L’imbroglio politique persiste

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Entouré de sérieuses complexités juridiques et politiques, le retrait des élus des assemblées locales fait objet d’une polémique et de lectures dans toutes les directions, sans arriver à dégager une issue consensuelle entre les protagonistes de cette opaque situation. Seules les populations locales se retrouvent otages, encore une fois, d’une pratique politique d’appareils, obéissant plus à des considérations de rééquilibrage de rapport de force que d’une volonté d’apaisement. C’est du moins le sentiment le plus répandu chez les citoyens dans leur majorité, qui prennent leurs distances avec toute structure politique. Ni les FFS, FLN, RND, RCD, PT ou tout autre parti, ne tiennent un discours rassurant sur leur sort au quotidien, alors que loin s’en faut, les discours officiels n’arrivent à tranquilliser l’humble citoyen, le chômeur désaxé, ou encore ce père de famille pris par le tourbillon des difficultés quotidiennes. C’est en ce sens que l’impasse actuelle mérite d’être prise en charge, avec la prise en compte de tous les intérêts des acteurs mis en jeu. Si Ahmed Ouyahia, en sa qualité de représentant de l’Etat algérien, a entériné une résolution avec les archs, il n’en demeure pas moins que sa traduction dans les faits prend une tout autre nature. Des élus RND siègent dans les assemblée locales, et l’appel fait par Ouyahia, en chef de file du parti, n’a pas suscité engouement et exécution sur le champ. Les élus RND ont beaucoup plus gelé leur action et plongé dans l’expectative, le wait ans see est la solution adoptée. Non passés à la procédure de retrait qui exigerait une démission écrite et transmise à leur tutelle politique, au P/APC, au chef de daïra, au DRAG et enfin au wali. Les élus RND sont resté dans un questionnement sur leur sort, si bien que leur poids politique dans les assemblée est insignifiant, et ne peuvent influer sur aucune délibération. De plus, l’appel au retrait fait par leur tutelle politique arrange quelque part le RND qui espère un retour dans les futures joutes de manière un peu plus marquée, car au stade actuel, le RND dans les assemblée locales fait plus de la figuration qu’autre chose, à défaut d’un rapport de force en leur défaveur. L’antagonisme d’intérêts entre les élus RND et le parti lui-même réside à ce niveau, les élus sont en déphasage avec les objectifs du parti, ce qui n’a pas permis la fomalisation définitive et réglementaire de la procédure de retrait.On n’a pas signalé beaucoup de bruit chez les élus RND, à l’annonce du retrait par Ouyahia.La situation est tout autre au FLN qui, avant que Belkhadem ne fasse appel, a temporisé et envoyé des émissaires pour rencontrer les élus concernés, comme cela été le cas à Tizi Ouzou et à Béjaïa. On se rend compte aujourd’hui que de faux rapports sont transmis au n°1 du FLN, qui s’est précipité à faire l’annonce du retrait, pensant que le moral des troupes est totalement acquis. D’abord, le nombre d’élus FLN dans les assemblée à Tizi Ouzou et Béjaïa dépasse aisément le seuil de 200 sièges. L’appel au retrait est perçu comme une trahison et antidémocratique, en sus qu’il est compris comme un emboîtement de pas au parti du RND.La donne politique déterminante est cette identité clanique dans le parti, les élus du FLN en Kabylie, dans leur majorité, ne prêtent pas allégence à Belkhadem, et rares sont ceux qui se revendiquent des résolutions du 8e congrès.Cela est conforté par le fait que les élus FLN détiennent au minimum 6 APC, et que pour rappel, depuis 1990, aucune municipalité n’a été totalement sous les couleurs du parti.Les élections du 10 octobre ont été une aubaine, pour d’abord signer une présence assez remarquable en dépit des conditions de participation, ajoutées à cela les possibilités de redépoloiement et d’élargir ses tentacules organiques pour un conséquent rebondissement dans les futures batailles électorales.Les élus FLN ont compris la nouvelle architecture politique qui se dessine en Kabylie : la bipolarité traditionnelle n’a plus de beaux jours devant elle. Nonobstant le retrait seulement physique de 8 élus à l’APC de Tizi Ouzou, et des déclarations à l’emporte-pièce, qui sont faites verbalement, aucune suite pratique et réglementaire n’est mise à exécution. Les élus FLN tournent le dos à l’appel de leur chancellerie politique et se disent non prêts à quitter les assemblées. Belkhadem, a-t-il été trompé pour aller vite en besogne ? La responsabilité politique à ce niveau est trop importante, car le FLN, dont Abdelaziz Bouteflika est président d’honneur, semble aussi traîné dans la boue. Dans l’entreprise actuelle, Belkhadem risque de donner l’air de l’homme qui joue à qui perd gagne, alors que les dégâts qui seront causés peuvent être incalculables et pour le parti FLN, et pour cet objectif consensuel d’amener la paix dans la région.L’autre force et la plus incontournable dans le sillage en cours, est indiscutablement le FFS de Hocine Aït Ahmed. Largement majoritaire dans les assemblées locales, l’option du retrait leur est tombée comme une sentence fatale et la ressentent comme violence constitutionnelle. Le rejet catégorique et sans ambages de ce verdict est farouchement défendu par le FFS et l’ensemble de ses élus. Des sorties médiatiques et des actions populaires, sont dans le programme du parti d’Aït Ahmed, qui n’a pas hésité à passer même à l’internationalisation du problème. Des messages sont envoyés aux institutions internationales et Parlements ainsi qu’aux ONG pour dénoncer ce qu’ils qualifient d’action arbitraire antidémocratique, en violation des textes constitutionnels et législatifs. Le FFS entend résister le plus longtemps possible et vilipende sévèrement le mouvement des archs qu’il taxe d’outil de manipulation à scénarios itératifs. Le FFS est dans une position très inconfortable, tranchant dans le rejet du retrait et en déficit de forces d’alliances pour mûrir sa position, quand bien même le FLN local adopte aussi le rejet. La situation des assemblées locales se trouve dans un imbroglio inextricable. L’option retenue actuellement, qui se focalise sur le retrait des élus, complique plus qu’elle ne résout la crise actuelle. Le refus affiché des élus de remettre les clés des assemblées, rend davantage complexe la situation, dès lors qu’on lui oppose un argumentaire politique et juridique qui conforte plus les locataires des assemblées, en brandissant la validation du scrutin au 10 octobre par les institutions de l’Etat algérien.A présent, pour évacuer la solution du coup de force, seul le décret présidentiel serait salutaire, s’il concernait à plus forte raison non seulement les assemblées locales de Kabylie, mais aussi les députés pour enfin renouveler tout l’édifice institutionnel. Ce n’est qu’à cette condition que tout le monde trouvera son compte avec la certitude de dégager une nouvelle configuration politique en Kabylie et à l’échelle nationale.

Khaled Zahem

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