Un bel hommage à un grand artiste

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Le village Bouzekout, dans la commune de Bousselam (Sétif), a connu une animation toute particulière vendredi dernier, pour le 40e jour de la disparition du chanteur Abderrezak Ghozlan, né dans cette petite bourgade un certain 11 juillet 1948 et décédé le 5 janvier dernier. La cérémonie était organisée par la famille du défunt artiste et l’association locale «Tafath», avec le concours du collectif des artistes de la wilaya de Béjaïa, en présence de représentants de l’ONDA. Ce fut un hommage, à titre posthume, à un artiste qui a consacré sa vie à la promotion de la chanson kabyle de l’exil durant les années 60 et 70, mais aussi à son talent de sculpteur sur bois. Le premier rendez-vous de la foule fut au cimetière du village, au lieudit Aït Sidi Ali, où une gerbe de fleurs a été déposée sur la tombe du défunt qui a récemment été recouverte de marbre et sur laquelle le nom du chanteur a été écrit en Tifinagh.

Après une séquence musicale durant laquelle furent diffusées des chansons phares de l’artiste, depuis la cour extérieure de sa demeure, vint le moment des témoignages de ceux qui l’ont connu et côtoyé. Tout le monde dira la discrétion du défunt artiste, qui aimait la solitude et qui ne se dévoilait qu’à travers de trop rares chansons, dont «A tomobil». Mustapha du groupe «Les Maghrébins», dira : «La mort de Ghozlan est une perte pour la chanson kabyle, et l’un de mes plus grands regrets est de n’avoir pas pu réaliser le projet audiovisuel sur la vie du chanteur initié par l’association des artistes de Béjaïa, en commun accord avec le chanteur lors de son séjour à l’hôpital de Béjaïa l’été dernier». Mohamed Akkal, directeur central de l’ONDA rappellera quant à lui que Ghozlan faisait partie de l’office des droits des artistes en France durant les années 70.

Mais les témoignages les plus émouvants furent ceux des proches du chanteur, à l’image de Smail Ghozlan, un jeune universitaire qui a bien cerné la personnalité de son cousin artiste, dans une biographie qui souligne la force de caractère «atypique» de Ghozlan : «Mon cousin, Dda Abderrezak, a choisi de vivre dans la douceur de la solitude, il a donné tout son temps, depuis son retour définitif de France en 86, à la musique et à la sculpture, fuyant les tracas matériels du quotidien», dira l’intervenant, soulignant qu’«Abderrezak ne souffrait d’aucune anomalie, contrairement à ce que pensaient certains. Ghozlan était heureux dans sa vie, il ne s’est jamais plaint, il avait tout simplement tourné le dos à la vie matérialiste et n’a jamais couru derrière la célébrité». Pourtant, dans sa jeunesse, et surtout en France, Ghozlan, comme le prouvent les préfaces de ses disques, avait tous les atouts pour être célèbre, mais lui s’est contenté, selon ses textes, de chanter tout haut ce qu’il vivait au fond de ses tripes. Orphelins de mère dès l’âge de 2 ans, son exil très jeune (11 ans) pour suivre son père en France fit pousser en lui un sentiment de chagrin qui est devenu par la suite son inspiration pour composer des chansons très touchantes.

«A tomobil» est l’une de ces chansons, dans laquelle, avec quatre mots, il résuma ses souffrances d’être éloigné de son village et d’avoir été privé trop tôt de sa mère… D’autres témoins feront le lien avec d’autres chansons de Ghozlan, comme celle intitulée «As lhad itsru gujil» qui résume si bien la vie triste et douloureuse d’Abderrezak. Tous les intervenants s’accorderont à dire que «Ghozlan Abderrezak est un nom à retenir dans l’histoire du chant et de la musique algériens, et que son répertoire, riche de quelque 40 chansons, mais dont il ne reste qu’une dizaine, mériterait d’être sorti de l’oubli». Et c’est ce qui a été promis par les responsables de l’ONDA. Les organisateurs de la cérémonie ont par ailleurs promis «un grand gala à la mémoire de cet artiste qui mérite d’être plus connu».

N. T.

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