Amar Imache «revient» à Ath Mesbah

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Comme chaque année, le village d’Aït Mesbah, dans la commune de Béni Douala, commémorera, demain, l’anniversaire de la mort de son fils Imache Amar.

Tout un programme a été concocté par l’association qui porte le nom d’un des premiers militants du mouvement national, en collaboration avec l’APC. Les activités débuteront vers 9h, par un premier dépôt de gerbes de fleurs au monument des martyrs du village. Le 2ème aura lieu au cimetière Ikhef Uguemoun, sur la tombe du défunt.

S’ensuivront des prises de paroles et témoignages au niveau de l’école du village où une exposition des coupures de presses et des écrits d’Amar Imache sera ouverte au grand public. A noter également qu’une collation est prévue à la mi-journée et la cérémonie prendra fin en fin de journée.

Quelques moments forts de son parcours

Amar Imache est né le 7 juillet 1895 dans le village d’Ath Mesbah, commune de Béni Douala qui dépendait à l’époque de la commune mixte de Fort National (actuelle Larbaa-Nath-Irathen). Il était le 3e d’une fratrie qui compte 7 enfants (4 garçons et 3 filles).

Il fit une brillante scolarité à l’école primaire de Taguemount-Oukerrouche, de 1903 à 1910, sous la bienveillance de l’instituteur Ferrys. Fils de petit fellah, sans grands moyens financiers, il ne put accéder aux études secondaires ni encore moins aux études supérieures interdites aux «Indigènes», excepté une certaine classe de bourgeois, de fils de Caïds et autres Bachaghas.

Fervent défenseur des peuples opprimés et de toutes les causes justes, son combat politique s’étalera du début des années 1920 jusqu’à l’aboutissement à la lutte armée de novembre 1954. En 1915, après quelques années passées à la Mitidja chez les Colons impitoyables qui lui ont fait découvrir le vrai visage du colonialisme, il part en France, où il croyait trouver les conditions de vie et de travail plus clémentes, mais ce ne fut pas le cas.

De l’usine de pneumatiques Michelin de Clermont-Ferrand aux mines de charbon du Pas-de-Calais en passant par les chantiers de construction navale de la Charente, ce fut très dur. En 1923 – 1924, il s’installa à Paris où était concentrée la majorité des ouvriers nord-africains, notamment des Algériens.

Il y travailla en tant qu’ouvrier spécialisé à la parfumerie Roger et Gallet, un poste qu’il perdra en novembre 1934 à cause de son engagement politique. Les droits des travailleurs nord-africains étant bafoués, il fallait agir et lutter pour les arracher. C’est là qu’il entreprit, avec quelques compatriotes, un travail de sensibilisation et de conscientisation auprès des travailleurs pour s’organiser en syndicat.

Naissance de l’ENA

Les rencontres se faisaient dans la clandestinité, dans les cafés, les restaurants, les hôtels et autres lieux où pouvaient se rencontrer les travailleurs émigrés. Le résultat fut un succès, puisque le 7 décembre 1924, lors d’un rassemblement de près de 100 000 ouvriers nord-africains (principalement des Algériens originaires de Kabylie), un syndicat dénommé le Congrès des Ouvriers Nord-Africains de la Région Parisienne fut créé.

En mars 1926, le syndicat devint parti politique : l’Etoile Nord-Africaine, dont le programme était non seulement la défense des droits des travailleurs, mais la revendication de l’indépendance de l’Algérie. C’est ainsi qu’en février1927, les revendications de l’Etoile nord-africaine sont déposées sur le bureau de la Ligue anti-impérialiste de Bruxelles (Belgique).

L’Etoile nord-africaine, créée en mars 1926, est dissoute en novembre 1929. En 1930, la France fête dans un enthousiasme délirant le centenaire de la colonisation. Le combat de l’ENA ne s’arrêtera pas pour autant. Durant cette même année 1930, sera créé le journal «El Ouma» qui portera et défendra le combat indépendantiste.

L’Etoile nord-africaine dissoute en novembre 1929, revient plus forte et plus déterminée que jamais en 1933, sous une nouvelle appellation : la Glorieuse Etoile nord-africaine (GENA).

Lors de l’assemblée générale tenue le 28 mai 1933 à la Salle la Grange-aux-Belles, on procéda à l’élection d’un Comité Central composé de 30 personnes dont les principaux élus furent : Messali Hadj, Amar Imache, RadjefBelkacem, Si Djilani Mohand Said, Rabah Moussaoui (de son vrai nom Messaoui), BanouneAkli, Bedek Mohamed, Sefar, Rebouh et d’autres…

Au Comité Directeur, on retrouve Messali comme Président et Directeur d’El Ouma, Amar Imache comme Secrétaire Général et Rédacteur en Chef du journal et Radjef Belkacem comme trésorier. Une année et demie après, en novembre 1934, l’Etoile est de nouveau dissoute et ses principaux dirigeants arrêtés et condamnés à 6 mois de prison et 2 000 francs d’amende chacun par le Tribunal de la Seine.

Suite à cette condamnation, Amar Imache perd son emploi chez Roger et Gallet. Libéré en mai 1935, il reprend sa place au sein de la Direction de l’Etoile qui continue la lutte malgré tout, dans la clandestinité.

Dans le combat de l’ENA, l’Afrique n’est pas en reste puisque l’occupation de l’Ethiopie par l’Italie a fait réagir Imache Amar qui déclare le 22 août 1935 dans un article d’El Ouma : «Tous les Africains, sans distinction de religion, doivent manifester contre le fascisme italien !» et «Tous les Africains doivent s’unir pour combattre l’impérialisme en Afrique !».

Ces déclarations lui valent une nouvelle condamnation, puisque le 11 décembre 1935, il est de nouveau incarcéré en compagnie de Radjef et Si Djilani. Libérés quelques mois plus tard, ils sont déterminés plus que jamais à continuer le combat contre l’impérialisme.

Pendant ce temps (de décembre 1935 à juin 1936), Messali était à Genève chez son ami Chakib Arslan pour se soustraire aux arrestations. Cette fuite lui sera reprochée dès son retour en juin 1936, par Amar Imache.

Le conflit entre Messali et Imache éclate au grand jour

Une première divergence va donc opposer les deux hommes au cours de l’été 1936. Il lui a reproché également son long séjour en Algérie (août à novembre 1936), non approuvé par le Comité Directeur ainsi que l’atteinte au fonctionnement démocratique de l’Organisation et le culte de la personnalité.

Le 7 juin 1936, se déroule à Alger, dans la salle Majestic (actuelle Atlas), le Congrès musulman qui réunit les Oulémas, le Parti communiste algérien et les élus. Tous acquis au projet Blum-Violette qui préconise l’octroi de la nationalité française à quelque 20 000 ou 25 000 notables indigènes.

Ce projet affecte considérablement Amar Imache qui réagit en ces termes : «Ce titre d’Algérien est-il insuffisant pour jouir des mêmes droits que tous les hommes ? Ainsi, pour être libre, il faut se vendre d’abord, pour libérer l’Algérie, il faut la rattacher d’abord et pour être citoyen algérien, il faut d’abord être citoyen français et assimilé ? (voir l’Algérie au Carrefour p.30 et 31).

Ah ! Que voilà des moyens pratiques et ingénieux pour arriver plus vite à ce qu’on désire». Par ailleurs, ce Congrès d’où les membres de l’Etoile nord-africaine ont été systématiquement écartés, a été dénoncé vigoureusement lors du meeting organisé à ce propos par l’Etoile, le 31 juillet 1936 à la salle du Palais de la Mutualité à Paris en présence de 6000 participants (voir l’Algérie au Carrefour p. 184 – 185). Le conflit latent entre Imache et Messali va s’exacerber lors de la dernière assemblée générale de l’Etoile, le 27 décembre 1936.

En plus de tous les griefs reprochés à Messali, un autre et non des moindres, porte sur l’attitude adoptée par Messali qui n’a pas dénoncé ni condamné les démarches du Front populaire espagnol auprès de l’ENA, dès son retour d’Alger, ce qui a été décrypté comme étant un consentement pur et simple. Amar Imache et Messali Hadj se succèdent à la tribune pour exposer chacun sa conception de la politique et sa vision pour l’Algérie de demain.

Lors de son intervention, Amar Imache bute contre l’hostilité de certains militants qui étouffent ses propos dans le chahut et les cris : «Vive Messali !». Il réplique : «Un parti doit suivre un programme et non se mettre à la remorque d’un homme !».

Comble d’ironie, Amar Imache connaîtra cette même hostilité après son retour au pays en 1947, dans sa région natale même, la Kabylie, comme l’a rapporté Yacine Temlali dans son livre «La Genèse de la Kabylie – Aux origines de l’affirmation berbère en Algérie 1830-1962 ». (Page 188), citant un témoignage de Mabrouk Belhocine, tiré des actes du colloque organisé par le HCA les 24 et 25 décembre 2001, sous le thème «Le mouvement national et la revendication amazighe».

En effet, selon l’auteur, M. Belhocine, ancien militant du PPA, rappelle d’une façon éloquente qu’en 1947, Amar Imache était venu faire un meeting sous l’égide de l’UDMA (Union Démocratique du Manifeste Algérien) à Tizi-Ouzou, mais il en a été empêché et saboté par ceux-là mêmes qu’on allait qualifier de régionalistes, alors que paradoxalement, quelque temps auparavant, Messali y avait reçu l’accueil le plus grandiose qu’il ait connu.

La prison et les camps de concentration l’ayant durement marqué, Amar Imache décide de rentrer en Algérie en février 1947. Il revient complétement usé, malade et boiteux. Le 26 janvier 1957, le Front populaire soutenu par le Parti Communiste français, prononce la dissolution définitive de l’Etoile nord-africaine.

En 1959, l’armée française impose un blocus alimentaire à la population du village Ath-Mesbah. Amar Imache décède dans la nuit du 6 au 7 février 1960, laissant 5 enfants en bas âge.

Résumé de la biographie par F Moula.

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