Au service des urgences

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Le pavillon des urgences de l’hôpital Mohamed Boudiaf étant en pleins travaux, les prestations de service sont désormais assurées au niveau de la nouvelle polyclinique Mohand Ameur. 

Le personnel paramédical du service des urgences de l’EPH y a été affecté. Vendredi 10 heures. En cette période de l’année, et comme sans doute dans d’autres établissements hospitaliers, la polyclinique accueille essentiellement des personnes âgées et des enfants : les catégories d’âge les plus vulnérables en cet hiver.  Beaucoup de monde  devant l’un des box des médecins urgentistes. Personne devant les deux autres que compte, du moins structurellement,  le service en question. Un médecin sort justement d’un des deux box. Il est tout de suite interpellé par un accompagnateur d’un malade : « s’il vous plait docteur, j’ai un malade… ». Le médecin l’interrompt : « patientez monsieur, le temps que l’on nous apporte les imprimés d’ordonnances  ».  Une situation des plus effarantes pour un service hospitalier ! Fort heureusement, lesdits imprimés ne tarderont pas à arriver. Le deuxième box prend son service. L’étau est relativement desserré. N’empêche qu’une certaine anarchie s’installe, à cause du « non respect »  de la numérotation du jeton, remis à l’entrée du service, et de l’entêtement des uns et des autres à ne pas céder leur tour. Plus le temps passe, plus les deux box sont pris d’assaut. « Parce que les privés ne travaillent pas le vendredi, tout le monde vient aux urgences. On y vient même pour un banal mal de tête », nous explique Hamid, un agent de sécurité. Altercation entre une dame et un policier. Ce dernier usant de son droit de priorité  s’apprête  à entrer dans le box. Il sera arrêté net par la dame : « vous allez où comme ça ? Nous sommes arrivés avant vous ! ». Le policier essaie de lui expliquer qu’il ne fait qu’user de son droit de priorité. «  Non monsieur, je souffre d’asthme et d’insuffisance rénale ! Vous ne passerez pas avant moi ! ». Intervient alors une troisième personne, vraisemblablement un officier de la police, au fait de la réglementation. Il expliquera au policier que sa priorité s’efface devant de véritables cas d’urgence. Submergé par le flux orienté vers les salles de soins, deux infirmiers ne savent plus où donner de la tête. Ils passent d’une salle  à une autre pour exécuter les ordonnances des médecins urgentistes. « Aujourd’hui nous ne sommes que deux. Le troisième infirmier de service est parti en évacuation », nous explique une infirmière justifiant ainsi la tension qu’elle et son collègue subissent. Même si le sourire ne suit pas, ils assurent tant bien que mal. Il est essentiellement question de séances d’aérosol et  d’injection d’hydrocardinal, prévenant les étranglements et permettant une meilleure respiration. Bébés et personnes âgées sont tout particulièrement soumis à ces séances d’oxygénation. La situation est difficilement gérable pour les infirmiers lorsqu’il s’agit de « piquer » les enfants en bas âge. Mais il n’est pas question seulement de prise en charge de malade souffrant d’infections d’origines virales et domiciliées dans la sphère ORL. Vers 17 heures, un citoyen sous emprise de crise épileptique est admis. Deux de ces accompagnateurs sont à son chevet attendant l’infirmière devant lui injecter du Valium. Cette dernière mettra un peu de temps pour arriver. Le médicament en question était dans une armoire fermée à clé. Le temps de trouver la clé elle revient  avec le  traitement. Panique dans le couloir. Une personne âgée sur une chaise roulante et venant juste de sortir de la salle des soins ne réagit pas. Sa famille est affolée. Elle finit par ouvrir légèrement les yeux. « Elle est juste fatiguée », rassure l’un de ses accompagnateurs.  

18 heures passées. Encore plus de monde. Cris dans les couloirs : un quinquagénaire a chuté à l’entrée de la policlinique. Non, il ne s’est ni évanoui ni retrouvé sous l’emprise d’une quelconque crise. Il  a tout simplement glissé. Cela est semble-t-il fréquent  puisque le parterre, en plus d’être couvert de dalles de sol polies, est légèrement incliné. Le malheureux quinquagénaire hurlera toute sa colère. L’un des citoyens  ne manquera pas de souligner à la victime de la glissade : t’as beaucoup de chances toi : t’es tombé au bon endroit ! ». Sa remarque tirera quelques sourires des présents.  Vers 20 heures,  brouhaha dans le hall de l’établissement. Famille et amis viennent s’enquérir de l’état de santé d’une victime d’un accident de la circulation évacué par les éléments de la protection civile. Quelques instants plus tard, arrivent des éléments de la gendarmerie nationale. Ils sont là pour peaufiner leur rapport, à propos de l’accident de la circulation en question survenu du côté Est de la RN5, nous dit-on. Effervescence autour de l’accidenté. Les patients souffrant du « virus hivernal » passent au second plan. Le brouhaha reprend de plus belle. On entend de gros sanglots : la victime de l’accident de la circulation venait de succomber à ses blessures. On accourt pour consoler les membres de sa famille. Le calme revient aux  environs de 21 heures. Dans les salles de soins, les infirmiers s’activent sans répit, d’un lit à l’autre. Leur tâche se complique lorsque le matériel médical (notamment les bouteilles assurant l’oxygénation) ne répond plus. Sur les sept bouteilles comptabilisées, deux sont défaillantes. Autant dire que plusieurs « laryngités » et autres asthmatiques n’ont d’autre choix que celui de prendre leur mal en patience. Ceci dit, Hamid, l’agent de sécurité vient à la rescousse des infirmiers avec sa pince pour réparer les bouteilles non opérationnelles. Il n’y parviendra pas. Deux jeunes hommes se tiennent, anxieux, au chevet de leur mère. Cette dernière est sous perfusion et n’arrête pas de se plaindre d’un douloureux mal de tête. L’un de ses fils lui caresse le front. Le médecin sort du box  et vient prendre sa tension. Les traits de son visage trahissent son inquiétude.  « achhal (combien), docteur ? », l’interroge l’un des fils. Se forçant à sourire, le médecin répond d’une manière évasive : « elle est élevée». Cependant, et  avant de quitter la salle de soins, il conseille aux deux fils d’emmener leur mère chez un cardiologue. Leurs regards sont inquiets et interrogateurs. Ils ne savent vraisemblablement pas ce que ce mot veut dire. Histoire de leur expliquer ce qu’est un cardiologue et éventuellement leur donner quelques adresses, nous engageons alors la discussion avec eux. Nous apprenons entre autre qu’ils viennent d’un village reculé de la commune de Dirah, commune partageant ses frontières avec la wilaya de M’sila. Nous imaginons un peu la difficulté d’acheminer leur mère, depuis les confins de Bouira jusqu’au chef-lieu de la wilaya.   Minuit passé. Moins de pression sur les box et au niveau du labo des infirmiers. Quatre malades continuent d’être soumis à des séances d’oxygénation. Les blouses blanches trouvent le temps de respirer un peu. L’un des médecins fait le tour des salles de soins. Passée une heure du matin, la polyclinique est quasi vide. Le calme, voire le silence, a supplanté le brouhaha de la journée. Pas pour très longtemps : à tout moment une urgence arriver et interrompre la « pause »    

 S.O.A

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