La qualité des constructions en Algérie est souvent décriée. D’ailleurs, la catastrophe du séisme de Boumerdès en 2003 est toujours dans les mémoires, surtout à travers les images des bâtisses qui se sont effondrées comme des châteaux de cartes. Pour rappel, au lendemain de ce séisme, les architectes ont été pointés du doigt. Onze ans plus tard, la problématique de la qualité de la construction se pose toujours. À cet effet, les architectes de Bouira ont organisé avant-hier, au niveau du CNLST de Tikjda, une journée d’étude portant sur « Le mal de la non-qualité des constructions ». Tout d’abord, les participants ont voulu définir le cadre juridique de leur profession et les règles régissant cette dernière, afin de contribuer à l’amélioration de l’architecture urbaine. Ces textes sont « La loi 90-26 du 18/11/90 d’orientation foncière qui introduit la notion d’espace vert et de parc sur les terrains urbanisable, le texte 90-29 du 1/12/90 sur les aménagements urbains, les PDAU (art 16 et suivants) et les POS (art 31 et suivants) ainsi que sur les différents actes administratifs ; Le certificat d’urbanisme, les différent permis pour lotissement, construction et démolition, certificat de conformité ainsi que la loi n°86-07 du 4/03/86 relative à la promotion immobilière, et enfin, la loi 94-07 du 18/05/1994 sur l’architecture et l’exercice de la profession d’architecte (Maîtrise d’œuvre architecturale). Par la suite, c’est M. Mourad Ouchichi, enseignant à l’université de Béjaïa, qui prendra la parole afin d’expliquer le rôle de l’économie et les structures de l’Etat en général, dans l’édification de constructions répondant aux normes universelles. « La non-qualité des constructions est un risque sur les vies humaines », lancera d’emblée ce doctorant. S’agissant de l’économie institutionnelle, cette dernière est, selon ce spécialiste, une combinaison des institutions formelles et informelles. « Cette économie ou ces institutions connaissent des ruptures », a-t-il indiqué. Avant de nuancer ces propos, en expliquant que dans le cas de la qualité des constructions, cette
«La rupture» n’a pas eu lieu.
« Un travail de fond doit être fait » Par la suite, c’était au tour de M. Akli Amrouche, architecte, urbaniste et également directeur de la revue « Vies de villes », d’établir un diagnostic de la situation. D’après M. Amrouche, l’espace public est un véritable baromètre de la qualité de vie en ville. Il se compose principalement de six éléments : Le sous-sol, le sol, les signes du déplacement, le mobilier urbain, l’espace vert et l’éclairage public. Pour le premier élément, à savoir le sous-sol, l’intervenant indiquera qu’ « avant de travailler la surface, il faut bien entendu régler l’ensemble des réseaux. Les voiries urbaines sont des canaux d’irrigation pour les flux piétons et mécaniques qui contiennent des commerces, des services et surtout des réseaux divers, comme les fibres optiques, câbles téléphoniques, télé électricité gaz, eau, réseaux d’égouts, eaux pluviales, réseau incendie et les réseaux électriques de l’éclairage urbain. Il s’agit des viabilités nécessaires à la vie moderne ». Et d’ajouter : « La difficulté dans le fait de faire travailler tout ce beau monde ensemble, sur des projets urbains communs à tous, bien entendu, il faut d’abord que ces projets existent. Car, pour se mettre en situation de projet, il faut un moteur, un maître d’ouvrage exigeant qui sait ce qu’il veut ». Pour le sol, l’orateur notera que le choix du terrain ne devrait pas être arbitraire. « Seule une logique urbanistique passant par la maîtrise de la circulation et la mise en valeur des formes urbaines permettra de choisir et de s’orienter parmi les notions de confort, d’aménagements durables, de coût et de perception visuelle. Les choix auront, certainement, des répercussions sur le vécu de l’espace. Si l’on prend comme exemple les centres villes denses, l’on peut se fixer comme objectif de réduire l’emprise de l’automobile et de modérer la vitesse du trafic. A ce niveau, l’on agit d’abord directement sur les fonctionnalités : sécurité accrue, moins de bruit, moins de pollution… L’on agit aussi sur l’usage mixte de ces espaces, surtout au niveau des places ou des quartiers animés qui seront mieux valorisés et auront certainement une meilleure lisibilité ». Concernant les signes du déplacement ou les plaques de signalisation, cet urbaniste soulignera le fait qu’une prise de conscience s’impose. « Une réflexion s’impose à propos des signes du déplacement que tout espace public doit contenir, de manière implicite ou explicite, pour que la circulation s’y organise. Ces signes interagissent avec toute une série de règles de comportements, des tolérances et des rapports de force essentiellement arbitrés par le code de la route (…) Ce dernier, le code de la route, s’accompagne de tout un corps de pratiques, d’objets standardisés, de dimensionnement, de marques au sol, de panneaux, de feux, de matériaux étrangers à l’art urbain. Par conséquent, comment intégrer ces éléments sans contrarier l’espace public ? » s’est-il interrogé. À propos du mobilier urbain et les plantations ainsi que l’éclairage public, cet expert a parlé des critères d’ « homogénéité et de symbiose » qui doivent être pris en compte. Autant de « maux », selon M. Amrouche, doivent être pris en charge et des solutions adéquates doivent être mises en place. Parmi les solutions préconisées par cet architecte, on citera « la cohérence d’ensemble qui doit s’imposer dans l’articulation entre différents modes de réflexion et d’action, la modernité et l’audace, la création des liens étroits entre la qualité architecturale et urbaine et l’approche sociale qui doivent être affirmés, le partenariat public-privé dans le cadre d’un partenariat gagnant gagnant ». Et de conclure en indiquant qu’ « un travail de fond doit se faire pour ne plus retomber dans les travers du passé ». De son côté M. Noureddine Ait Yahiatene, président du Comité local de l’ordre des architectes (CLOA), expliquera le concept de la haute qualité environnementale (HQE). D’après M. Ait Yahiatene, le HQE repose sur deux principes fondamentaux, à savoir la construction, l’entretien et l’usage de tout bâtiment que la HQE tentera de réduire ou de compenser, au-delà de ce que demande la loi et en visant la performance maximale pour au moins trois cibles dites « prioritaires ». L’économie d’un projet de construction HQE est, donc, appréhendée sous l’angle du coût global. Elle tient compte à la fois de l’investissement et du fonctionnement. Pour le second principe, il s’agit du principe des cibles qui est lié à la démarche qualité. La cible est atteinte si dans le domaine concerné le niveau relatif de performance est égal à celui du meilleur projet connu au même moment. Après un long débat, l’association HQE a admis que toutes les cibles pouvaient ne pas être traitées en visant le maximum de performance, ce qui aurait, pour des raisons de coût initial, mis la HQE hors de portée des petits budgets.
Ramdane B.