De la mythologie

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Par Abdennour Abdesselam:

IDe son temps Chikh Mohand Oulhoucine était une exception. Voilà pourquoi on a attribué des dimensions mythiques à des faits du Chikh. Mais l’imaginaire, c’est à dire le mythe, est une pratique naturelle de l’espèce et du genre humain. Dans bien des contrées, c’est principalement l’ensemble des mythes, construits sur des faits et des hommes réels ou souhaités, qui ont façonné les éléments constitutifs de beaucoup de civilisations. La civilisation de la Grèce antique est faite de cela. Sur les épreuves surréelles imaginées par Fénelon, Télémaque, le fils d’Ulysse parcourt les pays étrangers à la recherche de son père. L’imaginaire l’a fait accompagner par la déesse Minerve. Homère, dans l’Iliade et l’Odyssée, fait victorieux Ulysse face aux sirènes, au cyclope, au dieu des vents, sous la protection de la déesse Athéna. L’imaginaire d’Homère rend Achille invulnérable grâce à sa mère Thétis qui l’avait trempée dans l’eau magique du Styx, fleuve des enfers, en le tenant par le talon. Homère fait aussi de Minerve la déesse de la sagesse chez les rois. Moise, avec son bâton, ouvre un couloir dans la mer à son peuple alors pourchassé par le pharaon. L’invention des éléments mythiques autour des personnages vrais ou imaginés, devait sans doute servir à alimenter et satisfaire les besoins du moment. Frapper les esprits par l’imaginaire et l’imagination à travers des surréalismes servait aussi à pérenniser des actes et des réalisations, donc l’histoire. Ainsi la mythologie devient un fait de société. Le phénomène ne suggère aucune hiérarchisation des valeurs entre les différentes civilisations humaines. Jaulin dit : «Il n’y a pas de civilisations supérieures, il n’y a que des civilisations différentes». La civilisation kabyle réclame et propose elle aussi sa part de mythologie. Ainsi, bien des actes mythiques ont été construits autour de Chikh Mohand. Nous citerons cette source qu’il aurait fait jaillir d’un rocher avec sa canne et d’où coulaient des pièces d’or plutôt que de l’eau. Le Chikh refuse de ramasser. Il leur préféra plutôt l’eau. En vérité il n’en est rien de la source d’or, ni même du pouvoir qui fait jaillir une source d’eau d’un rocher. La mythique construite autour de la source a ici valeur d’esprit prolifique, de primauté de l’essentiel sur l’accessoire. Il est évident que l’on peut se passer de l’or mais pas de cette source de vie qu’est l’eau. On peut suggérer que dans l’imaginaire populaire, la source d’or symbolisait la somme des dits du Chikh. Naturellement il était la source intarissable du savoir dont la société s’abreuvait.

A. A. ([email protected])

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