«Une profonde envie de faire chanter les mots…»

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Younès Aghougali est un poète chaoui. Il a sorti un livre de poésie intitulé Ta3rict en tamazight. Dans cet entretien, il revient sur ses débuts, son parcours, l’amour inconditionnel qu’il a pour Tachawit et Tamazight et parle également de ses projets.

La Dépêche de Kabylie : Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs ?

Younès Aghougali : Je m’appelle Younès Aghougali. Je suis né à Assoul, wilaya de Khenchela, dans les Aurès. J’habite au pied de la fabuleuse montagne de Chélia, le long de la plaine Amellagou, connue pour ses terres agricoles fertiles depuis la nuit des temps.

Parlez-nous de vos débuts ?

Au primaire déjà, j’adorais la lecture. Après, je dévorais tout texte qui me tombait entre les mains, même en anglais. Une langue que j’admire. Lors d’une fête de fin d’année, au collège, j’ai découvert mes capacités à bien m’exprimer dans un langage poétique académique. Tout l’amphithéâtre avait alors applaudi ma déclamation. Au lycée, je me suis spécialisé dans les lettres et les sciences humaines. J’ai eu mon baccalauréat, en 2004. A l’université de Batna, j’ai passé quatre années à faire de hautes études d’anglais, comme langue étrangère, et aujourd’hui, j’ai réalisé mon rêve d’enfance à l’institut de Tamazight de l’université de Tizi-Ouzou. Le meilleur que je retiens de cette période a trait aux poèmes écrits à mes débuts dans le monde de l’écriture à la fois en tachawit et en anglais. J’avais écrit mon premier livre de poésie, en anglais, en 2010. Malheureusement, il n’a pas été publié.

Comment avez-vous atterri à l’université Mouloud Mammeri ?

L’université Mouloud Mammeri était à la fois un deuxième choix et une chance. A l’époque où j’étais sans emploi, j’avais décidé de me préparer à un nouveau certificat d’études supérieures, après avoir obtenu mon deuxième baccalauréat, en 2010.

Comment a été votre intégration ? Difficile ?

Quand je suis arrivé à Tizi Ouzou, vers la fin 2010, on me prenait pour un Béjaoui. Tous étaient curieux et se demandaient comment un chaoui pouvait parler kabyle et couramment.

Parlez-nous de «Ta3rict», votre premier livre de poésie…

J’ai écrit le premier poème de mon livre de poésie «Ta3rict», qui veut dire chêne en tachawit, en août 2004. Ce poème reflétait ma profonde envie de devenir poète, plus précisément en tachawit. A partir de là, j’ai trouvé une astuce pour étudier tamazight, afin d’apprendre à l’écrire correctement et selon les règles grammaticales. Je n’ai jamais accepté l’idée d’écrire tachawit, en arabe littéraire. C’était ma propre conviction. Il a fallu six années pour que «Ta3rict» devienne un manuscrit complet, corrigé et en attente de publication. Il le fut d’ailleurs en mars 2017 quand la maison d’édition «Tamagit» m’avait donné son accord. Vous ne pouvez pas vous imaginer alors l’immense plaisir que j’ai ressenti, lorsque j’ai tenu mon livre imprimé entre les mains. C’était comme si Lalla Daya avait été ressuscité ! Je l’ai dédié à deux grands personnages ayant défendu ma langue maternelle, en l’occurrence Mouloud Mammeri et Kateb Yacine.

Quels thèmes traite-t-il ?

La plupart des thèmes que j’ai traités dans mon ouvrage sont une traduction de «culture vivante», où mon style d’écriture, ma langue utilisée, l’image, la thématique, la technique littéraire sont une forme de renouvellement de l’écriture en tachawit. C’est ce qui fait une «culture savante». A travers les thèmes et la poésie libre de «Ta3rict», toutes les connaissances archaïques sur le patrimoine littéraire dans les Aurès ont été effacées. Il est vrai qu’il y en a beaucoup qui écrivent de la poésie mais, de mon point de vue, il manque encore trop de travail pour en améliorer le niveau, pas seulement comme une écriture, mais comme un art expressif indépendant à travers lequel la société sera directement représentée. Quant à la photo sur la couverture de mon livre, c’est celle du chêne qu’il y a dans la cour de notre maison traditionnelle à Assoul, mon village natal.

Quels sont les poèmes qui vous ont le plus marqué ?

Il y a «Tazemurt», qui est une description de «tamazgha», la terre des hommes et des femmes libres. «Inumak» (sens inverse), un questionnement énigmatique sur la finalité de l’art et de la littérature. «Izerfan ma llan» (injustice) est une dédicace à tous les combattants pour les droits humains. La situation abominable et regrettable des artistes en Algérie, en général, et aux Aurès, en particulier, est décrite dans le titre «Ameghbun», qui signifie «Misérable». Je pense que la déception amoureuse peut donner plus de chances d’exprimer ses sentiments. C’est ce que j’ai fait dans «Tasuqilt n Uhulfu» (Amour d’autrefois).

Des projets ?

J’ai de nombreux projets. Certains sont en cours de réalisation et d’autres pas encore. Ces jours-ci, je termine mon premier roman en arabe et travaille sur un autre en anglais. J’espère qu’il me sera facile de le publier, comme je l’ai fait avec «Ta3rict».

Entretien réalisé par M A Tadjer

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