Une commune aux mille maux

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Issue du découpage administratif de 1984, la commune de Bouzeguène, chef-lieu de la daïra éponyme, est située à 70 Kms à l’Est du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou.

D’une superficie de 66,9 km2, elle culmine à plus de 1000m d’altitude. Elle est bornée au Nord par Idjeur et Akfadou, à l’Est par Béni Ziki et Ighzar Amokrane, au Sud par Illoula et Souamaâ et enfin par Ifigha du côté Ouest. Bouzeguène se compose de 24 villages qui sont Ait Said, Ait Sidi Amar, Ait lkarn, Ait Ikene, Ibekarene, Ibouyisfene, Tizouine, Ihitoussene, Ait Mizar, Ait Salah, Ahrik, Houra, Ighil Tiziba, Tazrout, Ikoussa, Bouzeguène village, Sahel, Taourirth, Takoucht, Ait Ikhlef, Ait Samlal et le plateau Louda. Sa population est estimée à plus de 35 000 habitants dont un bon pourcentage réside de l’autre côté de la méditerranée, sinon à Alger ou à Tizi ville. La commune de Bouzeguène compte deux lycées, une maison de jeunes et dans presque chaque village un foyer, 20 associations culturelles, 18 sociales, 10 sportives et 5 religieuses, qui activent à travers tous les villages occasionnellement pour certaines et durant toute l’année pour d’autres. À l’instar des communes Idjeur, Illoula et Béni Ziki, Bouzeguène manque terriblement d’infrastructures sportives et culturelles et de lieux de loisirs. En effet, mis à part des cafés maures ouverts ça et là pas un jardin ni place publique n’y existe. En dépit de cela, Bouzeguène reste une région qui a enfanté de grandes personnalités connues à travers tout le pays et même ailleurs. On citera à titre d’exemple une grande figure de l’histoire révolutionnaire, le colonel Mohand Oulhadj qui a pris le commandement de la willaya III historique, le grand comédien M’henni Amroun, l’ancien joueur de foot Ali Fergani ou encore Hocine Boukella connu sous le nom de Sidi Bémol, musicien et caricaturiste, pour ne citer que ceux-là. Par ailleurs, il est à signaler que la commune ne compte aucune zone industrielle, ce qui explique le taux de chômage élevé qui est de plus de 63%, selon les statistiques de 2008. L’agriculture reste un créneau à encourager dans cette commune connue pour ces vergers oléicoles, travaillés jalousement par leurs propriétaires. L’élevage, notamment des bovins, est aussi pratiqué dans cette région, mais les intervenants dans ce secteur travaillent dans des conditions difficilement supportables. Les collectionneurs de lait viennent d’autres daïras à défaut d’usine dans la région. Les jeunes préfèrent ainsi bénéficier de crédits dans le cadre du dispositif ANSEJ pour des locations de voitures qui ne sont bénéfiques ni pour eux ni pour l’économie locale.

Pénurie constante du lait en sachet

Tout au long de l’année, les habitants de la commune de Bouzeguène sont confrontés à une crise de lait qui ne dit pas son nom. Un sachet de lait, quand on le trouve encore, se vend à 30 DA. C’est dire que cette pénurie ouvre la voie aux spéculations de certains commerçants, qui profitent de la distribution anarchique de cette denrée, dont les habitants ne peuvent se passer, pour remplir leurs poches. Ce même scénario est constatable dans tout Bouzeguène et à n’importe quelle période de l’année. Au plan organisationnel, à Bouzeguène, c’est Tajmaâth qui représente la composante essentielle. Elle s’occupe de l’organisation de tout événement au niveau des villages, comme Timechret par exemple. Représentée par le comité de village, cette institution est souvent placée au centre, là où on apprend la loyauté la solidarité la dignité et la sagesse. Tajmaâth à Bouzeguène est en quelque sorte le gendarme des citoyens. En cas de conflit, le comité intervient pour le régler. Il est rare qu’une affaire arrive jusqu’aux procédures judiciaires. Pour ce qui est des fêtes, elles sont célébrées comme au temps jadis. Après le repas traditionnel (généralement un couscous) offert aux convives, place à l’animation, où hommes et femmes se laissent emporter par des airs musicaux interprétés par des voix locales ou diffusés à travers des DJ. Pour ce qui est des ressources financières, elles viennent des cotisations villageoises. Les émigrés, pour «rattraper» leur non-participation aux travaux à intérêt général, qui se font généralement chaque vendredi, remettent des sommes d’argents au comité. Le volet environnemental a toujours été une priorité à Bouzeguène. Des opérations de nettoyage sous forme de volontariats y sont organisées pratiquement chaque semaine. Chaque village dispose d’une décharge contrôlée ; il y en a même où des villageois ont réalisé des centres de tri alors que le chef-lieu croule sous les ordures, et ce, après la fermeture de la décharge d’Azaghar et la non-désignation à ce jour d’un autre endroit où déposer les déchets. Au plan tradition, la tenue traditionnelle est jalousement sauvegardée. Les femmes de Bouzeguène sortent, en hiver comme en été en robes propres à la région, chose qui a presque disparu dans d’autres régions. Quand au burnous, les hommes ne peuvent s’en passer durant les fêtes et les funérailles aussi.

La santé ne va pas bien !

La commune compte une seule polyclinique et des salles de soins qui, en majorité sont en chantier. Partout, dans quasiment tous les services, on fait face au manque d’effectif, de moyens et à l’indisponibilité d’ambulances médicalisées ainsi que d’un matériel spécialisé. «Même des gants, on demande aux malades d’en ramener», avoue un infirmier. Les gens, pour une simple radio, se déplacent à Azazga. Pareil pour une consultation spécialisée. Dans tout Bouzeguène, on n’y retrouve qu’un seul cabinet de gynécologie. Sinon pas de pédiatre ni d’urologue ni d’ophtalmologue. Les médecins spécialistes choisissent généralement de s’installer dans les grandes villes. La région mise beaucoup sur l’ouverture d’un hôpital. Une bouffée d’oxygène pour cette population qui a tellement souffert.

Patrimoine historique délaissé

Comme toute la Kabylie, la commune de Bouzeguène garde des traces de l’ère coloniale. Cette région a livré des batailles que les gens ne peuvent et ne pourront oublier. Parmi ce legs historique, on peut citer la section administrative spécialisée (SAS) que les Français ont créée pour torturer les moudjahidines. «Je me souviens très bien du goût du savon qu’on me fait avaler. Je ressens un pincement au cœur à chaque fois que je regarde ce lieu de torture, devenu maintenant un parking communal», avoua un moudjahid de la région. On évoquera aussi le PC de la wilaya III qui était le lieu de rencontre et de réunion du colonel Mohand Oulhadj et les autres acteurs de la guerre de Libération. Un patrimoine que les héritiers veulent céder au ministère des Moudjahidine. D’ailleurs, plusieurs courriers dans ce sens ont été adressés aux services concernés. Cet endroit garde toujours des traces des exploits des héros de la Révolution, comme l’embuscade de Tanimt d’Ait Said, de Takoucht, d’Ibekarene, etc. C’est dire que chaque village a une histoire à raconter…

Répartition des logements sociaux et locaux commerciaux, le couac !

Afin de s’enquérir de la situation socio-économique de la région, nous nous sommes rapprochés d’une dizaine de personnes qui ont tous évoqué lors de leurs interventions, la crise du logement. En effet, c’est avec un cœur lourd que ces interlocuteurs nous ont parlé de la répartition des logements sociaux qui s’est faite, selon eux, d’une manière malhonnête. «En 2011, j’ai déposé un dossier pour bénéficier d’un logement social. Mais ce dernier est resté sans suite à ce jour. Ce ne sont pas des cas sociaux qui en profitent, vu que la répartition se fait, hélas, avec favoritisme», dira, désabusée, cette femme au foyer, mère de trois enfants, avant d’ajouter : «Les logements sociaux et les locaux commerciaux à Bouzeguène sont attribués dans la plupart du temps à ceux qui les louent. Alors de quelle enquête parle-t-on ?». À la poste, l’usager n’est pas mieux servi. Les détenteurs de comptes CCP sont presque toujours accueillis avec le manque de liquidités et des DAB en panne. Aussi, ils se retrouvent obligés de se déplacer jusqu’à Azazga pour régler les factures du téléphone et d’internet en l’absence d’une agence ACTEL dans la région.

Ayla Tmurth pour porter un espoir

Dans le but de redynamiser le développement local, créer des emplois et des richesses, la commune de Bouzeguène a procédé avec six autres communes qui sont Ifigha, Idjeur, Béni Ziki, Yakourene, Illoula et Souamaâ, à la signature d’une convention intercommunale intitulée Ayla Tmurth, le 31 mai dernier, à l’APW de Tizi-Ouzou. C’est désormais une coordination sur laquelle repose peut-être l’espoir d’une relance main dans la main.

Fatima Améziane

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