»Notre histoire avec la mer »

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Le taux des harraga en Algérie augmente de plus en plus chaque jour. Les autorités portuaires interceptent, « sauvent » et, arrachent ainsi à la mort plusieurs vies qui, dans la quasi-totalité, est le sort immédiat de ces voyageurs en barques de fortune. Jijel, Annaba, Béjaïa et bien d’autres wilayas du pays sont les points de départs pour ces harraga qui ont entre 17 et 35 ans. Ces derniers risquent leur vie, en espérant atteindre, sains et saufs l’autre rive de la mer.

La tragédie des harraga s’est compliquée et a pris de l’ampleur en 2008. Ce fléau représente une tragédie nationale avec le chiffre global de 36 000 jeunes harraga et environ 4 000 Algériens qui sont dans les prisons espagnoles outre 600 corps de ces jeunes qui se trouvent dans les morgues d’Almeria (Espagne). Ces statistiques ont été annoncées par Hocine Zehouane, président de la Ligue Algérienne des droits de l’homme.

Le désespoir, ce dénominateur commun

Les raisons et les motivations du départ diffèrent d’un jeune à un autre : chaque harraga a son histoire avec néanmoins, un dénominateur commun : le désespoir.

Samir, 30 ans, un de ces jeunes victimes de ce rêve, a accepté de se confier à nous. Chômeur, il a abandonné ses études très jeune, à l’âge de 16 ans, sans pouvoir passer le bac qui figurait parmi ses rêves d’enfance, et ce pour aller travailler et nourrir sa petite famille qu’il a pris en charge juste après la mort de son père. Samir a commencé à travailler en exerçant différents emplois, à vrai dire du bricolage. Son travail est irrégulier et instable : tantôt, il est peintre, tantôt maçon, et parfois il se retrouve en  » chômage « . Cette situation contraignante, la routine aidant, a conduit Samir à rêver d’un eldorado hors de son pays, et ce dans l’espoir de gagner plus d’argent pour sortir sa famille de la pauvreté. Samir a confié son sort à un ami qui lui a promis de l’aider à concrétiser son aventure en passant à l’action en contrepartie d’une somme d’argent évaluée environ à 80 000 DA pour la livrer au passeur qui développera un véritable secteur informel de transport maritime.

Le jeune homme qui n’avait pas en sa possession ce montant, s’est retrouvé face à une nouvelle crise et entre deux situations : l’une aussi critique que l’autre. Il devait choisir entre, soit renoncer à son rêve ou recourir à un crédit pour se payer ce  » passe-mer « . La deuxième solution a été le choix de Samir. Il a demandé ce montant à son grand-père en lui inventant un scénario prétextant un projet important qui rapportera beaucoup d’argent. Son grand-père n’a pas hésité à lui prêter la somme.

Chose décidée, chose faite ! Le jour du départ arriva pour Samir qui s’est préparé pour atteindre l’Italie et enfin vivre une belle vie ! Ce qui lui fera sûrement oublier la misère de son enfance et revenir avec les poches pleines d’argent.

Les bagages de ce jeune homme, au même titre que ses compagnons se limitaient en un vêtement et des fruits secs sucrés pour calmer sa faim durant le voyage. Malheureusement, se pauvre malheureux a été arrêté par les services de sécurité au milieu de la mer. Il est revenu au point de départ.

Un autre témoignage s’ajoute à celui de Samir : celui d’Amine, qui lui, aussi, a une histoire particulière avec bleue. « J’ai essayé de tenter l’aventure de la mer mais malheureusement je n’ai pas pu », c’est la phrase que Amine répète sans cesse d’un air triste lors de la révélation de son histoire.

Amine est un jeune homme, âgé de 23 ans, issu d’une petite famille qui englobe les parents et deux autres frères.

90 000 DA pour le… passeur

Un étudiant en droit qui rêvait d’être un grand juge à la fin de ses études. Jusque-là tout va bien, mais l’histoire malheureusement prend une autre tournure car Amine influencé par son grand frère lequel a pu, il y a 4 ans, atteindre l’Espagne où il était promis à un brillant avenir, selon les propos de Amine qui nous a annoncé cette nouvelle d’un air très content tout en continuant : « Mon frère s’est marié avec une vieille femme espagnole qui l’a aidé à avoir la nationalité pour se déplacer tranquillement, d ailleurs il mène une belle vie, en plus il nous envoie de l’argent chaque semestre. » L’aventure de ce jeune homme a débuté avec des démarches que la majorité de ces voyageurs en barque de fortune a en commun : le sacrifice ! Pour avoir de l’argent par tous les moyens… C’est le cas de celui qui a abandonné ses études pour différentes activités. « J’ai vendu de la cigarette, des journaux et même une chaîne en or qui appartenait à ma maman », lance-t-il, et tout ça la afin de ramasser 90 000 DA pour les remettre au passeur qui a préparé ce voyage.

2002 : l’année de l’embarquement pour Amine et de ses treize compagnons. Ils étaient équipés de peu de choses : boussoles, gilets de sauvetage, des vêtements pour résister et affronter le froid au large de la Méditerrannée, une réserve d’eau, de la nourriture ainsi que le courage pour combattre les vagues déferlantes de la mer.

« On est restés quatre jours à la mer luttant contre les vagues qui essayaient de nous avaler à chaque fois, d’ailleurs au quatrième jour on était à deux pas de la mort à cause d’une grande tempête, j’ai cru … à ce moment…” Amine se tut, ses larmes coulent sur ses joues sans honte, … » Ensuite… »oui, J’ai cru que je ne verrai plus ma famille et que je serai le repas des poissons, heureusement que les autorités portuaires nous ont interceptés avant que la catastrophe ne se produise », a-t-il déclaré. « C’était mon rêve de vivre à l’étranger et il le restera pour toujours  » nous a informé Amine, d’un air triste et déçu en même temps. Le phénomène des harraga n’arrive pas à prendre fin. Et ces jeunes en détresse ne veulent pas renoncer à leur projet très beau et qui se resume en quatre lettres : « RÊVE ».

Ouerdia Sait

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