conservatoire du Caire, « Saout El Aarab », où il réalise une mélodie pour Mohamed Kandil : « Ana Ibn El Djazaïr ».

Deux ans après, il prépare un projet pour Najette Essaghira, qu’il abandonne en pleine répétition et enregistrement afin de rentrer en Algérie, pour défiler avec ses frères et soeurs, dans les rues de la capitale, le 5 juillet 1962, le jour de l’Indépendance. « C’était le retour expres », a t-il dit.

De 1962 à 1972, il compose pour une pléiade de jeunes tels que Mohamed Rouchdi, El Ghazi, Faïza El Djazaïrya, Ahmed Choukri, Sami El Djazaïri et bien autres.

 » Je rends hommage à la troupe artistique du FLN qui, à travers ses tournées dans les pays frères et amis, a permis à tous les publics de connaître le mode de vie d’un peuple, dans ses différentes coutumes et traditions, un peuple qui lutte légitimement pour son indépendance et à celle de la glorieuse équipe sportive qui, durant ses déplacements à l’étranger portait très haut, le nom d’une Algérie combattante, dans tous les stades, avec fierté et dignité. L’équipe sportive du FLN charmait les amateurs du football avec une grande facture. Cette équipe qui participait, au moins d’une année à la collecte des fonds pour allouer plusieurs milliards de centimes à la trésorerie de l’ALN. Je lève aujourd’hui, fièrement ma voix comme par le passé, à travers les ondes de Radio Tunis « Saout El Djazaïr » pour chanter Qacamen et rendre hommage à tous les moudjahiddine et glorieux chouhada qui ont généreusement arrosé de leur sang, le sol algérien », conclut Mustapha Sahnoune.

F. B.

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