À Bab El Oued, fief du Mouloudia

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Décidément, il n’y a que le football qui donne des couleurs à la capitale.

La ville qui, habituellement, baisse rideau à partir de 18h, veille, actuellement, tard dans la nuit, aux sons des klaxons et des chansons de la galerie mouloudéenne, nombreuse dans ce quartier mythique de Bab El Oued. Hmida, l’insouciance en bandoulière et des rêves plein la tête, passe, à Bab El Oued qui l’a vu naître, pour un mordu du Mouloudia. Il ne rate jamais un match de son club. Il lit toute la presse spécialisée et est ainsi informé du moindre détail. Mais à quelques jours de cette finale face à la JSK, Hmida est anxieux. Il nous a avoué que pour une fois, il n’ira pas au stade. «Je préfère le voir avec des amis, sur grand écran. Ce qui est sûr, c’est que nous allons faire la fête avant et après le match», dira-t-il. En réalité cet «certitude» de voir le capitaine Hadj Bougueche brandir le trophée relève plus du chauvinisme que d’autre chose. «Comme penserait tout chauvin qui se respecte, c’est le Mouloudia qui va brandir la coupe», déclare-t-il. Voilà qui est dit ! Mais Hmida n’est pas un cas isolé à Bab El Oued. Ils sont des milliers à épouser les mêmes thèses et à afficher les mêmes attitudes. Omar, la trentaine, taxieur de son état, est, lui, par contre, plutôt modéré dans ses paroles, même s’il avoue qu’à la maison, les avis sont partagés : «Mon père est Kabyle, il est de Tirmitine, et ma mère est Sétifienne, mais ya kho, le Mouloudia coule dans mes veines», nous a-t-il asséné durant le trajet qui nous menait vers cette cité populaire qu’est Bab El Oued. Pour Omar, qui ne fréquente plus les stades depuis le fameux accident qui a coûté la vie à deux supporters au stade du 5 Juillet, il ne s’agit que d’un match de football. «De tout temps, les derbys entre le Mouloudia et la JSK ont toujours drainé les grandes foules, dans une ambiance bonne et jamais malsaine. D’ailleurs, les relations entre les deux clubs ont toujours été au top», nous a-t-il indiqué tout en ajustant, à l’intérieur du véhicule, le cache de son plafonnier, signifiant qu’il entend nous déposer et rentrer chez lui à Baïnem après une journée «harassante mais néanmoins bonne». A Baïnem, nous apprend Omar, «la JSK a de nombreux supporters et les ruelles sont ornées de drapeaux des deux clubs, mais avec un léger ascendant pour les Jaune et Verts».

Samedi, 18h 35, Bab El Oued peinte en Vert et Rouge

Pour un quidam de passage à Bab El Oued, en cette après-midi de samedi, il est impossible de reléguer le foot et cette finale face à la JSK au second plan, pour la simple raison que la cité s’attribue le titre de quartier général du vieux club algérois, et ce, même quand l’adversaire est l’USMA. «C’est ainsi depuis toujours», nous a indiqué notre taxieur, avant de nous déposer, en toute hâte, craignant que des clients ne le harcèlent. Notre virée dans un café de la place pour prendre la température de cette ambiance haute en couleurs, nous a conforté dans cette certitude que Bab El Oued est véritablement le fief du Doyen. Saïd, 34 ans, gérant de café éprouvait du plaisir à s’exprimer, surtout après qu’on ait décliné notre profession. «Vous savez, les matchs ne se ressemblent jamais, surtout les finales. La preuve, la saison dernière, nous avions dominé l’USMA de bout en bout et, à la fin, c’est elle qui a brandi le trophée sur un petit détail. Donc, on ne doit pas dire que la JSK va perdre contre nous après sa défaite contre le RCA. Je sais que ça sera un match très serré et que ça va se jouer sur un petit détail», a-t-il indiqué devant son père qui acquiesçait. Si les propos de Saïd sont, faut-il le reconnaître, saupoudrés de sagesse, Sid- Ali, de son côté la quarantaine bien entamée, attablé non loin de là s’est plutôt voulu philosophe. À une question à propos de la finale de ce jeudi, sa réponse fut aussi claire que longue : «Ce sera difficile pour les deux équipes. Même si la JSK a tout récemment gagné sur un score lourd face au Mouloudia, je ne pense pas que les Canaris auront un ascendant psychologique, car la motivation sur un match et, surtout, dans une finale sera tout à fait différente pour les deux équipes». Et d’ajouter : «Ce sera donc serré et ça se jouera sur de petits détails».

“ Rééditer la finale du championnat 1999 à Zabana ”

Et de nous remémorer le fameux match entre les deux clubs, en finale du championnat en 1999 : «Rappelez-vous la finale du championnat en 1999, le match était très équilibré et serré. Sur une balle presque anodine, le gardien de la JSK avait relâché le ballon et Rahmouni était là avec beaucoup de chance pour nous donner le but de la victoire».

Pour Sid Ali, en dehors de toute cette agitation autour d’un match, son souhait est d’assister à un beau spectacle. «Moi, je souhaite voir une belle finale, à la hauteur de la réputation de ces deux grands clubs. Et que le meilleur gagne!”.

“Le stade du 5 juillet est le plus indiqué pour cette rencontre”

Enfin, s’il est admis que les supporters du Doyen sont presque unanimes à avancer que cette fois-ci, le Mouloudia brandira le trophée, certains regrettent que le match ne se joue pas au stade du 5 juillet. Slimane, un taxieur clandestin qui assure la navette Bab El Oued- Tafoura, le stade du 5 Juillet est le plus indiqué pour ce type de rencontres. «Ya kho! Le stade Tchaker de Blida est petit pour deux grands clubs que sont le Mouloudia d’Alger et la JS Kabylie. Une seule de ces deux équipes remplirait, tôt le matin, les gradins. Dommage que le temple du 5 juillet soit en travaux, sinon, ça aurait été la totale», a-t-il indiqué avec un clin d’oeil qui ne trompe pas sur son caractère chauvin, comme il en existe des milliers comme lui dans ce quartier populaire de la capitale.

Ferhat Zafane

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