Quand Lazhari Labter se raconte…

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La 14e Rencontre littéraire, animée avant-hier par l’auteur Lazhari Labter et modérée par Youcef Merahi, à la bibliothèque principale de lecture publique, s’est déroulée dans un cadre chaleureux et convivial.

Dans cette rencontre, l’auteur parle avec passion de ses débuts dans la lecture et l’écriture, de la maison de ses parents et de Laghouat, sa ville natale, qui ont joué un rôle important dans sa carrière d’écrivain et d’où il puise son inspiration.

Au début de la rencontre, une minute de silence a été observée à la mémoire du réalisateur Youcef Goucem, décédé dernièrement. «Je dédie cette rencontre à quelqu’un qui m’est très cher et qui vient de nous quitter. C’était l’ami de tous et j’ai tenu à ce que sa sœur soit présente avec nous», dira Lazhari Labter.

Le petit livre ‘’La cuillère et autres petits riens’’ est un retour sur l’enfance et l’adolescence de l’auteur. Il raconte des souvenirs d’une oasis à Laghouat, de la chance qu’il avait d’être né dans la maison familiale. «Je suis né dans une maison traditionnelle. Mon père était un petit fellah, il a eu à construire de ses propres mains cette maison qui existe toujours et qui n’avait absolument aucun confort à l’époque comme les vieilles maisons de Kabylie.

Elle avait ses particularités; elle était au milieu du jardin. Quand j’ouvrais le matin la fenêtre de ma chambre où je dormais avec mes frères et ma sœur avant d’aller à l’école pour apprendre le coran, j’avais un paradis devant moi.

Les palmiers, les arbres fruitiers l’oranger, le citronnier, l’abricotier…y étaient plantés». «Tout ça m’a marqué». Un jour, à l’école où il apprenait le coran, son ami du quartier avait ramené avec lui une bande dessinée et ce fut le déclique. «Un petit format, je me souviens très bien qu’il n’y avait pas la couverture.

On les appelait journaux, c’était un Zembla. Tout s’est joué pour moi ce jour là. J’étais fasciné et accroché par ces petites vignettes par lesquelles on voyait des personnages évoluer mais mon grand désespoir était de ne pas savoir lire .Tout comme Astérix, j’étais tombé dans la marmite magique juste en ouvrant Zembla et à ce jour, je ne suis pas encore sorti».

Pour Labter, les écrivains en général racontent toujours la même histoire mais d’une manière différente. Le roman littéraire tourne autour de trois grands thèmes fondamentaux notamment la vie, l’amour et la mort ainsi que des thèmes secondaires qui sont propres à chaque écrivain et qui sont inspirés de son vécu.

Ses premiers pas dans la lecture étaient à l’école primaire à travers la Bande dessinée, ce qui l’a amené plus tard à la lecture des livres ensuite à la grande littérature. C’est son unique sœur qui lui a inculqué cet amour pour la lecture.

Elle le dépassait de deux ans et elle était scolarisée dans une école laïque de la ville. Elle ramenait de beaux livres pour enfants tels que ‘’Alice au pays des merveilles’’, ‘’La belle au bois dormant’’… et faisait la lecture autour du «kanoun». «Je dois beaucoup à ma sœur, d’ailleurs il y a une nouvelle qui lui est dédiée.

Je ne lui rendrai jamais assez hommage». L’intervenant a insisté sur le fait que la lecture doit s’inculquer des le jeune âge aux enfants. «Si vous mettez des livres entre les mains de vos enfants ou petits enfants dès l’âge de 2 ans ou même à partir 6 mois, en les laissant regarder des images et en leur racontant l’histoire le soir, ils commenceront la lecture.

Une fois accrochés à la lecture, cette dernière ne les lâchera pas toute leur vie. Un enfant qui lit, soyez en sûr qu’il deviendra un bon citoyen, une personne éduquée et qui réfléchit…». La lecture est fondamentale, à la maison et à l’école.

L’auteur se dit honoré que des extraits de ‘’La cuillère et autres petits riens’’ soient intégrés dans le livre du CMA (Congrès Mondial Amazigh) de l’école algérienne depuis deux ans. Influencé par El Mutanabbi, Baudelaire , Rimbaud …il a commencé à écrire de la poésie à l’âge de 15 ans .Il a pratiqué le journalisme essentiellement culturel pendant 25 ans. Il dira que le journalisme et le militantisme ont pris le dessus sur sa carrière d’écrivain.

«Aujourd’hui avec du recul, je me dis que deux choses ont contrarié ma véritable vocation qui est l’écriture: le journalisme et le militantisme. Ils vous prennent tout votre temps, mais je ne le regrette pas». L’ouvrage intitulé ‘’Hiziya mon amour’’, réalisé par plusieurs auteurs tels que Maïssa Bey, Amel El Mahdi, Arezki Metref, Abdelmadjid Kaouach … «C’est une très belle histoire qui vient de Ouled Djellal à Biskra, c’est notre ‘’Roméo et Juliette’’.

Ce roman est épuisé, il a tellement eu d’échos positifs que je suis en train de faire la traduction en arabe», souligne l’écrivain. Enfin, il termine la présentation de ses ouvrages avec le livre «Laghouat une ville assassinée».

Il décrit avec émotion les atrocités endurées par la population de cette ville rebelle en décembre 1852, durant la période coloniale. La ville a été envahie par le général Pélissier avec 6000 soldats armés contre 800 combattants de la population, Laghouat perdra la bataille suivi d’un génocide qui fera 2500 victimes sur une population de 4000 habitants.

«La ville était rebelle à tout pouvoir depuis toujours, elle n’a jamais accepté aucune présence y compris celle des Ottomans. Les gens de Laghouat n’ont jamais voulu payer d’impôt, ils ont toujours renvoyé les Turcs. Il était indispensable pour les Français d’assiéger la ville, c’était une ouverture à la conquête de tout le Sud algérien».

Lazhari Labter semble marqué par cette période même s’il ne l’a pas vécue. Il s’est basé sur les archives et son imagination pour l’écriture de cet ouvrage. Il dira à ce propos: «Je n’étais pas encore né quand ce génocide a eu lieu, les archives utilisées viennent de témoignages écrits par les Français eux-mêmes qui ont participé à la bataille et surtout d’Eugene Fromentain, artiste peintre, qui est arrivé six mois après la prise violente de la ville en 1853.

Il a laissé un ouvrage capitale qui s’appelle ‘’Un été dans le Sahara’’, qui raconte dans le détail ce qui s’est passé». «Cet ouvrage, je l’ai écrit sur deux voix, c’est-à-dire il y a moi qui parle à base d’archive romancée et je donne la parole à Fromentain. Le titre ‘’Laghouat assassinée’’ vient de lui. Dans son ouvrage, il dit: «Je suis dans une ville qui est morte d’une mort violente.

Dans une deuxième version, il dit: «Je suis dans une ville assassinée et il souligne assassinée en italique dans le texte. J’ai voulu raconter cette histoire à ma manière, l’histoire d’amour intérieur que j’ai imaginé justement pour faire connaître ce pan ignoré et méconnu dans l’histoire de notre pays et un des grands figurants de la résistance algérienne dont le nom ne vous dira absolument rien, Benacer Benchohra.

Il a pris les armes contre les Français pendant 38 ans jusqu’à ce qu’il soit exilé au Liban puis en Syrie». L’écrivain regrette que ce grand patriote ne soit pas connu et il espère qu’un jour il sera enseigné dans les écoles.

L’activité littéraire s’est terminée avec la lecture du texte «Le génie des eaux» dont l’auteur fait référence à son père suivie d’une déclamation de poésie en arabe et en français et d’un débat. En marge de la rencontre, une séance de vente dédicace des ouvrages de Lazhari Labter a été prévue.

Sonia Illoul

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