Musée d’Ifri : Un écrin de mémoire, un lieu de devoirs !

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Niché en plein milieu d’une nature luxuriante, entouré d’un pâté de maisons de style kabyle, le musée d’Ifri brille de jour comme de nuit tel un sanctuaire hautement vénéré. Musée d’un village, d’une région et de tout un pays, il est inauguré en grande pompe en 1984 par les soins du Président Chadli. Et depuis, des générations d’Algériens se sont ruées pour y trouver de valeureuses pages de notre Histoire récente. Qui dit Ifri, dit le congrès de la Soummam du 20 août 1956. Ifri fut, donc, le lieu de ce rendez-vous majeur d’une poignée d’hommes drapés de nationalisme et habités par un idéal commun ; organiser la rébellion et mettre sur pied les premiers jalons de l’Algérie post-indépendance par le ciment du droit républicain. Ifri village tire de cet événement une certaine fierté car le choix du lieu est proportionnellement relié à la confiance et l’estime qui animaient les congressistes envers sa population. De nos jours, c’est avec lucidité et mesure que les habitants du village préservent le lieu auquel ils consentent d’accorder le mérite de les avoir fait sortir de l’anonymat. « Si le musée n’existait pas, la route du village resterait certainement impraticable jusqu’à ce que les figuiers mûrissent en hiver !», dira un villageois, manifestement rompu ailleurs aux fantaisies étatiques. En effet, le chemin d’accès est si abrupt et difficile à aborder le volant entre les mains. Cependant, cette carence n’empêche guère les curieux de venir rendre visite aux lieux. Ouvert sept jours sur sept, de huit heures du matin jusqu’à dix-sept heures, le musée draine des affluences fluctuantes, notamment en hiver, qui se caractérise par une aridité sèche. «Pendant l’hiver, il ne sont pas plus de dix à vingt personnes à venir par jour», avoue le jeune directeur du musée, M. Hakim Mahdjat. «Par contre, au retour du beau temps, concède le premier responsable, ce sont des colonies nombreuses qui battent le pavé par ici. Trois cent à cinq cent visiteurs par jour». Le portail d’entrée donne sur une large cour carrelée, quelques stèles trônent par-ci et par-là des sculptures ornent les murs, des armements pointent le bout comme en temps de guerre. De larges escaliers donnent accès à une vaste tribune qui fait face à une scène entourée de marbre, là où la diva Ouarda a chanté en 1984, le jour de l’inauguration. Plus haut, entre de nombreux figuiers et cépages, une maison typiquement kabyle ouvre ses portes pour accueillir le visiteur avec une douceur ouatée et bienveillante. Des ustensiles d’époque tiennent compagnie à des portraits et des emblèmes aux couleurs nationales. Le décor stimule l’imagination ; un étrange et puissant sentiment saisit le visiteur qui ne manquerait pas de revoir les fantômes mal rasés d’Abane Ramdane, Lakhdar Ben Tobbal, le commandant Kaci et compagnie deviser au coin du feu, à voix basse. Leurs voix se renvoyant à travers les murs dans un chuchotement de circonstance. Le cœur du sanctuaire est une grande salle qui abrite le musée historique, proprement dit. D’une richesse inouïe, les articles et les objets exposés traduisent par le menu, une grande épopée. Sur les murs ou dans des armoires sécurisés, une foule de portraits, de photos, d’articles de presse, d’armements, des treillis, des casques, fusils, canons, hélices d’hélicoptères, des télégrammes et correspondances officielles font une fière vitrine. Le musée a pour voisine une bibliothèque achalandée. «Il y a quelques cinq cent livres !», tonne le directeur d’une voix sonore avant d’ajouter : «En général, ce sont uniquement les étudiants et les chercheurs qui osent y mettre les pieds ». Dans ce cadre bucolique aux senteurs des poudres de guerre, une jeune équipe y veille de jour comme de nuit. La propreté subjugue, les plantations sont entretenues avec un soin quasi maladif. Le respect des consignes s’observe comme un rituel religieux. Pourtant, le directeur se montre insatisfait : « Nous manquons d’un guide habilité à donner des explications aux nombreux visiteurs dont la curiosité est d’une acuité persistante. Actuellement, on ne dispose ni d’un bibliothécaire, ni d’un licencié en histoire et encore moins d’un conservateur de musée. J’ose espérer que le Ministère des moudjahidine daigne prendre acte de nos doléances ». Pénétrer les voies de l’Histoire est l’une des préoccupations majeures que de plus en plus d’Algériens mettent à profit leurs enfants en empruntant les sentiers de la Mémoire, par le livre, par l’objet, par la parole. Une tendance qui s’intensifie et résonne comme un désir ardent d’un retour aux sources pour s’abreuver à pleine conscience de la valeur d’une terre et d’un peuple aux pesants d’or. Bref, le tourisme «Historique» s’annonce comme un nouveau créneau capable de donner un rayonnement à la région et à son histoire.

Tarik Djerroud

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