Ammouche Mohand ou le chanteur de l’émigration

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Chanteur de l’émigration, né à Tibouamouchine dans le douar d’Amdoune n’Seddouk, il a fait partie de la première vague de chanteurs algériens qui ont introduit la chanson kabyle en France. Très jeune, il fut séduit par le chant medh. Alors qu’il était berger, il a confectionné une flûte à l’aide d’une tige de roseau et pendant que les bêtes broutaient, lui se mettait sous un olivier pour jouer de la flûte. Comme beaucoup de jeunes de sa génération, las de supporter les affres de la faim dans son village, ravagé par la misère des années 1940 (seconde guerre mondiale), et à l’insu de ses parents, il prit sa destinée en main et alla s’installer à Alger durant deux ans avant de partir en France où il a commencé à vivre pleinement sa vie d’artiste. D’ailleurs, sa première chanson, intitulée «A Thakariets ines ivava thidhets», il l’avait dédiée à ses parents, leur faisant comprendre que ce n’était pas de  gaieté de cœur qu’il avait quitté les siens, son village et ses amis, mais poussé par la misère. Quand il écrivit la chanson «Ayadhrar nigueldamen agoumadhik d’Akbou», des années étaient passées, mais il n’avait pas oublié la vie dans son village, dominée par la fabrication du balai traditionnel dont la matière première (ighezsam) était extraite à Igueldamen. En arrivant en France, il avait persévéré dans la chanson en fréquentant l’école de Mohamed Missoum où il a appris le solfège qui lui a permis de bien jouer du luth. C’est à saint Michel, un quartier parisien qui pullulait de cafés arabes et cabarets et lieux de rendez-vous des chanteurs que Ammouche Mohand animait des soirées. Il a côtoyé alors des vedettes nationales et internationales de la chanson qui lui ont donné des ailes, telles que Mohamed Djamoussi, Cherif Khedam, Farid el-Atrache, Alloua Zerouki, et la liste est encore très longue. Dans la chanson «Belhaddad ker matsadoudh anrouh arseddoukenagh», il n’a pas oublié nostalgie oblige, de dire combien son pays lui manquait en invitant un autre enfant du village voisin, vivant à Paris de l’accompagner pour un retour au bled. Après une quarantaine d’années d’absence, un jour des années 1980, il débarqua au bled.  C’est à la placette d’Agoulmim qu’il descendra avec pour tout bagage une valise et un luth. Tout le monde avait les yeux rivés sur cet homme bien costumé et coiffé et ce fut un vieux qui brisa le silence en s’écriant : «oh, c’est Mohand Ouhammouche qui a mis fin à son long exil !». Les jeunes ont découvert ce grand chanteur de l’émigration lors de quelques galas qu’il a animés çà et là. La femme kabyle restait un sujet de prédilection pour lui, il chanta son charme dans «Athachamaht, entre autres. Lui, qui a participé activement à la révolution algérienne, il a chanté l’indépendance dans «El-houria». Il nous a quittés le 15 mai 2004. Respirant la générosité et comme sa famille, vivant en France, a souhaité qu’il soit enterré là-bas, il a demandé à ses enfants que la part d’argent qui lui revenait de la caisse de la communauté émigrée, destinée au transfert de sa dépouille, soit envoyée aux notables de son village pour la rénovation de l’ancienne fontaine. Chose qui fut faite après sa mort et cette fontaine porte son nom. Elle pallie à la pénurie d’eau en été. Da Mohand est, d’une certaine façon, toujours là.                                  

L. Beddar 

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