«Mon film de fiction sera tourné en Algérie…»

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Après la présentation à Béjaïa de la pièce Splendides exilées, dont elle est le metteur en scène, Catherine Belkhodja viendra présenter le film Level five (1996) de Chris Marker, à Alger.

La Dépêche de Kabylie: Alger aura-t-elle droit à l’exposition «Chris Marker» que vous organisez à Beaubourd (Paris), Bruxelles… ?

Catherine Belkhodja : Je le souhaite vivement… Mais il faudrait trouver un lieu assez grand pour présenter l’exposition. La Cinémathèque algérienne ne possède pas d’espace assez vaste pour présenter une telle exposition dans sa totalité. L’autre solution serait de proposer une version plus allégée que celle-ci si on veut la présenter à la Cinémathèque, ou de prévoir un lieu plus adapté pour la présenter dans sa totalité. L’intérêt d’une exposition plus allégée serait qu’elle puisse voyager dans différentes villes. L’idéal serait que l’exposition ait lieu au même endroit où ses films sont programmés.

Vous allez présenter «Level Five» le 23 février au Musée Guimet.

Un mot sur ce film ? 

Oui, toute une programmation est prévue pour présenter les liens particuliers que Chris Marker avait laissés en Asie (Chine, Viêt Nam, Corée et Japon.) «Level Five» aborde un point d’Histoire qu’on oublie souvent : la bataille d’Okinawa qui a eu lieu lors de la seconde guerre mondiale. Ce fut une véritable tragédie ; beaucoup de Japonais, ignorant que la guerre était finie, se suicidaient pour ne pas tomber aux mains de l’ennemi.

Chris Marker a la réputation d’avoir surtout réalisé des documentaires. A part «La Jetée», film très connu qu’on étudie même au lycée, a-t-il réalisé d’autres fictions ?

«La Jetée» est, en fait, uniquement composé de photos, excepté un très court plan de battement de paupières. Chris Marker a aussi réalisé un film de fiction qui est un faux documentaire (L’Ambassade), mais son seul vrai film de fiction est «Level Five». Ce film avait une importance capitale pour lui. C’est le seul où il a vraiment fait de la direction d’acteur.

Chris Marker s’est toujours intéressé à l’Histoire et aux mouvements sociaux, des sujets plutôt sensibles…

Mais il avait beaucoup d’humour ! Je conseille de revoir «Lettres de Sibérie», qui est un formidable témoignage sur la responsabilité des commentateurs lorsqu’on présente des images filmées en croyant rester objectif. L’objectivité n’existe pas vraiment. Même quand on présente des faits, la façon de présenter ces images influencera forcément le spectateur, d‘où la responsabilité des journalistes ! Chris a beaucoup parlé de la communication des images dans ses films. Il avait toujours un humour très rafraîchissant. Je conseille aussi «Slon Tango», un véritable chef-d’œuvre ! Il y a aussi «Les Chats». Je prépare d’ailleurs un film qui présentera son rapport avec les chats et notre mascotte, devenue très médiatisée maintenant, «Guillaume en Égypte». Ce film sera réalisé en partie dans des studios d’animation en Algérie et à Bruxelles. J’espère pouvoir faire travailler des dessinateurs algériens pour les séquences animées.

Avez-vous d’autres projets en Algérie ?

J’ai un très joli projet de fiction qui n’est maintenant qu’au stade de l’écriture. Il sera par la suite tourné en Algérie, en France et au Sénégal, si je parviens à trouver le financement. Ce qui est bien entendu toujours très difficile, d’autant que les contrats avec les sociétés privées posent parfois problème, en témoigne le récent suicide de notre regretté confrère (Youcef Goucem, ndlr) qui était si désespéré qu’il s’est immolé par le feu.

Comme mes confrères et amis, j’ai été bouleversée par cet acte désespéré qui a conduit de nombreux artistes à s’organiser pour que cela ne se produise plus jamais. Nous cherchons ensemble les moyens de contraindre les chaînes privées à respecter leurs contrats vis-à-vis des productions auprès desquels elles s’engagent. Nos travaux avancent bien et nous espérons vivement que le ministère de la Culture nous soutiennedra pour apporter des garanties aux productions qui se ruinent pour faire aboutir un projet. Que ce soit dans le cinéma ou dans le théâtre, le constat est le même : il y a beaucoup de promesses, mais les dettes sont rarement remboursées.

Entretien réalisé par Mohand Ibersiene

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