Le réceptionniste du West Side Sun est algérien

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Nous sommes au 107 West-Street.Au coin de la rue, se trouve un fleuriste avec une variété incalculable de bouquets de roses qui ferait envier le fleuriste de la Nouvelle-Ville. Le réceptionniste nous accueille avec un anglais impeccable. Nous l’interrogeons sur les prix de la nuitée. Nous sommes étonnés, car à sa réponse, nous constatons que le prix n’est pas aussi abordable que nous le croyons : 72 dollars. Tout en échangeant des propos, notre interlocuteur nous regarde d’un air bizarre. Au début, nous pensions que c’était à cause de notre anglais tout aussi bizarre. Finalement, la raison est tout autre. Après une tentative vaine de négociation pour la baisse du prix de la chambre, notre interlocuteur finit par nous demander, toujours en anglais, d’où nous venions, nous lui répondions : “De Paris”. “Je veux dire vous êtes d’où ?”, reprend-il.-D’AlgérieOù, au juste, en Algérie ?-De Tizi OuzouC’est alors que le réceptionniste s’adresse à nous en arabe : “M’rahba bik”. Il est également algérien, plus exactement Algérois. Une affinité se tisse sur place entre nous. Nous nous étonnons comment le hasard a fait que nous tombions sur un hôtel où le réceptionniste est algérien (nous en avions une chance sur 40,000 !) Il s’appelle Seddik Yeddek. Il a 37 ans. Célibataire. Il vit et travaille à New York depuis deux ans et trois mois après avoir gagné à la green card (la loterie). Son arabe est émaillé de mots anglais. C’est dire qu’il s’est déjà adapté. Quand il veut parler de son jour de repos hebdomadaire, il dit “day off”, presque inconsciemment. Il ne dit pas salle de bains même en parlant en arabe. Il dit bathroom. Il ne dit pas grand, mais plutôt big, et ainsi de suite… Il faut rappeler qu’avant de savoir qu’il était algérien, nous n’en nous sommes point douté vu sa maîtrise de l’anglais. Seddik nous confie qu’au tout début, l’adaptation était difficile, mais petit à petit, les choses sont rentrées dans l’ordre. “Quand j’ai reçu la réponse que je faisais partie des jeunes sélectionnés par la loterie, j’étais heureux et en même temps j’avais des appréhensions. Vous devinez qu’il n’est guère facile de quitter ses parents, sa famille, ses amis et son pays et vivre à des milliers de kilomètres. Mais j’étais obligé de gagner ma vie et de faire mon avenir. Je suis venu donc et lorsque je suis arrivé ici, je me suis rendu compte qu’il fallait uniquement être persévérant. La vie est un combat quotidien. Ensuite, les choses se sont déroulées plus facilement que je ne l’avais imaginé”, raconte Seddik tout en nous bombardant de questions sur la situation en Algérie. Quand nous avons dit que la situation s’est améliorée énormément, notamment le volet sécuritaire et le retour de la stabilité, il s’est montré très heureux au point d’exprimer le vœu de rentrer passer un mois à Alger et du coup visiter la Kabylie. En attendant, il doit encore travailler, car dans ce pays la vie n’est pas du tout facile. Tout se paie et tout est cher, allons-nous savoir. Seddik travaille sans être couvert socialement. Aux Etats-unis, l’assurance au travail n’est pas un droit garanti par la loi américaine du travail. Les soins dans n’importe quel hôpital sont payants. Une nuit d’hospitalisation coûte 1000 dollars (soit 10 millions de centimes). Les employés n’ouvrent pas droit au congé, car ils risquent de perdre leur poste en partant. Mais le plus grand avantage qu’on trouve aux USA et pas forcément dans un autre pays, c’est le fait de trouver facilement du travail. On peut laisser tomber son poste actuel aujourd’hui et le lendemain, reprendre dans un autre. Pour l’instant Seddik ne veut pas laisser tomber son emploi actuel, car il s’y plaît. Au fil de la discussion, il finit par revenir au pays natal : “Je lis chaque jour les journaux algériens, par Internet, et je regarde la télévision algérienne. Je téléphone deux à trois fois par semaine à la maison. Je reste plus d’une heure avec ma mère au téléphone”, confie-t-il les larmes aux yeux. Devant la remonté de souvenirs, et l’émotion qui en découle, nous décidons de changer de sujet et de parler de l’Amérique, ce rêve.

Aomar Mohellebi

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