Les vendeurs d’eau au secours des assoiffés

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Les habitants se débrouillent chacun à sa manière, pour se procurer ce liquide vital souvent à n’importe quel prix.

Certains parmi eux — les mieux lotis financièrement — ne trouvent pas de peine à se passer de cette “boisson” naturelle en se désaltérant à l’eau minérale. Ce qui a donné le vent en poupe aux producteurs de cette eau conditionnée, allant jusqu’à proposer des bouteilles “économiques” de 5 et 10 litres. Ces usines se multiplient par dizaine dans la seule wilaya de Béjaïa.

Il n’est malheureusement pas donné à tout le monde de se permettre l’eau minérale réservée dans la plupart du temps aux ménages à faible revenu, aux nourrissons et aux malades hospitalisés, car ce liquide fait également défaut dans nos hôpitaux.

Les habitants des montagnes ont recours aux fontaines et sources ancestrales menacées de ruine et de disparition, en utilisant pour cela des moyens rustiques pour transporter leurs jerricans d’eau à dos d’ânes.

Ce n’est pas le cas des citadins de la vallée à l’image de la ville d’El Kseur et d’Amizour qui ne peuvent apaiser leur soif que grâce aux petits vendeurs d’eau potable dont le nombre commence à augmenter, vu la demande quotidienne et vitale de ce liquide. Pour la seule coquette ville el kseuroise, l’on compte plus de dix vendeurs d’eau sillonnant tous les quartiers et cités pour écouler — sans difficulté aucune — leurs citernes d’eau.

C’est l’un des phénomènes propre à ces villes alimentées en eau potable laquelle n’est pas buvable et que les familles réservent au ménage.

La saison des grandes chaleurs est à nos portes… haro sur l’eau fraîche !

A bord de son camion flambant neuf, équipé de citernes en plastique transparent et des accessoires nécessaires à son nouveau boulot, Lamara et son associé s’apprêtent à étancher la soif des habitants du centre-ville d’Amizour.

C’est un travail pénible, dira-t-il, car le client bon connaisseur de la qualité d’eau de toutes les sources de la région est exigeant. Il fallait donc à ce “pompier” de circonstance répondre aux besoins de sa clientèle en lui apportant l’eau de la source la plus en vue. “Notre mission commence à 3 h du matin pour pouvoir arriver tôt à la fontaine de Yakouren et faire le plein de nos citernes de 300 litres sans gêner les passants”.

Avec tous les aléas de la route, les deux compagnons font la navette pour s’approvisionner presque tous les jours “selon la demande qui s’accroit à partir du printemps jusqu’au début d’automne”.

Des années de pratique dans ce job a forgé et tissé une certaine amitié entre ces porteurs d’eau et leurs clients. Un vieillard avec un bidon de 5 litres à la main ne cesse de saluer les deux vendeurs qui s’empressent de lui remplir son seau, “cette fois-ci c’est gratis ammi Saïd. Son bidon est trop petit pour le faire payer”. Pour un jerrican de 20 litres, les vendeurs réclament 40 DA. Un prix que les clients trouvent raisonnable en comparaison du prix d’une bouteille d’eau minérale qui revient souvent à 25 DA.

Comme un muezzin invitant les fidèles à la prière, au niveau de chaque quartier les klaxons de ces camions retentissent pour manifester leur présence aux habitants.

Véritable réflexe conditionné du célèbre chien de Pavlov, les demandeurs d’eau se hâtent de prendre leur bidon l’appel des vendeurs étant attendu. Force de l’habitude, Lamara, avant de commencer à officier son rituel solennel nous montre des papiers attestant que son eau est contrôlée par les services d’hygiène de la commune, sans pour autant omettre de dire qu’il y a quelque part des vendeurs tricheurs.

L’on croit que l’eau est à notre Kabylie — riche en oueds, sources naturelles et nappes phréatiques — ce qu’est le pétrole pour le Sud. Mais force est de constater qu’il s’agit de la région la plus assoiffée du pays.

Cela est certes une opportunité par ces temps de “vaches maigres” d’offrir du travail aux propriétaires de camions leur permettant d’investir dans ce domaine lucratif de distribution du liquide vital, il est toutefois nécessaire et vital pour les pouvoirs publics de revoir toutes leurs cartes dans la gestion de l’eau potable devenu un véritable casse-tête majeur dans certaine communes. Il faut y remédier en urgence, nos villages et villes ont soif d’eau et de bonne gouvernance.

Nadir Touati

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