Hier et aujourd’hui

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En vérité, la femme berbère a toujours occupé une place de choix dans la société. La preuve, il y en a à profusion. Depuis la nuit des temps et bien avant la venue de l’islam, elle monta sur le trône et devient reine pour prendre les destinées de l’Afrique du Nord. Elle régna en maîtresse des lieux et défendait crânement son territoire contre différents envahisseurs d’Alors. C’est dire que dans notre culture, la femme a toujours été l’égale de l’homme. Sinon comment aurait-elle pu accéder au poste suprême alors que dans d’autres régions du monde, on les enterrait vivantes par crainte de la famine et de bien d’autres maux qui sévissaient dans certaines sociétés devenues par le concours des circonstances, des sociétés modelées et soit disant dominantes, qui ont fini par reléguer la femme kabyle au dernier plan. Dihia et ses consœurs ont toujours et de tout temps joui de leur droit et de leur liberté du temps des Berbères.

Hélas, la venue des envahisseurs et pour des considérations religieuses infondées, la femme rurale kabyle est renvoyée à l’arrière plan. Une femme cloîtrée et privée de ce qu’il y a de meilleur, elle devient alors l’esclave de son fils : l’homme. Des siècles durant, elle a vécu sous l’ombrage et la domination de l’homme. La traversée du désert fut longue et pénible. Les séquelles et les conséquences étaient accélérantes. La femme devient alors illettrée, ignorante et dépendante. L’eau s’est resserré et devient étouffant à en mourir. De cette étreinte, elle saura s’en sortir sans faire trop de bruit.

La femme rurale pendant l’ère coloniale

Pendant toute cette période, cette femme rurale a su tirer son épingle du jeu. Malgré son inculture et son illetrisme, elle a pu être efficace et a contribué sensiblement à la libération de son pays. Aux côtés de l’homme, elle a participé à toutes les batailles. Elle était soldat, infirmière, cuisinière et porteuse de l’étendart.

En véritable guerrière, elle a su mener la vie dure à l’occupant. Fatma N’soumer constitue une parfaite illustration et une véritable preuve de l’abnégation, de la détermination et du nationalisme de la femme rurale kabyle. La France coloniale en sait beaucoup de choses à ce propos. Des milliers de femmes kabyles ont participé d’une manière ou d’une autre à chasser le colonisateur. Le prix à payé était inestimable, des milliers sont tombées au champ d’honneur, des milliers d’entre elles ont connu alors les pires sévices dans les géoles coloniales. Les séquelles sont encore aujourd’hui présentes dans leur esprit, leur chair et leur cœur. Nna Chabha me disait il y a quelques temps : “L’orsqu’il m’ont pris, je priais pour qu’ils me tuent sur le champ. Je savais que leurs tortures étaient effroyables et insupportables. Hélas, ils ne m’ont pas tué. Une fois dans leurs géoles, c’est l’enfer, après une interminable enquête, c’est l’eau savonneuse et puis beaucoup d’atrocités innommables”. Regard absent, les yeux larmoyants la moudjahida poursuit : “Les coups de pied, les injures, les menaces, la faim et la soif et tout le reste il était impossible de résister.”

Elles sont nombreuses, celles qui ont subi les affres des soldats français, que de vies brisées, que d’honneur souillé pour qu’enfin l’Algérie recouvre son indépendance. Plus bas tous les chapeaux devant ces femmes courageuses, ces femmes qui ont offert leur sang et leur chair pour que vive l’Algérie.

A l’indépendance du pays, les malheurs ne sont pas encore finis

Après l’hiver ne vient pas forcement tout de suite le beau temps. La femme algérienne et kabyle en particulier n’a pas sorti la tête de l’eau dès les premières années de l’Indépendance. Même des avancées sont enregistrées, beaucoup restait à faire. Dès 1962, les filles avaient le droit d’aller à l’école, mais, il y a des mentalités à combattre, les reflèxes ont vite refait surface et beaucoup ne permettaient pas à leurs filles de s’instruire. Les filles s’est fait pour rester à la maison, disent-ils. Les raisons sont d’ordre généralement économiques mais il y a aussi cet esprit démentiel qui réssurgit : la crainte de l’irréparable et du déshonneur. Une attitude qui a empêché la femme rurale de s’émanciper, de se cultiver et de s’imposer en tant que partenaire de l’homme. Il y a aussi la Constitution qui a consacré la femme mineure à vie et toujours dépendante de l’homme. Petit à petit, la situation évolue et les évènements se suivent et la femme retrouve au fur et à mesure la place qui doit être la sienne au sein de la société kabyle et algérienne.

Le travail de la femme rurale

Malgré la difficulté de sa mission, la femme rurale à toujours su être à la hauteur. Les différentes tâches qu’elle a eu à accomplir à travers les siècles ont contribué à affiner son jugement et son talent de la poterie au métier de tissage en passant par la tapisserie. De la corvée d’eau et de bois, des vendanges à la cueillette des olives, de la cuisine à l’éducation des générations futures. Sans oublier l’entretien de toute la famille et la préservation des coutumes et de la culture kabyle. La femme rurale est passée maîtresse dans l’art. Sans se plaindre et sans jamais baisser les bras elle a pu emmener le bateau à bon port. Une aimable portière de la région de Maâtkas nous a raconté longuement sa vie et son travail pendant et après l’indépendance du pays : “Dans le temps notre travail était pénible, tout nous tombait sur les bras, les hommes au maquis ou en France et les villages sont tenus par les femmes. Tout se faisait à la main. Le travail de la poterie, le tissage le tapissage, le ramassage du bois, les vendanges et le ramassage des olives et bien d’autres tâches”, et d’insister : “Il faut reconnaître qu’on avait pas une minute à nous. C’était épuisant mais il fallait tenir. La fatigue n’avait pas le droit de cité. Ajouter à cela la pauvreté, la misère, et cette peur bleue de l’armée coloniale qui n’était pas tendre avec nous car elle savait, que nous soutenions et entretenions les moudjahidine et les moudjajidate”.

Aujourd’hui, la femme s’implique et s’impose dans divers secteurs

Depuis quelques années, les femmes rurales ont investi le monde du travail et ont réussi à s’imposer et à être omniprésentes, au niveau de l’éducation nationale, elles occupent une place défiant toute concurrence. Elles sont institutrices, professeurs, directrices et inspectrices. Le secteur tend à devenir leur “territoire libéré”.

Le secteur de la santé y est aussi propice aux femmes. La majorité écrasante du personnel de la santé est constitué de femmes, on les retrouve dans les administrations, les usines, les magasins d’alimentation générale, les pâtisseries, les bonneteries en plus des ateliers de couture, des cybercafés, de salons de coiffure et même jusque dans les entreprises de travaux publics. C’est dire que la femme a su se faire accepter en tant que telle par la finesse de leur prestation et par leur disponibilité, elle a su également casser de nombreux tabous qui l’ont relégué à l’arrière plan depuis la nuit des temps. Par son courage et son désir d’aller de l’avant, elle est arrivée en seulement quelques années retrouver sa véritable place et son véritable rang dans la société kabyle.

Les femmes demeurant sous-payées

La quasi-totalité des jeunes femmes qui sont à leur premier boulot ignorent encore tout des lois qui régissent le domaine du travail et font par conséquent l’objet d’une exploitation honteuse de la part surtout des employeurs privés mais aussi publics.

Ces jeunes femmes acceptent dans un premier temps cette forme d’escalavagisme des temps modernes, le temps d’acquérir l’expérience et les aptitudes nécessaires pour être en mesure de s’émanciper et de s’imposer définitivement sur le marché de l’emploi. Malika une employée dans le cadre de l’IAIG trouvera : “Cela fait cinq longues années que je suis recrutée dans ce cadre. Nous sommes contraintes de travailler au même titre que les titulaires et nous ne percevons que 3 mille dinars mensuel”, et de demander : “Nous lançons un appel aux responsables concernés de réexaminer notre situation. Cela ne peut pas durer davantage. Imaginez si l’on se décide toutes un jour de débrayer, ce sera toutes les administrations du pays qui seront paralysées”. A l’heure actuelle ces femmes courageuses et qui font généralement le gros du travail, méritent amplement d’être rénumérées à la hauteur des efforts qu’elles fournissent et d’être protégées contre toute forme d’harcèlement.

Bas tous les chapeaux mes dames

Aux femmes, à toutes les femmes et particulièrement aux femmes rurales kabyles qui ont su préserver soigneusement notre identité, notre culture et notre légendaire honneur, à toutes ces femmes qui ont connu la misère, les affres et la rudesse de la vie rurale. A ces femmes devenues ministres, magistrates, médecins, enseignantes et ouvrières à côté de son autre moitié, l’homme. A nos courageuses mères. A nos douces sœurs, à nos fidèles épouses et à nos collègues de travail. Nous disons simplement merci et bonne fête.

Hocine T.

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