Les largesses de l’ex-golden boy

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Le tribunal criminel près la cour de Blida a repris, hier, au 23e jour du procès Khalifa, ses audiences avec l’audition de Tahar Mokadem, directeur de l’agence de Chéraga. Ancien chef de section à la BNA et chef de contrôle au CPA, il a rejoint la banque El Khalifa juste après sa création.

De nombreux griefs sont retenus contre lui, entre autres : association de malfaiteurs, abus de confiance et faux et usage de faux en écritures bancaires. Il dit avoir rejoint l’agence de Chéraga le 17 octobre 1998. La seule motivation était, selon, lui, le salaire. Il était de 25 000 DA à la BDL alors qu’à El Khalifa Bank, il touchait 50 000 DA. La présidente du tribunal, Mme Brahimi, l’interroge sur les 32 millions de dinars qui étaient dans son compte. «J’ai payé une dépense par un chèque personnel au profit de la banque», explique-t-il. La magistrate tente de savoir de quelle mission Omar Mir a été chargé à Oran. «Il y a un client qui s’est présenté à notre agence avec des bons de caisse anonymes du CPA. Nous n’avons pas de représentation à Oran, ni les comptes ni les recouvrement interbancaires. Le seul moyen était d’envoyer Omar Mir encaisser les bons. Ils les lui avaient refusés. Alors, il a remis deux chèques qui ont été versés dans son compte et souscrit en bons de caisse», relate-t-il. Mme Fatiha Brahimi intervient pour lui demander des explications sur le compte 40216. L’accusé : «C’est un compte de passage d’investissement en cours qui sert aux clients”. «Pourquoi cet argent devait être transféré par votre compte pour payer les investissements ?», demande la juge. Sans pour autant répondre clairement, Mokadem considère l’opération de transfert vers son compte « obligatoire » pour la certification du chèque. A la question de savoir pourquoi il a reçu dans son compte une somme de 650 000 DA d’un autre compte 10266, Mokadem réplique que c’est un prêt que la direction du personnel lui a accordé. La magistrate l’interroge comment il pu avoir 2,3 millions de dinars pour l’achat d’un appartement. «J’ai sollicité le P-DG pour un prêt. Mais je l’ai remboursé, car cet appartement était situé au 4e étage dans lequel ma mère ne pouvait habiter en raison de son âge», di-il. La juge : «Qu’en est-il de la somme de 30 000 DA que vous aviez donnée à

Zizi ?». L’accusé : «C’était un ami. Il m’a sollicité et je lui avais prêté cette somme». Non convaincue, la juge lui demande comment il pouvait prêter de l’argent alors que lui-même contractait des crédits auprès de la banque Khalifa. La réponse ne vint pas. «N’y a -t-il pas de combines lorsque l’argent est transféré par votre compte ?” Mokadem est catégorique : «Non».

« Maâmar Djebbour et moi avions signé les conventions… »

Mme Brahimi l’entraîne vers un autre sujet lié au monde du sponsoring des clubs sportifs. Il dit être devenu un consultant sportif en septembre 2001 pour un salaire mirobolant de 150 000 DA, et ce, jusqu’à la liquidation de la banque. La juge lui demande de savoir qui finançait les clubs sportifs. Mokadem : «La banque Khalifa et ses filiales.» La juge : «Vous négociez les montants ?». L’accusé : «Non”. “Le P-DG nous donnait des orientations générales. Sur cette base, on exécutait les conventions.» Tahar Mokadem avoue que Meziane Ighil, comme consultant, assistait à la signature des conventions. Il lâche également le nom de Maâmar Djebbour, animateur sportif de la radio Chaîne III, lequel était le directeur des sports. «C’était un salarié comme nous à la banque», a précisé l’inculpé. La juge veut savoir quel était le grand montant octroyé aux clubs. Il affirme que les montants augmentaient proportionnellement avec l’engagement des clubs en question dans des joutes continentales. «Ils (les clubs) avaient une bonification par rapport aux autres en plus de la prise en charge», note-t-il. Et d’ajouter que c’était les présidents de clubs qui prenaient attache avec eux. L‘accusé dit ignorer d’où Ighil Meziane se faisait payer. La magistrate l’interroge sur les privilèges dont il aurait bénéficié à la banque El Khalifa. «J’avais une carte Master Card pour disposer d’un compte en devises. Mais, je n’avais pas de privilèges en dehors du téléphone et des voitures de service de type Clio, Yaris et Atos, acquises dans le cadre du travail», estime-t-il. La juge reprend la parole pour lui rappeler le prêt de 2.3 millions de dinars, qu’il avait remis à Moumen Khalifa. Mokadem : «Je le lui avais restitué en espèces dans ses propres mains”. La juge : «Quelle est la pièce qui prouve que vous aviez réellement restitué le prêt ?» L’accusé : “J’ai fait un chèque en banque. Je ne pouvais pas demander une décharge», se défend-il. «Alors, vous vous étiez entendus pour fuir aux impôts», objecte Mme Brahimi. Le procureur général intervient au sujet du sponsoring. Mokadem soutient que c’était lui et Maâmar Djebbour qui étaient derrière la signature des conventions. Le procureur fait savoir à l’inculpé que c’était lui qui avait signé les conventions avec les clubs de l’USMA, l’ASO, l’ESS, et l’USM Annaba. Le ministère public demande d’où provenait l’argent pour financer ces clubs. L’accusé : «Ce n ‘est pas nous qui nous occupions de la comptabilité. Une copie de la convention est transmise à l’agence où le compte du club est domicilié, et une autre copie est transférée à Khalifa Airways.”

L’argent de poche de Moumen and Co.

Le procureur demande s’il avait remis de l’argent à Moumen Khalifa et ses collaborateurs pour argent de poche. Il citera les noms de Khalifa (600 000 DA), Nanouche (600 000 DA), et Kebbache Ghazi (37 millions de DA). Mokadem conteste ces faits. Pourtant, sa signature est apposée sur de nombreux documents prouvant le contraire de ce qu’il avance. L’avocat de la défense, Me Ali Meziane, emboîte la pas au procureur en demandant à l’accusé comment il pouvait expliquer que tous ces documents ont été retrouvés dans son bureau. Hésitant, Mokadem avoue que ces opérations n’ont pas été exécutées, alors que les faits l’accablaient.

Le “privilégié” patron d’Antinea

Après lui, la cour entame l’audition de Omar Mir, ancien responsable de guichet durantt 12 ans à la BEA, avant de devenir chef de l’agence de Chéraga d’El Khalifa Bank d’avril 2001 jusqu’à l’arrivée du liquidateur. Il fait des révélations pour le moins surprenantes. Il dit avoir reçu Arezki Idjerouidène, patron de la compagnie aérienne Antinéa, avec le P-DG, Moumen Khalifa dans son bureau. «Il m’avait demandé des imprimés pour l’ouverture d’un compte», raconte-t-il. La juge lui rappelle les déclarations de celui-ci devant la juge d’instruction : «j’ai ouvert un compte courant bancaire en date du 10 janvier 2001. J’ai reçu un carnet de chèques dans le même jour. Et j’ai bénéficié d’un chèque de l’ordre de 3 millions de DA. J’ai versé la somme de 2,69 millions de dinars au profit du Trésor public au titre des impôts tout comme j’ai retiré un chèque de 208 millions de DA.» Hébété, Mme Brahimi lui demande qui alimentait le compte du patron d’Antinéa. L’accusé : «De son compte de Chéraga, c’est le P-DG qui m’en a donné l’ordre.» La juge fulmine : «il n’avait aucun sou.» Elle ne peut se maîtriser et lui demade brutalement comment il s’est arrogé le droit de puiser dans l’argent des déposants. Plus surprenant encore, elle lui fait remarquer que le contrat de vente des avions était de l’ordre de135 millions DA.

Toute la famile « bossait »chez Khalifa

Au cours de la séance de l’après-midi, le tribunal a entendu Messaoud Sedrati, beau-frère de Moumen Khalifa et capitaine dans les forces maritimes comme accusé. Le grief retenu contre lui est le recel de biens obtenus irrégulièrement. Sedrati affirme avoir obtenu un crédit en bonne et due forme d’un montant de 4.5 millions de DA de l’agence des Abattoirs, auprès de Hocine Soualmi, directeur de ladite agence, entre janvier et février 2000. «J’ai formulé une demande auprès de Khalifa dans son bureau. Il m’a fait une lettre et m’a demandé d’aller voir avec Soualimi lequel a confirmé, au téléphone, mon identité auprès de Moumen», relate-t-il. Le procureur lui demande si Soualmi lui avait parlé des modalités de remboursement et du taux d’intérêt. Sedrati récuse avoir été informé par le directeur de l’agence des Abattoirs. «Aviez-vous remboursé le crédit ?», interroge Mme Brahimi. L’inculpé : «Moumen m’a fait un reçu comme quoi il avait récupéré l’argent”. La présidente s’interroge comment il a pu remettre l’agent à l’ex-milliardaire dans ses propres comptes au lieu de passer par l’agence des Abattoirs dans le souci de respecter la procédure de remboursement. Sedrati reste évasif.

Le ministère public lui demande si l’ancien Golden Boy n’était pas celui-là même qui lui avait racheté sa villa de Chéraga pour un montant de 600 000 DA. Le procureur reçoit un niet catégorique. La juge reprend la parole et demande : «Aviez-vous entendu parler des 11,77 millions de DA, et de 2,66 millions de DA que votre épouse a reçu comme crédit ?». «Ce sont des bons de caisses», réplique-t-il. Le tribunal fait appel à un autre accusé. Il s’agit de Chachoua Ahmed, ancien moudjahid et officier de la police judiciaire et père de Chachoua Hafidh, accusé lui également dans cette affaire. Selon l’ordonnance de renvoi, il est poursuivi pour les chefs d’inculpations d’association de malfaiteurs, de vol qualifié, d’escroquerie et d’abus de confiance. Au crépuscule de sa vie, Il dit avoir rejoint l’agence bancaire d’EL Khalifa Bank de Blida pour occuper le poste d’agent de sécurité pour un salaire de 40 000 DA. Le père Chachoua avoue avoir bénéficié d’un crédit auprès de Fayçal Zerrouk, alors directeur de l’agence de Blida sans pour autant expliquer les raisons de sa demande de crédit. «J’en avais besoin», se contente-t-il de dire. La juge lui demande comment expliquer que son fils Hafidh lui avait demandé de lui donner 600 000 DA pour l’achat d’une villa. Le vieil homme explique qu’il avait des lots de terre et une pension d’ancien moudjahid. Mme Brahimi lui fait savoir que des documents importants, délivrés par l’agence de Blida en juin 1999, ont été trouvés en son domicile. Ils portaient sur des sommes en devises. La première est de l’ordre de 160 000 USD et la seconde de 100 000 FF. L’inculpé n’arrive pas à expliquer l’origine des documents. «C’est comme ça !», lâche-t-il en hochant ses épaules. Par ailleurs, il affirme que tous ses enfants travaillaient chez Khalifa Moumen. Selon lui, il y avait le fils Hafidh, directeur de KGPS (groupe prevention et sécurité), Badreddine, un autre fils, pilote, qui a reçu une formation en Grande-Bretagne et en Jordanie, sa fille et un autre fils, Mohamed-Amine, responsable chez Khalifa Airways en France.

Hocine Lamriben

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