Le Conseil constitutionnel a, comme il était dans l’air, proclamé hier l’impossibilité de tenir l’élection présidentielle à la date initialement annoncée, à savoir le 4 juillet prochain. Aucun dossier de candidature n’a été validé, et le Conseil constitutionnel s’est prononcé pour sa réorganisation à une date ultérieure. Celle-ci sera fixée par le chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah, à qui il revient de convoquer à nouveau le corps électoral.
En effet, réuni en session ouverte pour étude et délibération ces derniers jours sur les deux dossiers de candidature à la candidature à l’élection présidentielle du 4 juillet prochain, le Conseil constitutionnel s’est prononcé finalement par décision datée du samedi 1er juin 2019 pour le rejet des dossiers de deux postulants à la candidature, ayant déposé des dossiers auprès de son autorité. Le Conseil a donc conclu à l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle à la date prévue.
Auparavant et selon les chiffres avancés par le ministère de l’Intérieur, 77 lettres d’intention de se porter candidat à l’élection présidentielle avaient été déposées. Parmi lesquelles il y avait celles de trois de chefs de parti politique. Belkacem Sahli secrétaire général de l’Alliance nationale républicaine (ANR) et Abdelaziz Belaïd du Front El Moustakbal (FM), avaient ensuite fini par annoncer leur retrait de cette joute, estimant que les conditions pour le déroulement de l’élection n’étaient pas réunies. Hier, la décision du Conseil constitutionnelle rendue publique fut suivie d’une clarification qui laisse l’option au chef de l’Etat de convoquer à nouveau une nouvelle date pour la tenue de l’élection.
«Le Conseil constitutionnel, dont la mission consiste à veiller au respect de la Constitution, a souligné dans un communiqué qu’il revient au chef de l’Etat de « convoquer de nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu’à l’élection du président de la République et la prestation de serment constitutionnel, » indique l’agence officielle qui répercutait le communiqué.
Vers une nouvelle convocation du corps électoral
«Le rejet des deux dossiers de candidature en question pour non-conformité aux exigences de la loi, n’est pas l’unique motif qui sous-tend la décision du Conseil constitutionnel, qui invoque le « préalable » de réunir les conditions adéquates à la tenue de la présidentielle, soit « la transparence et la neutralité, » ajoute la même source. L’institution note à cet effet que, dès lors, que la « mission essentielle dévolue à celui investi de la charge de chef de l’Etat est d’organiser l’élection du président de la République, il y a lieu de réunir les conditions adéquates pour l’organisation de cette élection dans la transparence et la neutralité en vue de préserver les institutions constitutionnelles qui concourent à la réalisation des aspirations du peuple souverain ».
Dans les attendus de sa décision, le Conseil constitutionnel se réfère au préambule de la Constitution qui prévoit en son 12ème paragraphe que « la Constitution est au-dessus de tous, elle est la loi fondamentale qui garantit les droits et libertés individuels et collectifs, protège la règle du libre choix du peuple, confère la légitimité à l’exercice des pouvoirs, et consacre l’alternance démocratique par la voie d’élections libres et régulières. »
Il se réfère également à plusieurs articles de la Constitution, en premier l’article 7 qui stipule que « le peuple est la source de tout pouvoir » et que « la souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple ». Il mentionne l’article 8 qui dispose que « le pouvoir constituant appartient au peuple » qui « exerce sa souveraineté par l’intermédiaire des institutions qu’il se donne » et qui l’exerce aussi par voie de référendum et par l’intermédiaire de ses représentants élus », le président de la République pouvant « directement recourir à l’expression de la volonté du peuple ».
La décision du Conseil constitutionnel s’appuie, de même, sur l’article 102 de la Constitution traitant, notamment, à la procédure liée à la constatation de la vacance définitive de la présidence de la République et qui prévoit que « le président du Conseil de la Nation assume la charge de chef de l’Etat pour une durée de 90 jours au maximum, au cours de laquelle des élections présidentielles sont organisées ».
Nécessité de dialogue et de mise en place d’une commission indépendante des élections
Le Conseil constitutionnel cite, par ailleurs, l’article 182, définissant ses prérogatives, à savoir, notamment, qu’il est « une institution indépendante chargée de veiller au respect de la Constitution » et « veille, en outre, à la régularité des opérations de référendum, d’élection du président de la République et d’élections législatives. » Il fait, également, référence à l’article 193 relatif à la surveillance des élections. « Les pouvoirs publics en charge de l’organisation des élections sont tenus de les entourer de transparence et d’impartialité.
A ce titre, la liste électorale est mise à chaque élection, à la disposition des candidats. La loi organique relative au régime électoral précise les modalités d’application de cette disposition », stipule cet article. Des experts en droit constitutionnel ont indiqué à l’APS que dans le cas de l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle à la date du 4 juillet, en l’absence de candidats, la Constitution permet au chef de l’Etat de convoquer, de nouveau, le corps électoral et de fixer une nouvelle date à l’élection présidentielle ».
Ces experts ont appelé à trouver d’autres solutions inspirées de la Constitution et à prendre des « mesures politiques supplémentaires » pour dépasser cette phase et à engager des consultations pour mettre en œuvre les articles 7 et 8 de la Loi fondamentale, « fondées sur la volonté et souveraineté populaires ». Reste à savoir quelle sera la suite à donner à cette décision ? D’aucuns s’attendent à une nouvelle convocation du corps électoral pour une nouvelle échéance durant laquelle sera organisée l’élection présidentielle. Mais rien pour l’heure n’est encore clair vu l’état actuel des choses, marqué par la défection des candidats potentiels à la présidentielle faute de pouvoir rassembler les parrainages nécessaires pour valider la candidature.
Aussi, le manque de clarté des articles de la Constitution dans ce cas de figure ne permet pas d’y voir de manière tranchée à moins que le législateur recourt à la jurisprudence. Et il y a aussi ce nouveau round de dialogue auquel le chef d’Etat major a appelé, et dont pourrait bien déboucher un consensus minimal pour aller vers une élection admise par une majorité pour dépasser la crise.
Synthèse de Kamela Haddoum