«Les décharges près des cours d’eau bientôt éradiquées»

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La wilaya de Bouira ne cesse d’être défigurée par des dépotoirs et autres décharges sauvages, notamment dans des milieux sensibles en pleine nature et bien souvent à proximité des cours d’eau. La nouvelle directrice de l’environnement de la wilaya de Bouira, Djouher Haddadou, explique dans cet entretien les mesures urgentes prises au lendemain de son installation.

La Dépêche de Kabylie : Quel constat faites-vous depuis votre installation à la tête du secteur de l’environnement au niveau de la wilaya ?

Djouher Haddadou : Nous suivons scrupuleusement la stratégie du ministère de l’Environnement en matière de gestion des déchets, à savoir le Progdem 2011 (Programme de gestion des déchets municipaux) telles que le contrôle des CET, la réalisation des décharges et les parcs citadins pour chaque wilaya. Une fois la réalisation des projets achevée ainsi que la réception des équipements d’exploitation, la direction de l’environnement affecte à l’Epic les ouvrages réalisés et équipés. L’Epic Nadhif de Bouira s’occupe de la gestion et c’est pour cela que la direction de l’environnement travaille en étroite collaboration avec l’Epic Nadhif. Nous veillons ainsi à l’éradication de certains points noirs lorsqu’ils apparaissent en mobilisant les engins dont nous disposons pour nettoyer et évacuer les détritus qui se sont amoncelés dans certaines zones de la ville ou en dehors du périmètre urbain parfois. Ces jours-ci, nous nous occupons de l’environnement immédiat des établissements scolaires, c’est cette relation étroite qui nous lie à l’Epic pour le bien-être des citoyens. La direction de l’environnement intervient également lorsque certaines APC n’arrivent pas à enlever des décombres ou des dépotoirs mais à notre niveau, nous intervenons essentiellement au niveau et aux environs des cours d’eau pour éliminer les points noirs mais aussi aux alentours immédiats des espaces boisés et des forêts. Nous obligeons aussi les APC à éradiquer ces décharges qui sont dangereuses. Dans le cas où les municipalités disposent de moyens nécessaires pour le faire c’est bien, sinon nous les orientons à contracter une convention avec l’Epic Nadhif. Avoir un environnement propre et éviter l’apparition de toute maladie n’a pas de prix, mais cela à un coût avec les incidences liées à l’hygiène et la préservation du cadre de vie du citoyen. Je lance un appel à la société civile pour participer à la préservation de l’environnement, aussi bien les associations environnementales, les scouts, les citoyens et les pouvoirs publics sont tous concernés afin d’inculquer le civisme et le savoir-vivre dans un environnement sain. Il y a certes une prise de conscience, mais pas encore suffisante au vu de l’état de nos cités et quartiers par rapport aux déchets et leurs conséquences néfastes qui envahissent nos rues.

Des campagnes de nettoyage sont-elles nécessaires pour remettre à niveau certaines communes ?

Oui, c’est là un impératif mais il faut savoir que le bénévolat ne peut pas se faire au quotidien. La semaine dernière, un volontariat a été organisé par les services de la wilaya avec de grands moyens qui ont été mis en œuvre au niveau de Raouraoua et qui a été élargi à toute la périphérie du chef-lieu communal. Si le citoyen s’implique, ce nettoyage s’inscrira dans le temps mais avec son aide. Pour cela, les autorités communales, à leur tête le P/APC, doivent sensibiliser leurs concitoyens sur l’environnement et son cadre de préservation dans l’ensemble de sa commune. L’Epic Nadhif a toujours répondu présente pour les actions de volontariat mais la signature de conventions avec les APC serait un plus au quotidien.

Quelles sont les mesures de prévention adoptées pour lutter contre l’apparition de maladies MTH ?

En tant que secteur de l’environnement et pour permettre aux citoyens d’évoluer dans un cadre de vie sain et agréable, l’éradication des décharges sauvages autres dépotoirs à ciel ouvert est notre priorité. Nous avons réalisé les ouvrages de traitement et les équipements gérés actuellement par l’Epic Nadhif et nous continuons à acquérir le matériel nécessaire, mais malgré ces efforts, on retrouve toujours des dépotoirs sauvages. Il suffit que l’on en éradique un pour en voir réapparaitre un autre plus loin de manière anarchique et qui se développe partout à travers la wilaya. En été, ils sont sources de dangers avec les incendies qu’ils peuvent engendrer, et en hiver ils polluent les points d’eau à proximité. Ceci en plus de l’aspect hideux qu’ils donnent à l’environnement. Nous suivons attentivement le nettoyage des points d’eau, des citernes, des bâches à eau, des écoles au niveau des bureaux communaux d’hygiène.

Les centres d’enfouissement techniques (CET) ne sont donc pas suffisants pour recevoir les déchets de la wilaya ?

Au départ, il y avait des décharges communales disposant d’arrêtés de création, PV de choix de terrain et avec l’avènement du programme de gestion des déchets municipaux (PROGDEM) et la réalisation de centres d’enfouissement technique en 2001, beaucoup de décharges ont été éradiquées comme à Aït Laâziz, la ville de Bouira, Haouch Thika à Haïzer, Aïn Turk, Ahnif, Aïn Bessem, Bir Ghbalou, M’Chedallah, Chorfa, Aomar et dernièrement El Khebouzia. Il reste les décharges qui sont au niveau de l’Atlas Blidéen se trouvant dans la wilaya de Bouira, c’est-à-dire les communes de montagne de la région de Lakhdaria, Zbarbar, Maâla, Guerrouma, Bouderbala, Boukram. L’Epic Nadhif est intervenu pour la décharge de Lakhdaria datant des années 1980 où il y a eu une mise à niveau avec nettoyage, dégagement des accès. Une grande opération qui a duré pratiquement quatre mois et qui est gérée par Nadhif. Pourtant en 2007, Lakhdaria a bénéficié d’une décharge mais à cause des oppositions des citoyens, cette opération n’a pas pu se réaliser. À trois reprises le projet a été réévalué pour atteindre les 20 milliards de centimes, mais les oppositions n’ont pas pu être levées. Idem pour la commune d’Aghbalou qui a aussi bénéficié d’une décharge contrôlée en 2012 et le choix de terrain a été fait au niveau du village de Selloum, car il y a une piste menant à proximité d’une forêt. C’est là que se trouve une décharge qui brûle en permanence avec une épaisse fumée noire qui est visible à des kilomètres à la ronde. Nous avons pensé à éradiquer cette décharge sauvage pour en aménager une contrôlée, mais bizarrement des propriétaires terriens se sont opposés. À Aghbalou, quand la commune a été submergée par les déchets, ils ont été contraints d’avoir recours au centre d’enfouissement technique (CET) d’Ahnif pour prendre en charge leurs déchets et la commune est désormais conventionnée avec l’Epic Nadhif. Toutefois, malgré les conventions signées avec l’Epic, les routes et les oueds menant vers Aghbalou ou encore Chorfa sont entièrement parsemées de décharges sauvages. Pourtant la loi est claire, l’APC doit prendre en charge ses déchets et assurer le service public sur son territoire. Sur les 45 communes que compte la wilaya, 33 sont rattachées aux différents centre d’enfouissement technique (CET), des décharges contrôlées et de la décharge brute de Lakhdaria présents à travers le territoire de la wilaya. Nous recensons, donc, un pourcentage de 73% de prise en charge en matière de traitement des déchets, ce qui signifie en matière de population que 666 088 habitants bénéficient des prestations de l’Epic, ce qui représente 82% de la population de la wilaya de Bouira. Chaque habitant génère au quotidien 0.7 kg, il s’agit d’une moyenne selon les différentes communes.

À Bechloul, plusieurs problèmes d’ordre environnemental sont soulevés par les citoyens avec l’abattoir et l’usine des Chinois…

J’ai pris connaissance de ce dossier de la région d’Ichihène, commune de Bechloul avec l’usine des Chinois ‘Dauphin d’or’. Selon mes informations, ils ont signé une convention pour la collecte des déchets avec l’Epic Nadhif, mais uniquement pour un certain type de déchets en nylon et autres qui peuvent être incinérés. Toutefois, lors d’une visite d’inspection surprise, nous les avons trouvés en pleine action d’incinération alors que M. Boutrig, directeur de Nadhif, leur avait fait une proposition globale pour assainir cette unité en matière de gestion des déchets. Cependant, après des négociations ardues, les responsables de cette usine ont préféré opter pour limiter un certain nombre de déchets à traiter avec l’Epic de Bouira. Il existe même des rejets liquides qui sont évacués directement dans le lit de l’oued. Cette unité a fait l’objet de plusieurs mises en demeure. Je précise que les Chinois ont été autorisés à réaliser une entreprise de production de tuyaux de PVC sur le site, mais ensuite ils ont fait une extension illicite de leurs activités en rajoutant la récupération d’aluminium. Ils ont créé un établissement classé après plusieurs visites d’inspection de nos services, ils se sont finalement présentés au niveau de la direction de l’environnement et nous leurs avons demandé d’effectuer un audit environnemental pour qu’ils puissent avoir une autorisation d’exploitation en prévision de la conformité. Ils se sont engagés et ont déposé le dossier modificatif avec le permis de construire, car ils avaient empiété sur le lit de l’oued. Ils sont en phase de régularisation de leurs installations créées illicitement. La première installation, à savoir la production de PVC, avait fait l’objet d’une décision mais pas pour les activités annexes rajoutées par la suite qui ont engendré les rejets de liquide dans l’oued ainsi que pour l’incinération.

Qu’en est-il de l’abattoir de Bechloul qui rejette ses déchets à proximité de l’oued ?

L’abattoir de Bechloul a également été sollicité pour signer avec l’EPIC pour la gestion des déchets mais aucun terrain d’entente n’a pu être trouvé. Nous avons été saisis récemment par le bureau d’hygiène de Bechloul car le propriétaire de l’abattoir avait jeté ses déchets à proximité de l’oued. La loi sera appliquée dans toute sa rigueur pour les contrevenants et des PV seront établis pour faire respecter les lois de la République en matière d’infractions.

Justement de plus en plus d’oueds et cours d’eau sont agressés…

Nous avons pris toutes les mesures pour parer à cela et les décharges de Djebahia et de Kadiria seront, d’ailleurs, prochainement éradiquées car se trouvant à proximité de l’oued. Il s’agit là pour nous d’une priorité de mettre un terme à tous ces points noirs nuisibles à proximité des cours d’eau ainsi que ceux répertoriés à proximité des forêts, comme celui d’Azrou Kellal à Ath Mansour. Un site pour lequel nous avons saisi par écrit les autorités communales afin de supprimer de manière définitive ces points noirs. Par ailleurs, je viens de rédiger un écrit adressé à toutes les APC pour recenser les dépotoirs sauvages en les priant de prendre les mesures urgentes pour leur éradication. Si ces communes peuvent prendre en charge ce problème à leur niveau, c’est une bonne chose, sinon nous les obligerons à contracter des conventions avec l’Epic Nadhif pour nettoyer définitivement ces points noirs. Il n’est plus question de laisser faire ce genre d’agissements nuisibles à l’environnement avec des répercutions néfastes et autres risques sur la santé publique.

Entretien réalisé par Hafidh Bessaoudi

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