La sœur et ses sept frères exilés

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(3e partie)

Epéronnant sa monture, la négresse métamorphosée se rend dare-dare dans la demeure des sept frères et leur dit tout de go : “Ay athmathen iou âazizen Settoute thesk’idvaouenYemma thesaâd nekiniMatchi d’ah’day akken theslam k’ounoui !(ô, mes frères bien-aimés, la sorcière vous a trompés, c’est moi la fille qu’elle a eue et non un garçon comme vous l’avez entendu !)Je suis bel et bien votre sœur. Ma servante noire me suit, bientôt elle sera ici, mais un conseil, n’écoutez pas ce qu’elle tentera de vous dire, elle a l’esprit un peu dérangé, mais c’est une excellente servante, qu’on peut faire travailler jour et nuit.”Les sept frères sont ébahis et restent bouches bées. Depuis des années, ils n’ont pas entendu une aussi bonne nouvelle. Ils entourent leur sœur, l’embrassent et lui posent des tas de questions. Comme elle a toujours vécu au sein de la famille, elle répond judicieusement à toutes les questions.Elle les a tous convaincus de la véracité de ses dires. Les sept frères portent aux nues leur fausse sœur, au grand dam de la vraie, que sa couleur de peau a défavorisée. Leur “sœur blanche”, ils la reçoivent avec tous les honneurs, tandis que leur “sœur négresse”, ils la mettent à l’écurie (d’eg daynine), avec de la galette d’orge et de l’eau, seules denrées à manger.Pour gagner leurs vies, les sept frères ont uni leurs efforts pour s’acheter sept dromadaires mâles et femelles pour les faire fructifier. Avant que n’arrive la négresse, chaque jour, l’un des sept frères devait mener aux champs paître les camelidés, mais depuis que la négresse est là, c’est à elle de s’occuper désormais de ça. C’est ainsi, que chaque matin, aux aurores, la “fausse sœur” envoie au champ “la fausse négresse” pour garder les dromadaires.Dans le champ où elle mène paître les dromadaires, il y avait un gros rocher au dessus duquel on pouvait surveiller les bêtes. Montée dessus, elle se met à pleurer à se lamenter et à lancer cette complainte à fendre l’âme pour celui qui l’entend :

“Âlou âlou ay az’rouAhath ad isel rebbiThak’lith thaqedachthe ou g’oud’ouTheçarouayi imettiIouathmathen iou thesk’idev felli !”(Elève-toi rocher, élève-toi dans les cieux. Peut-être que le Dieu Très-Haut entendra ma complainte. La négresse servante me fait pleurer, à mes frères elle a menti !)Comme l’histoire se passe à l’époque où les animaux avaient le don de la parole et comprenaient le langage humain, en entendant ces paroles pleines d’amertume et de ressentiment, les dromadaires émus à l’extrême cessent de s’alimenter. L’injustice flagrante dont est victime la jeune femme leur coupe l’appétit, alors que l’herbe est abondante et drue. De jour en jour, ils deviennent maigres et efflanqués, au point que leurs os font saillie.Ce phénomène de malnutrition ne touche étrangement que six des dromadaires. Seul le septième, sourd comme un pot, grossit à vue d’œil et attire inéluctablement l’attention des sept frères.Eux qui s’attendaient à les vendre pour essayer d’en tirer un bon prix sont déçus et s’en prennent tous ensemble à la bergère : “Depuis que tu es là, rien ne va plus, nos dromadaires étaient gros et pouvaient rapporter de l’argent, mais on dirait que tu les as ensorcelés, au point qu’ils sont devenus aussi maigres que des roseaux.-Je ne leur ai rien fait, se plaint leur sœur devenue négresse. S’ils ne veulent pas brouter l’herbe, je ne peux être tenue pour responsable !”Les pauvres dromadaires dépérissent de jour en jour. Il n’y a que le dromadaire sourd qui grossit à vue d’œil.Cela intrigue au plus haut point les sept frères. Pour essayer de découvrir le secret, le cadet est envoyé au champ pour espionner la manière dont la négresse fait paître les bêtes.Se cachant derrière un fourré, il attend quelques instants, puis voit la négresse monter sur un rocher et lancer à plusieurs reprises sa litanie :“Âlou âlou ay az’rou!Eleve toi rocher ! etc…”

A suivreLounès Benrejdal

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