Pour arriver au village natal de feu le colonel Krim Belkacem, l’un des artisans du 1er Novembre 1954 et principal signataire des accords d’Evian, il faudra, comme partout en Kabylie, emprunter un chemin qui monte, bordé des deux côtés de chênes-lièges et de ronces en ce début du mois d’octobre. Avant d’arriver au village natal du Lion des djebels, le carré des martyrs, où reposent plus de trois cents Chahid tombés au champ d’honneur un certain 6 janvier 1959, est incontournable. Avant de descendre les escaliers qui mènent vers la maison des Krim, restée intacte en dépit du poids des années, une plaque annonce « Soyez les bienvenus au musée Krim Belkacem ». Désormais, depuis 1999, la maison natale de Krim est devenue musée. Certes, à l’intérieur, tout un chacun peut revisiter l’histoire en images et en écrits, mais il faudra dire que « El hara des Krim » attend encore beaucoup de choses. Aux alentours, il y a des habitations appartenant aux Krim, ceux qui sont restés dans leur village Tizra Aïssa, mais tout de même, il faut souligner que cette région est en marge du développement. En 2011, il n’y a ni aire de jeu ni foyer pour jeunes. En fait, la vie est dure dans cette contrée. Aucun village n’a encore bénéficié de gaz naturel. La localité a bénéficié d’écoles primaires, d’un collège d’enseignement moyen, d’une agence postale, fermée depuis des années en raison de l’insécurité qui y règne, et d’une salle de soins. Les villageois émigrent ailleurs pour gagner leur pain ou s’adonnent à des métiers traditionnels tels la vannerie ou la transformation du bois. Revenons au musée, il subit de jour en jour des dégradations naturelles. D’ailleurs, les toits de certaines chambres laissent s’infiltrer l’eau des pluies. Le comble est qu’il n’a pas bénéficié d’un réseau d’assainissement. Sur les murs dépeints, on peut voir toutes ces photos qui relatent l’histoire de l’homme « de Aït Yahia Moussa à Evian ». Pour en savoir plus sur le fonctionnement du musée, nous avons contacté Kamel Moussi, en sa qualité de président intérimaire de l’association Tarwa N’Krim Bekacem, qui dira : « En dépit de toutes les entraves, nous faisons de notre mieux. C’est quand même un fardeau que de porter le nom de Krim Belkacem. Nous sommes ici et nous travaillons bénévolement. Ce qui nous intéresse c’est de perpétuer l’histoire. Et ce n’est pas vraiment aussi facile que ne le pensent les autres. Nous veillons jour et nuit sur le musée ». Avant de poursuivre: » Comme vous voyez, nous sommes là à recoller les coupures de journaux et autres documents sur le mur. Or, nous aurions aimé que des tableaux vitrés y soient placés, afin que ces documents ne s’usent pas ». Interrogé sur l’entretien du musée, notre interlocuteur nous apprendra qu’un employé de l’APC y a été affecté ainsi que deux jeunes dans le cadre du pré emploi. Kamel Moussi soulèvera un autre problème. « Il faudra une restauration entière du musée. Depuis 1999, il n’y a eu aucune opération à l’intérieur. Ce sont les membres de notre association qui engagent des démarches au niveau de l’APC pour obtenir un bidon de peinture. Nous interpellons les pouvoirs publics à lui inscrire une opération de restauration digne de ce nom », ajoutera-t-il. Le président, par intérim, de l’association nous fera savoir par la suite que la commission de la direction de la culture de la wilaya a approuvé son édification en musée national, mais qu’ils attendaient toujours l’officialisation de cette décision. « Nous sommes une association, certes créée pour veiller sur l’histoire de la région et celle de Krim Belkacem, mais, pour le moment après vingt ans, nous n’avons pas encore un siège. Nous activons à l’intérieur du musée dans des conditions peu commodes », conclura-t-il. Avant de quitter les lieux, nous nous sommes demandés s’il y avait au moins un édifice public baptisé « Krim Belkacem », la réponse que nous avons obtenue est que seul un tronçon de la RN 25, traversant le chef-lieu de la commune d’Ait Yahia Moussa, porte l’appellation « Boulevard Krim Belkacem », sinon, rien d’autre. L’autre association, dénommée Les Amis de Krim Belkacem, souhaite toujours à ce que le lycée d’Ait Yahia Moussa soit baptisé « Lycée Krim Belkacem ». En tout cas, quarante et un ans après son assassinat, la vérité n’a pas encore éclaté. L’histoire retiendra toujours que ce grand homme a été le précurseur de la guerre de libération. Bien avant le déclenchement de la révolution, Krim Belkacem, qui se concertait avec d’autres acteurs du mouvement national, leur disait déjà qu’il avait une armée forte de plus de trois cents hommes. Rappelons qu’il a signé son premier acte de « rébellion » en tirant sur son propre oncle. Et depuis, il était recherché par l’armée coloniale, au point où toute sa famille était persécutée.
Amar Ouramdane