De la notion de «Jmaâ Liman»

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Par Abdennour Abdesselam:

«Jmaâ liman » est une phrase complète dite en kabyle. Elle est douée de sens et c’est par elle qu’on émet un serment qui signifie « au nom des croyances », au sens des trois religions. Ce jurement est considéré dans la culture kabyle comme étant une hauteur d’application. L’explication de ses composants va d’elle-même, et son utilisation annonce un engagement ou une décision canonique. Le verbe « jmaâ » (également nominal) se rapporte à l’action de rassembler ou de grouper. Le complément « liman » est le pluriel de l’emprunt à la langue arabe «iman ». Cette formule explique, si besoin est, que la terre d’Algérie a été successivement, et au plan de la spiritualité d’abord, une terre juive, puis chrétienne et enfin musulmane. Mais au-delà de cette succession des trois religions, qui renvoie à des périodes et à des événements historiques bien précis, on relèvera le sentiment de considération qu’ont les berbères vis-à-vis des trois religions monothéistes, mais dans le cadre du strict respect et d’application des valeurs de la pensée kabyle sur la base desquelles la Kabylie est organisée et gérée. Ces valeurs n’étaient phagocytées par aucune foi. Cette observation est très bien relevée par une déclamation d’un grand, du magistral maître du verbe kabyle, du penseur et du philosophe, Chikh Mohand Oulhoucine, qui annonçait : « taqbaylit d rray, ddin d nniya ». L’amussnaw, Mohand Oulhoucine, replace ici toute religion dans un rapport de foi, c’est à dire « nniya » directement à Dieu, sans tricherie ni manipulation. Cependant que la raison « rray » est restituée dans la dynamique de l’activité et l’intelligence humaine, ouvertes aux débats d’idées qui reposent sur la force de persuasion, loin de toute forme de despotisme. N’accédait à la formule « Jamaâ liman » que les grandes personnes de sexe masculin, c’est-à-dire des adultes en homme faits. Il fallait tout au moins avoir le statut de marié pour en user. Le serment était trop rigoureux pour être vulgarisé à tout vent. Mais, aujourd’hui, il est de moins en moins utilisé à mesure que disparaissent les personnes âgées. Les femmes ont-elles aussi leur jurement spécifique non moins important. Nous rapportons ici un fait d’histoire, un fait de société qui mérite, encore plus, une analyse pour un argument d’un thème de mémoire.

Abdennour Abdesselam ([email protected])

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