Le patrimoine traditionnel à l’épreuve de la modernité

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Si le tourisme peut booster l’artisanat, il peut aussi le pervertir, l’éloigner de son standard traditionnel et l’amener à adopter des normes qui lui sont étrangères. Ceci est valable tant pour la bijouterie que pour le tapis, la dinanderie, l’ébénisterie… etc. Prenons l’exemple du bijou d’Ath Yenni ou du tapis d’Ath Hichem, s’il leur reste un brin d’authenticité ils le doivent à l’entêtement de certain (es) artisans qui tiennent au patrimoine artisanal du terroir tel qu’il leur à été légué par leurs aïeux. Des touristes, ou assimilés, commandaient des pièces artisanales en exigeant des fioritures, des couleurs, des formes, le moins que l’on puisse en dire exogènes aux fondements autochtones de ces métiers. Mais d’autres obtempéraient, à leur corps défendant, commercialité oblige, aux demandes de ces clients peu scrupuleux du  respect dû aux canons de ce patrimoine ancestral. Ce qui a eu pour effet de corrompre l’originalité de l’héritage traditionnel, au point où l’on trouve, aujourd’hui, des objets artisanaux qui n’ont plus aucune identité et qu’on désigne, à tort, comme des créations « modernes ». L’innovation a porté un coup mortel au legs ancestral. Et cette tendance, malheureusement, se généralise, en Kabylie notamment, et touche pratiquement tout les secteurs patrimoniaux, qu’ils soient matériels ou immatériels. L’architecture, entre autres, subit l’invasion du béton et s’éloigne, à pas de géant, des structures sociologiques fondatrices du village tel que conçu par les anciens. Les rituels festifs et religieux, itou. Ils succombent sous les coups de boutoirs des prosélytismes multiconfessionnels et des tendances pseudo-novatrices qui en redéfinissent les contours, à la en veux-tu en voilà. Même le folklore, au-delà de la vision passéiste, péjorative et réductrice qu’ont certains de cette notion, pourtant hautement rivée à l’essence même de nos traditions, se trouve également accablé par le nivellement par le bas. Alors qu’il devrait être l’alpha et l’oméga de l’expression d’une société. En fait, la problématique patrimoniale ne peut être prise en charge par la société qui la revendique que lorsque cette même société se rend à l’évidence de son caractère éminemment culturel, social et anthropologique, et le prend, à bras le corps, pour le perpétuer. C’est là la condition sine-qua-non de la survie identitaire. Tout le reste n’est que palabres et démagogie.

Sadek A.H.

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