Les prix du fourrage flambent

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Le Djurdjura toujours enneigé prélude un fort retard dans la fenaison qui ne débutera que dans un mois. En attendant cette grande toilette de la prairie qui mobilisera toute les forces paysannes humaines et matérielles, les commerçants spéculateurs, maîtres des marchés et spécialistes des techniques de stockage et de rétention des marchandises qui font flamber les prix, distillent le fourrage et les autres aliments du bétail au compte goutte portant les prix à des hauteurs jamais atteintes. Sur les principales places commerciales de la vallée de la Soummam (Tazmalt, Akbou, Sidi-Aïch), de vieux camions qui roulent encore à «la baraka de Dieu» portent de volumineuses charges de fourrage, altéré, jauni par les pluies et les mauvaises conditions de stockage, dégageant des odeurs de rance et de moisi.La paille (alim) d’un très faible apport alimentaire, autrefois réservée à la literie des bovins, des chevaux, des mulets et des ânes, se vend, rareté oblige, à 150 DA la botte de 20 kg.L’avoine (tazekount) est rare. Elle est rétrocédée en troisième main à 450, voire 500 DA la botte de 25 kg. La vesce (elvechna) à forte valeur nutritive est introuvable.Les éleveurs complètent habituellement l’alimentation de leur bétail par du grain, de l’orge principalement (timzine). Cette céréale tant convoitée est cédée à 350 DA le double décalitre (guelba). Le blé (irden) déconseillé pour ses effets de fermentation est généralement concassé et mélangé à très petites doses à la fève comme complément alimentaire des vaches laitières. Cette céréale se trouve à 600 DA le double décalitre de 17 kg, soit 3600 DA le quintal !Les éleveurs recourent pour l’engraissement des bêtes destinées à l’abattage à l’utilisation de l’aliment à base de maïs fabriqué de manière industrielle et vendu selon la composition entre 1600 et 2200 DA le quintal. Ils mélangent également des doses d’orge à des quantités de son de blé acheté auprès des fabricants d’aliments pour bétail à 1300 DA le quintal.Les fortes chaleurs de cette semaine arrivent à point au secours des éleveurs et des bergers. Avec les grandes quantités d’eau emmagasinées par le sol durant l’hiver, la chaleur et la lumière font pousser l’herbe à grande vitesse au grand bonheur des paysans qui trouvent de la nourriture gratuite pour leurs bêtes. Les bouviers, notamment ceux qui possèdent des vaches laitières, ont d’importants besoins en aliment vert. Ils fauchent toute l’herbe qui leur tombe sous la main. Prévoyants, ils passent des accords à l’orée de chaque printemps avec les propriétaires de vergers arboricoles qui sont contraints de nettoyer leurs jardins avant les labours de printemps préparatoires aux maraîchages d’été. Les bêtes raffolent de cette herbe des prairies naturelles, variée, composée d’une multitude d’espèce, de la guimauve (mejir) au coquelicot (wahrir) en passant par l’avoine (azekoun), les pâquerettes (wamlal), le chiendent (affar), la bourrache (achnaf) et autre liseron (asmatsal). Dans cet échange qui relève des anciennes solidarités paysannes, tout le monde trouve son compte : le jardinier retrouve son verger nettoyé, l’éleveur gagne une nourriture gratuite pour son bétail et le nombre de victimes des spéculateurs qui mettent le feu aux prix diminue de façon significative.

Rachid Oulebsir

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