Salah Sadaoui, une voix immortelle

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Qui n’a pas été marqué par la voix et les chansons de Salah Sadaoui, celles qu’il chantait aussi bien en kabyle qu’en arabe ? C’est un artiste exceptionnel qui avait sa propre touche inimitable. Il fait partie de la crème des chanteurs algériens kabyles qui ont osé franchir le pas en s’adonnant aussi avec l’art et la manière à interpréter des chansons en langue arabe, emboîtant ainsi le pas au monument Cheikh El Hasnaoui avec lequel il ne partage pourtant ni le style ni le même genre de poésie. Il avait 69 ans quand il décéda dans un hôpital parisien le 9 mai 2005.

La nouvelle tomba tel un couperet et elle a endeuillé toute la Kabylie, surtout quand on sait que Salah Sadaoui fait partie de la frange des grands artistes qui n’avaient pas chanté au pays depuis des lustres. Voir Salah Sadaoui sur scène «di tmurt» était donc un rêve qui s’était évaporé pour une infinité de ses fans. Il fallait tenter de se satisfaire en écoutant ses chansons, dont certaines sont mythiques, faut-il le rappeler.

C’est le cas, par exemple, des chansons portant sur l’exil comme «Paris», «Bqa ala khir a frança», «A rebbi kech d leqawi», «Aâmmi Slimane» (en hommage à Slimane Azem) «Sghenigh Si Mohand» (en hommage à Si Mohand Ou Mhand) et la liste est encore longue. Originaire de M’Chedallah à Bouira où il est né, Salah Sadaoui de son vrai nom Gahli Sadaoui, n’a presque pas vécu en Kabylie, c’est ce qui fait qu’on retrouve et qu’on reconnaît aisément son accent «arabophone» quand il chante en kabyle, notamment dans la prononciation des consonnes qui n’existent qu’en kabyle, comme le K de Akal (terre) ou le g de igenni (ciel) par exemple.

Mais Salah Sadaoui n’a pas hésité à entrer dans le monde de la chanson en optant pour le kabyle qui est sa langue maternelle, tout en chantant sans complexe aucun en arabe puis même en français comme dans la célèbre chanson «Je fais mon déménagement». Encore une chanson sur l’exil ! Salah Sadaoui, à l’instar d’Akli Yahiatène, Slimane Azem, Youcef Abdjaoui, Cheikh El Hasnaoui a beaucoup chanté sur l’exil, eux qui ont été privés, pour une raison ou une autre, de leur terre natale qu’est l’Algérie et plus particulièrement la Kabylie.

C’est à Alger que Salah Sadaoui a passé les premières années de sa vie, où il fit ses premiers pas dans l’art dans les rangs de la chorale de l’association «l’Espérance sportive», dont le chef d’orchestre n’est autre que Amraoui Missoum. Salah Sadaoui ne tarda pas à animer ses premières soirées dans l’Algérois. Presque comme la majorité des chanteurs de l’époque, il émigre en France. Dès son arrivée, son talent artistique aidant, il anima des soirées dans les cafés nord africains et algériens. Il ne tarda pas à enregistrer ses premiers disques avec l’aide du même Amraoui Missoum.

Salah Sadaoui est connu notamment pour son style satirique et ses chansons, dans la majorité des cas, regorgent d’humour même si les sujets traités sont très sérieux et décrivent avec précision et émotion la douleur de l’exil et les stigmates de l’amour perdu. Salah Sadaoui, compte tenu de son talent de comédien, finit par jouer dans des sketchs avec le célèbre «Kaci Tizi Ouzou».

Sur un tout autre registre, Salah Sadaoui avait aussi milité dans l’Académie berbère pour revendiquer la reconnaissance de sa langue maternelle, tamazight, dès 1966. Ce qu’on peut retenir de Salah Sadaoui, c’était son retrait aussi bien de la scène artistique que des médias. Malgré cette discrétion, Salah Sadaoui a été et demeure l’un des chanteurs kabyles les plus écoutés par les mélomanes. La majorité de ses chansons sont immortelles. Aujourd’hui, 14 ans sont passés après sa mort et sa voix reste encore l’une des plus fréquemment entendues dans les lieux publics, dans toute la Kabylie et dans l’émigration.

Aomar Mohellebi

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