Mais quelle fête pour ces victimes de la misère et des couples déchirés ?

Partager

De par le monde, elle revient chaque année. La fête de l’enfant a fini par s’incruster, aussi, dans l’univers algérien.

Elle a tendance même à prendre une bonne place, au vu des programmes mis en œuvre à chaque anniversaire. Le jour protocolaire, on a tendance même à faire des enfants de petits rois : Ils sont à l’honneur partout. Au sud, au nord, à la télé dans la rue, au théâtre du coin, à l’école, chez les associations… Il est arrivé même qu’on leur ouvre les portes de l’Assemblée nationale ! Bref, ce sont les vedettes du jour. Mais sont-ils vraiment tous concernés ? Qu’en est-il de leur situation avant et après cette furtive pensée annuelle ? La réalité est qu’une certaine frange de ces enfants reste victime de la société et d’une situation dont elle n’est guère responsable. En effet, comme tous les petits ne sortent pas la tête en premier, il s’en trouve aussi des milliers qui n’ont pas cette chance de naître dans une famille aisée, ou encore chez des parents où amour et bonheur sont en perpétuel renouvellement. Et oui ! Tous les enfants n’ont pas forcément la chance d’avoir un papa.  Les temps changent ! Les humeurs aussi. L’amour passe alors pour du bla-bla. Et la routine est parfois fatale. Forcément, les mômes pâtissent de cet amour à la date de péremption dépassée.  Il y a aussi ces enfants, fruits de liaisons bestiales à courtes durées joyeuses. On finit souvent par en avoir honte. Ils sont présentés comme des « accidents » d’unions illégitimes. Mais ils sont là. Ce sont généralement ceux qui en souffrent le plus. Les mieux lotis ont un père qui les reconnaît. Le reste est déclaré né sous X. Les sujets mis au monde héritent alors d’une vie au goût amer. Les plus épargnés sont alors ceux qui sont soustraits à la délinquance, placés et pris en charge dans des foyers d’accueils. Mais privés de cette vraie chaleur familiale qui leur aurait apporté un meilleur équilibre et un bien-être, ils n’évoluent souvent pas comme tous les autres enfants entourés et chouchoutés… Heureusement, ils ne constituent pas la majorité même s’ils sont nombreux. Le calvaire des enfants issus des couples en difficulté et de milieux défavorisés n’est pas moindre.

Des bouts d’hommes de 25kgs, seuls face aux péripéties de la vie…

La courbe est regrettablement ascendante chez ces gamins victimes de la misère sociale, de la disparition de la couche moyenne, comme de la prolifération des problèmes conjugaux. C’est un peu l’effet de la baguette de pain qui est passée à dix dinars, le sachet en lait à près de trente dinars, alors que le salaire moyen d’un travailleur ne suffit même pas, parfois, à couvrir les frais d’un examen médical approfondi…  Aussi paradoxal que cela puisse paraître, tout ceci ne semble pas retenir les mâles de multiplier leurs soucis en remplissant le livret de famille. Difficile du reste, dans un environnement où on n’a que les dominos, le foot à la télé et sa femme pour se distraire… Les conséquences d’après sont toutefois lourdes. Et le portefeuille ouvert aux quatre vents ne pourra pas y faire face. Avec le trousseau d’un nouveau-né à une moyenne de cinq mille dinars, un sac à dos à cinq cents dinars et plus, un simple stylo à plume à cent dinars… Pas du tout évident dans ce cas d’assurer la scolarité voire l’éducation, aux petits. La rue devient alors presque une option naturelle pour eux. Les plus adroits sont vite mis à contribution pour subvenir aux besoins de la famille. Si ce n’est pas à la demande des parents, c’est en tous les cas avec leur consentement. Les enfants sont même parfois jetés en pâture aux pires dangers où ils flirtent avec la mort. Comme c’est le cas pour ces bambins qui s’improvisent vendeurs de galettes sur les autoroutes…  Ce n’est certainement pas de gaieté de cœur qu’une maman risque la vie de sa progéniture pour quelques dinars, mais elles sont nombreuses à y avoir recours pour arrondir les fins de mois. La population de ces petits ados, contraints de quitter les bancs de l’école pour rejoindre le monde du travail, a même tendance à s’élargir de plus en plus. Le fait ne passe même plus pour un tabou. Ils sont dans les champs, dans les manufactures, dans les marchés et parfois même dans le bâtiment. Ce ne sont que des bouts d’hommes, n’excédant parfois pas trente kilos, mais on les retrouve face aux travaux les plus pénibles. C’est l’amère réalité : les enfants exploités, ce n’est pas qu’en Inde ou au Bangladesh… Le phénomène a atteint l’Algérie. La Kabylie ne fait pas exception non plus. Ca ne surprend, en effet, plus personne de croiser un petit dont les jambes étirées comme un élastique arrivent difficilement aux pédales de commandes, au volant d’un tracteur. Et ce n’est pas réservé à un village. Ils n’ont bien sûr ni la force, ni la corpulence, encore moins le permis. Mais les parents qui devraient en ressentir une certaine gêne en tirent au contraire une fierté déplacée… inconscience quand tu nous tiens ! Pour les chérubins, quand ils échappent au danger immédiat, les conséquences physiques de ces efforts, loin d’être à leur portée, ne sont jamais loin. Leur croissance physique, morale, et même mentale en prend souvent un coup. Une autre catégorie, qui se retrouve livrée à la délinquance par la faute de parents irresponsables, encore unis ou séparés, subit elle le coup de plein fouet. On les appelle les petits délinquants. Ils commencent par, généralement, apprendre les gros mots, comment tirer dans une cigarette, rouler une boule de chique, oser de petits vols à la sauvette, avant de passer, avec l’âge, à sniffer « la farine », puis au crime organisé… Les uns comme les autres, du 1er juin, ces enfants n’en ont sans doute rien à cirer !

Djaffar Chilab.

Partager