De la médiation

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Par Abdennour Abdesselam:

Lorsqu’il est consulté Chikh Mohand n’opte jamais pour des positions tranchées ou expéditives. La coopération, la relativité la tendance à privilégier le compromis, la concession réciproque valaient mieux que les affaires en situation pendante et étalées dans le temps. Il invitait son auditoire à savoir plutôt qu’à croire. Cela nécessitait une précision absolue des mots et donc un usage sécurisant de la langue. Associer des images expressives à des situations données est l’argumentaire que le Chikh puise dans sa constante et permanente contemplation des choses. Pour convaincre une femme qui vient lui demander de l’affranchir de son couple, au motif que son mari était devenu insupportable, le Chikh tente de la raisonner, mais la femme persiste dans sa demande. L’histoire se déroulait en hiver. Le Chikh lui demande d’aller se mettre quelques instants sous un olivier. Lorsqu’elle revint vers lui, il lui dit : as-tu suffisamment contemplé l’olivier ? Oui maître, je l’ai beaucoup contemplé. Qu’as-tu remarqué donc ? J’ai remarqué que les rameaux ont tellement produit d’olives qu’ils sont pendants jusqu’au sol. Alors le Chikh conclura : «Ihi akka a yelli, tasetta tekna f wayen turew» (les rameaux pendent sous le poids de leur fruit), ainsi il en est de nous qui devons résister aux épreuves pour protéger nos enfants. La formule faite de sagesse et de la force du bon sens ramena la femme à la raison. Elle rejoignit son foyer et retrouva ses enfants non sans que le Chikh ne convoqua le mari qu’il raisonna aussi de faire bon ménage dans son foyer, non pas par la force mais en bon père de famille. D’autre part et pour convaincre que l’indivision, la cohabitation ou même l’association forcée sont source de situations conflictuelles, il dira: «Taghwrast mi tetchour tessufugh». (deux essaims d’abeilles ne peuvent cohabiter dans une même ruche). Ramener les protagonistes à cette raison d’évidence qui tire sa justesse et son bon sens d’un fait naturel pour suggérer des solutions de partage amiable par le biais de l’usage de métaphores est le propre du Chikh. Le Chikh accorde et recommande le recours à la négociation qu’il considère comme étant une vertu dans le règlement des conflits. Il dira pour cela: «Ccwal i t-iferrun d awal». Dans un sens similaire, Si Mouhand Oumhand dira :«Awal, i t-iferrun d awal». La poétesse Yemma Khlidja Tamcheddalt (d’Imcheddalen) dira pour sa part : «Mi tekres, tifra-s d awal». Awal étant dans la tradition kabyle la magie de la pensée et de la conception des choses.

A. A. ([email protected])

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