Un pamphlet incisif

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Le poète et autodidacte, Boubekeur Bahmane, publiera prochainement, à compte d’auteur, un opus sous le titre « Entre chien et loup ». 

En compulsant les feuilles de cet ouvrage, on a immédiatement l’impression que la lyrique du poète se sustente de la passion d’affirmer des ampleurs ignorées ou mésestimées. Sa prose tire sa substance d’une ardeur destructive dirigée contres des valeurs prêtant à controverse. Visant, sans détours, les tares politiques et sociales de l’Algérie d’aujourd’hui, ces pages évoquent un univers infernal, surpris dans ses contorsions immondes avec une force de critique digne des grands pamphlétaires. L’auteur transforme le pamphlet en grotesque énorme. L’image de la corruption et de la décadence générale tend à dénoncer une présence active du mal dans le monde, un complot qu’il trame sans répit, contre la création, avec une persévérance diabolique. Les représentations de Boubekeur, fondées sur la littérature patriotique orientale, donnent une hallucinante matérialité à ce tableau monstrueux. Le poète dresse un véritable inventaire de l’abjection qui poursuit le mouvement politique et social de notre pays. Il découvre avec une alarme vaticinant, la coalition d’innombrables forces obscures qui, quelque part, dans le noir et l’humidité dans d’horribles grouillements et fermentations purulentes, conspirent contre la vie.  Le dernier chapitre de ce livre, qui en compte cinq, évoque une unité de lémuriens satanique de monde « déchu » qui parodie de façon simiesque la création, rassemble les créateurs, les milieux, les institutions et les actes entrés dans le champ de la diatribe de Boubekeur. Les êtres dont s’occupe notre pamphlétaire, ses « papiers » n’ont qu’en apparence un visage humain.  Ils sont des êtres rampants. On y trouve également un mélancolique évocateur de gestes et de reliques de l’amour, de rencontres et de séparations, sous des bosquets ou au bord de la mer dans une monotone atmosphère d’automne. Nous le reconnaissons, surtout à la musique des accords mourants à peine murmurés.  Chez le poète, le réalisme et le grotesque sont souvent tournés au fantastique. Son imagination débridée déforme le réel, construit des figures monstrueuses ou hybrides.                    

N. Maouche 

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