L’Algérie a officiellement inauguré sa saison touristique estivale le 1er juin. Avec la même « officialité », la saison touristique du Sud a été bouclée au mois d’avril dernier.
Et le même cérémonial semble présider, de façon monotone, aux activités censées relever d’une permanence de gestion d’un secteur économique porteur. N’est-ce pas qu’on est bien loin de cette profession de foi de l’ancien ministre du secteur, Chérif Rahmani, qui disait en 2007: « Je tiens à dire que nous ne préparons pas une saison (…) Je ne prépare pas de saison ni de campagne; ce n’est ni mon genre ni ma mission, encore moins ma conviction. Nous voulons mettre en place des stratégies et les mettre en œuvre. Nous préparons l’Algérie comme nouvel entrant dans le tourisme mondial ». La logique administrative, qui s’auto entretient par la méthode « Coué », a malheureusement encore pignon sur rue, cela, au moment où les pouvoirs publics font valoir les études portant sur les zones d’expansion touristique (ZET) dans plusieurs wilayas. Le nombre des ces zones identifiées par l’administration est de 205, réparties sur une superficie de 53 132 hectares. Les ambitions du ministère sont, sans doute, forts modestes au vu de l’immensité du territoire algérien et des atouts touristiques dont la nature l’a dotée. Qu’à cela ne tienne. Mais, même pour cette modeste superficie, les choses ne se présentent pas toujours comme une »lettre à la poste ». La lenteur des études, les litiges fonciers, le déficit d’intégration au niveau local ou régional, font que ces entités peinent à voir le jour, dans leur totalité bien que certaines d’entre elles ont été délimitées, déclarées et classées depuis novembre 1988. Les potentialités touristiques des différentes régions d’Algérie, sont, à chaque occasion (réunions d’exécutifs de wilayas et d’APW, visites de ministres, séminaires et journées d’études,…) répertoriées, ratissées et mises en avant, au point de susciter un intérêt surfait de la presse et des autres médias. Si la période d’insécurité pouvait justifier le manque d’engouement pour un secteur, caractérisé ailleurs, par sa vitalité son mouvement, les échanges humains et culturels qu’il suscite et les recettes qu’il fait engranger, l’indolence du secteur touristique algérien ne date pourtant pas de cette époque. Elle va plus loin et prend racine dans le début de l’économie rentière du pays, lorsque le pétrole semblait »dire » aux touristes: « on se gausse de vos billets et de votre recherche de sensations fortes ou exotiques »! Pour l’ensemble de l’économie algérienne, le mal inaugural a été cette lente, mais sûre, dérive qui a fait prendre au pays une attitude arrogante et hautaine vis-à-vis des valeurs du travail et qui lui a aussi fait perdre la richesse que l’on est censé devoir tirer des échanges et des brassages avec les autres cultures et les autres peuples. L’on s’est, un moment, dit qu’en prenant son autonomie, en tant que secteur à part entière, après être passé par le département de l’Environnement et de l’Aménagement du Territoire, le tourisme allait acquérir ses lettres de noblesse en traçant une stratégie qui réhabiliterait les sites touristiques (historiques, culturels, naturels,…), qu’il se déploierait par la réalisation d’infrastructures et équipements de viabilisation de ces sites, qu’il intégrerait harmonieusement le volet de l’activité artisanale et inciterait à la réalisation de grandes infrastructures de séjour et de restauration (hôtels, auberges,…). Cependant, il se trouve que même le tourisme national (déplacement des Algériens à l’intérieur de leur pays) n’arrive pas à trouver ses marques. Seule la révolution en Tunisie a pu « contenir » les Algériens chez eux en 2011, et apparemment, l’année 2012 se présente sous de meilleurs auspices pour le déplacement vers la Tunisie, d’autant que les besoins du pays en devises sont plus grands que jamais, suite aux perturbations induites par les changements politiques. Chez nous, dès les premières chaleurs de juin, les autorités centrales et locales s’échinent à préparer, dans la précipitation, les plages pour le rush estival. On sait que la saison de cette année sera amputée de la totalité du mois d’août en raison du Ramadhan. Toute la frénésie de l’administration et des élus locaux sera mise à rude épreuve, pendant quelques semaines, pour espérer sauver la face. Or, le cadre général de l’activité touristique, la qualité des prestations et le coût des dépenses y afférentes sont loin de se hisser au niveau de ce qui se pratique dans le monde. Pire, l’on ne connaît de tourisme, et encore, avec ses tares et ses manifestes insuffisances, que celui qui se pratique sur le territoire balnéaire ou sur le désert du Sahara. Ni tourisme de montagne ou lié à d’autres curiosités naturelles, ni tourisme culturel (sites archéologiques ou historiques), ni tourisme urbanistique, qui fait valoir l’esthétique de certaines villes, ne semblent faire partie du lexique algérien inhérent à ce secteur. Ce n’est qu’au cours de l’année 2011 que le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Smaïl Mimoun, a fait part d’une idée « originale », celle tendant à exploiter les berges et les périphéries des grands barrages hydrauliques pour des activités touristiques. Il en a émis le vœu lors d’une visite sur le plan d’eau du barrage de Beni Haroun (wilaya de Mila), un lac géant qui a ses propres berges et qui finira même, dans certains endroits, par établir de petites plages sableuses. Les spécialistes envisagent la possibilité d’y développer le ski nautique, la planche à voile, des espaces ludiques, des forêts récréatives, des espaces verts, des randonnées sur sentiers pédestres…etc. En 2010, la conservation des forêts de Bouira a réalisé dans cette optique, une esquisse d’étude pour le lac du barrage Tilesdit, dans la daïra de Bechloul, qu’elle a remise à la wilaya. Le site du barrage de Taksebt, à Tizi-Ouzou, est lui aussi tout indiqué pour cette activité touristique innovante. Une façon intelligente de canaliser l’engouement anarchique, remarqué actuellement en cet endroit. Ce sont là des initiatives et des idées qui sont censées émaner des autorités locales, des associations de villages et des milieux universitaires de la région. L’ancien ministre du Tourisme, Chérif Rahmani, déclarait, en prévision des assises du Tourisme qui ont eu lieu en 2008: « Il faut s’affranchir de la routine administrative afin de na pas s’enliser dans une démarche bureaucratique qui nous a menés là où nous sommes, et ne pas se perdre dans les polémiques d’écoles ou se gargariser de mots, pour ne pas faire de ces assises des assises alibis. Nous voulons sortir de l’engrenage stupide où tout vient d’en haut, du sommet d’Alger et du ministre ».
Amar Naït Messaoud

