Comme tous les jours de vote, Tizi a eu un réveil très laborieux. Pas de soleil, pas d’entrain, et rien qui puisse vraiment inciter à sortir de chez soi.Au moment même où la moitié de la ville dormait encore, les 38 centres de vote ouvraient leurs portes. La journée était sensée être historique mais Tizi s’en moquait presque. Après tout, les consultations électorales n’ont jamais été son fort.Il est 8 h du matin. L’immense avenue Abane-Ramdane, déserte et dégarnie, semble comme s’étendre à l’infini. Aucune âme n’ose encore s’y aventurer. Juste quelques véhicules de police sont perceptibles au loin. Aux dernières municipales, à la même heure, cette artère avait déjà pris les allures d’un champ de bataille. Les 4×4 de la BMPJ, on se souvient, étaient contraints de slalomer entre des dizaines d’émeutiers et de se débrouiller comme ils le pouvaient pour pouvoir acheminer les urnes vers les centres de vote. Jeudi, ces scènes ont été définitivement effacées de la mémoire des Tizi-Ouzéens. La ville était beaucoup plus sereine, et beaucoup plus apte à affronter son destin.Dos aux…urnesMais ce destin est toujours incertain. Le scrutin de jeudi ne ressemble en rien à ceux des 10 octobre et 30 mai 2002, mais la ruée vers les urnes n’est toujours pas à l’ordre du jour.Non parce que la population est empêchée de voter mais parce que celle-ci ne veut tout simplement pas voter. A 10 h, les indices de participation sont au plus bas. L’école Takoucht, sise en plein centre-ville, n’a reçu que 39 votants sur ses 1 172 inscrits. L’école Laïmèche-Ali, réservée aux femmes a fait pire : moins de 1 % de taux de participation, et c’est avec un immense dépit que le directeur du centre nous annonce que seules une dizaine de votantes se sont accquitées de leur “devoir constitutionnel” sur les 1 227 inscrites.Pourtant, peu avant la mi-journée, Tizi s’est complètement lâchée au profit d’un beau soleil de novembre. Un soleil furtif, certes, mais suffisamment doux pour convaincre les derniers récalcitrants à abandonner leur refuges familiaux. De fait, les cafés, commencaient à se remplir graduellement. Les places publiques aussi. La ville est devenue plus animée, plus charmante, mais se montre toujours aussi réticente envers le scrutin. Au café du Novelty, les débats sur les élections partielles, leur déroulement et leurs résultats sont sur toutes les lèvres. Mais ils ne sont guère prioritaires. La majorité des jeunes attablés sont plutôt préoccupés par un autre résultat, celui du match opposant l’ASO Chlef à la JSK et que la télévision nationale retransmettra dans quelques minutes. Les pronostics, les commentaires, et la composition probable des deux équipes accaparent les discussions.A Tizi, le vote est important, mais pas plus que le football.
La majorité silencieuseEn début d’après-midi, une statistique émanant des différents centre de vote atteste que plus de 9 Tizi-Ouzéens sur dix ne veulent toujours pas se prononcer sur les élections. Pourtant, l’enjeu est énorme. Il s’agit bien de l’avenir et de la gestion de leur cité. Mais il se trouve que la chose n’est pas perçue avec la même approche. A l’école Laïmèche-Ali, que nous retournons visiter vers 15 h, nous serions presque surpris de savoir que seules 15 votantes ont daigné prendre le chemin des urnes. Le centre Takoucht n’a guère fait mieux, puisque il n’a été visité que par 128 votants. A la Nouvelle-Ville, la tendance est identique. Le centre Doukar, où 7 621 électeurs sont inscrits, on n’en recense que…457 votants ! Au même moment, les services de la DRAG viennent de rendre public un sondage global où il est mentionné que 18 % du demi-million d’inscrits dans la wilaya ont voté. Ce sondage qu’on a curieusement annoncé à 14 h 55 (alors qu’il est censé donner les statistiques de 15 h) contraste violemment avec celui de Tizi-ville. Cette dernière peine, en effet, à réaliser la moitié du taux relevé sur le territoire de la wilaya. Malheureusement pour les candidats, cet état de fait allait dominer jusqu’à la fermeture des bureaux de vote, vers 19 h. Aux premiers dépouillements, il était impossible de dégager une tendance générale, tant les résultats étaient serrés. Au siège de l’APC, les directeurs de centres se bousculent dans la confusion la plus totale pour pouvoir remettre “leurs” urnes et déposer leurs P-V. A 1 h du matin, les résultats sont toujours partiels. Le FFS est donné pour vainqueur, mais il est poursuivi de près par le FLN et les Indépendants. Ce n’est qu’aux coups de 3 h que le verdict tombe : le FFS s’est adjugé 6 sièges, le FLN 5, les Indépendants, le RND et le RCD ont eu 4 sièges chacun. Jeudi, seuls 9 478 Tizi-Ouzéens sur les 72 043 inscrits ont voté. Le taux de participation n’a pas dépassé les 13,16 %.
Ahmed Benabi