Boycottage dans le calme

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Le référendum de ce 29 septembre s’est déroulé dans l’indifférence totale de la population encore occupée par les cortèges festifs et les préparatifs domestiques du proche Ramadhan. Les rares citoyens qui se sont déplacés vers les bureaux de vote ont pu glisser leur bulletin dans l’urne dans le calme. Une gêne perceptible a cependant accompagné ce geste qui, dans le climat d’abstention générale, s’apparente à un défi contre une certaine idée de la citoyenneté.Une abstention record sanctionne ce scrutin dans toutes les contrées de la Soummam, et Akbou n’est pas en reste. Les douze centres de vote de la ville du Piton et de sa périphérie ont enregistré une maigre participation craintive qui n’a guère dépassé les 7% dans dix d’entre eux, alors que les urnes ont été saccagées à Tifrit au nord et Riquet à l’ouest par des groupes d’adolescents encore marqués par “la culture arouch”.Le citoyen d’Akbou a encore engrangé une nouvelle frustration et contenu son désir d’aller glisser un bulletin dans l’une répondant aux multiples sollicitations des adeptes du refus de “la charte pour la paix”, réservant sans doute son énergie pour les municipales du 24 novembre prochain. A l’abstention traditionnelle qui frise les 50% dans toute la région vient se greffer l’effet du boycott initié par le FFS et le RCD sur fond de l’appel à la grève générale des deux ailes des archs et les contributions du MAK et du MDS qui, chacun à sa manière, ont demandé à la population de “faire barrage à la charte de Bouteflika”. Dans les dix centres où le scrutin s’est déroulé librement, le taux de participation n’a pas dépassé les 7% quelques minutes avant la clôture fixée à 19 h.

Réapprendre la toléranceLes personnes âgées ont été les plus nombreuses à braver l’interdit et fouler fièrement les cours des centres de vote évoquant avec douleur l’époque du parti unique où les urnes étaient pleines avant que le premier votant y ait glissé son bulletin. “C’est la corruption politique des années 70 qui a généré toute la violence dans laquelle nous baignons aujourd’hui.L’intolérance a été la principale culture de l’Etat avant qu’elle se répande dans la société et gangrène la jeunesse. Je viens voter pour réinstaurer la culture de la tolérance et du respect d’autrui. Peu importe la couleur de mon bulletin, voter doit devenir le seul moyen de départager les avis et des opinions. Le recours à la violence doit être banni de notre comportement”, conseille Dda Saïd, un ancien militant du PPA/MTLD. Le vote s’est déroulé dans le calme même si l’atmosphère était pesante, c’est sans doute le grand acquis de ce scrutin pour la région qui se réconcilie avec le vote comme moyen d’expression politique privilégié des nations civilisées.La hantise de la violence a donc plané sur cette consultation disqualifiée bien avant son ouverture par de nombreux acteurs politiques de la région, boudée par la population qui, dans son ensemble, se dit non concernée par les objectifs de cette charte qui n’aurait pas intégré dans son esprit et sa formulation les spécifiés de la Kabylie.

A chacun sa lecture des résultatsLes encadreurs des centres et bureaux de vote ont longuement retenu leur souffle quand la nouvelle du saccage des urnes à Tifrit, le village de feu Mohamed Haroun, s’est répandue à partir de 8h30, acte de barbarie amplifié par un autre casse signalé à Riquet. Un calme précaire a néanmoins régné dans la dizaine de centre de vote de la ville, où les sondeurs du FFS ont fait une journée d’évaluation vers 10h du matin, concluant sans doute à l’improductivité de tout acte de sabotage au vu de la faiblesse de la participation traduite comme une réponse favorable aux mots d’ordre de boycott lancé par le vieux parti d’opposition qui prépare activement les prochaines municipales souhaitées comme une nouvelle naissance. Après la clôture de 19 h, le dépouillement boudé par les citoyens a donné, dans un centre de vote, traditionnellement représentatif de l’expression politique locale, sur 2015 inscrits, 139 votants soit 9,6%. Dans ce suffrage exprimé, 107 voix ont été pour la charte alors que 21 ont dit non. 11 citoyens qui ont glissé les deux bulletins dans leur enveloppe ont vu leur vote annulé. Le retour au calme après cinq années d’extrême violence a constitué le fait marquant de cette consultation. “Laissez les citoyens s’exprimer librement et chacun pourra mesurer sa véritable force. Il est temps de revenir aux valeurs de la civilisation universelles” conseille un simple citoyen sortant d’un bureau de vote de l’école d’Ifrane. L’abstention a toujours marqué les scrutins en Kabylie à hauteur de 50%. En retirant les 11,55% de participation officiellement annoncés pour la wilaya de Bgayet, les adeptes du boycott peuvent se targuer d’avoir été écoutés par près de 40% de la population ! A qui revient la plus grosse part du refus, nous le saurons le soir du 24 novembre prochain. La recomposition politique en Kabylie est encore une fois différée. A tous les acteurs politiques, le pouvoir central en priorité, d’en tirer les leçons qui s’imposent.

Rachid Oulebsir

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