Parer aux risques de la menace libyenne

Partager

Le Haut Conseil de Sécurité s’est réuni, avant-hier, sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune. Les derniers développements sécuritaires en Libye incitent à plus de vigilance et de sécurisation de nos frontières avec les voisins de l’Est. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a présidé, avant-hier, jeudi, une réunion du Haut Conseil de Sécurité, a indiqué un communiqué de la présidence de la République, soulignant que durant cette réunion, le HCS «a examiné la situation dans la région, notamment au niveau des frontières avec la Libye et le Mali».

Le Haut Conseil de Sécurité a, à ce propos, «décidé d’une batterie de mesures à prendre pour la protection de nos frontières et notre territoire national et la redynamisation du rôle de l’Algérie au plan international, particulièrement en ce qui concerne ces deux dossiers, et de manière générale dans le Sahel, la région saharienne et l’Afrique», précise le communiqué de la Présidence qui a noté que le président de la République a décidé de réunir le Haut Conseil de Sécurité de manière périodique et chaque fois que nécessaire.

Il faut dire que les derniers développements dans les pays voisins en proie à des tensions sécuritaires depuis plusieurs années, inquiètent au plus haut les dirigeants du pays, notamment le haut commandement militaire algérien. Si le Mali, dans lequel s’enlisent les troupes françaises, a transféré le gros de ses menaces vers le Niger voisin, autre terrain de grands enjeux pour la France, il n’en est pas de même pour la Libye où les évènements s’accélèrent dangereusement selon toute vraisemblance.

L’avancée spectaculaire des troupes du maréchal Khalifa Haftar sur Tripoli inquiète non seulement le gouvernement d’union nationale libyen (GNA) de Faïz Esserradj, mais aussi la Tunisie. Hier, plusieurs morts ont été signalés dans des frappes aériennes des forces de Haftar sur une petite ville proche de la capitale Tripoli. Faïz Essarradj, qui a officiellement sollicité le soutien militaire de la Turquie contre les troupes du maréchal, dénote de la grande menace que représente ce dernier, sauf que les nouvelles donnes, qu’elles soient en Libye ou en Tunisie, aggravent la crainte d’un imminent embrasement dans la région.

Trump et al-Sissi aux aguets

Hier encore, le Président américain, Donald Trump, et son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi se sont entretenus au téléphone sur la situation en Libye pour «exprimer leur rejet de toute exploitation étrangère de la situation en Libye», rapporte un communiqué de la Maison Blanche. «Les deux Présidents se sont accordés sur la nécessité, pour toutes les parties, de prendre des mesures urgentes afin de mettre fin au conflit avant que le contrôle de la Libye ne soit mené par des entités étrangères», a rapporté le communiqué.

Trump et al-Sissi réagissent au fait à la décision du Président turc, Recep Tayyib Erdogane, d’envoyer ses troupes à Tripoli pour soutenir le GNA contre l’offensive de Haftar. Jeudi, le Président turc a annoncé le vote, le 8 ou le 9 janvier prochain, au Parlement sur l’envoi de troupes. «Nous allons présenter la motion pour l’envoi de soldats en Libye dès la reprise des travaux du Parlement, le 7 janvier», a déclaré M. Erdogan lors d’un discours à Ankara.

«Si Dieu le veut, nous pourrons la faire adopter le 8 ou le 9 janvier et répondre ainsi favorablement à l’invitation du gouvernement libyen légitime, de l’aider militairement», a ajouté M. Erdogan. «Nous soutiendrons par tous les moyens le gouvernement de Tripoli qui résiste contre un général putschiste soutenu par des pays arabes et européens», a-t-il poursuivi, se référant au maréchal Haftar. Samedi dernier, le Parlement turc a approuvé un accord de coopération militaire et sécuritaire signé avec le GNA le 27 novembre lors d’une visite à Istanbul de son chef Fayez al-Sarraj.

Pour les gouvernements des pays voisins, dont l’Algérie, la présence de soldats turcs sur le sol libyen risque de compliquer davantage la situation et d’étendre le conflit vers leurs pays. Car déterminé à prendre Tripoli, le maréchal Haftar, soutenu par plusieurs pays européens et du Golf, ne compte pas capituler face aux forces de résistance d’Essarradj même s’il serait soutenu par l’armée turque. Et le conflit ira crescendo pour contaminer la Tunisie et l’Algérie, deux pays qui soutiennent le GNA pour avoir été reconnu par l’ONU.

Avant-hier, le ministre libyen de l’Intérieur du gouvernement d’union nationale a été clair dans ses propos lors d’une conférence de presse, en avertissant que «si l’offensive lancée le 12 décembre par le maréchal Khalifa Haftar contre Tripoli aboutissait à la chute de la capitale libyenne, ceci entrainerait inéluctablement la chute d’Alger et de Tunis». Le ministre a ainsi rappelé l’existence d’une «coopération importante entre la Libye, la Turquie, la Tunisie et l’Algérie».

D’où l’état d’urgence qui devrait être décrété par l’État algérien à ses frontières suite à la réunion du Haut Conseil de Sécurité de jeudi. L’Algérie, pour ainsi dire, n’a pas attendu cette nouvelle donne pour se mettre en état d’alerte permanente aux frontières Est et Sud. La défaite des organisations terroristes en Syrie et en Irak a conduit des centaines de combattants à se redéployer dans les régions du Maghreb et du Sahel, ce qui a renforcé la légitimité de l’État algérien, notamment son haut commandement militaire, à renforcer la présence militaire aux frontières et à se doter des équipements militaires sophistiqués ses dernières années. La question qui reste posée néanmoins est de savoir si l’Algérie va, pour la première fois de son histoire, s’impliquer directement militairement hors frontières, alors que la Constitution l’interdit ?

M. A. T.

Partager