Cher, très cher le mouton !

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À l’approche de la fête de l’Aïd, le mouton reste toujours inaccessible pour les petites bourses.

Dans la localité de Chemini, les rares maquignons, ayant élu domicile au cœur du chef-lieu de la commune, sont confinés dans un espace infinitésimal, adjacent au siège de l’ancienne Kasma, où un «marché à la sauvette» est improvisé l’espace de quelques jours. Une centaine de têtes du cheptel ovin est proposée aux habitants par lesdits marchands, allant du moyen au plus grand mouton. En l’absence du marché hebdomadaire, les autorités locales ont acquiescé d’organiser ce marché improvisé afin de permettre aux maquignons de la région de vendre leurs bêtes. Les éléments de la sûreté de daïra ont sommé les vendeurs de ne pas occuper les abords de la principale artère traversant le chef-lieu de bout en bout, dès lors, la circulation ne risque pas de se congestionner par un flux de potentiels acheteurs. L’arrivée de la fête du sacrifice est synonyme de bonnes affaires pour certains fellahs de la région, ayant comme unique ressource leurs maigres cheptels. Comme les années précédentes, la spéculation entoure la filière ovine, d’autant plus que la fièvre aphteuse s’est invitée par « effraction » pour reprendre sensiblement du poil de la bête. Les prix s’envolent à quelques jours de l’Aïd El-Kebir au grand dam des familles aux revenus modestes. La fourchette des prix proposés varie entre 32 000 et 60 000 DA, une somme jugée dispendieuse aux yeux de quelques acheteurs que nous avons rencontrés sur les différents marchés de la région. «On ne peut s’offrir le luxe d’acheter un mouton à 50 000 DA et même si des bêtes sont cédées à 30 000 DA, on n’aura rien à se mettre sous la dent avec un agnelet pareil», ironise Ahmed, père de famille. Bon nombre de consommateurs hésitent à s’engager dans l’achat d’un mouton, qui peut s’avérer un sacrifice de leur budget avant d’être un sacrifie pour l’Aïd El-Adha. «Avec l’érosion de notre pouvoir d’achat et par-dessus toutes l’imminente fièvre aphteuse qui plane comme un couperet, il vaut mieux s’abstenir de sacrifier un mouton que de se retrouver grever de dettes», avoue sans ambages Salim, agent de sécurité.  Les prix exorbitants du cheptel ovin dépassent tout entendement cette année, mais les maquignons rétorquent par d’autres arguments, entre autres la sécheresse ayant amplement affecté les récoltes cette saison, idem pour le prix de leur alimentation qui ne cesse d’augmenter crescendo. La fermeture des marchés hebdomadaires, suite à l’apparition de la fièvre aphteuse, n’est pas en reste, d’autant plus que le manque à gagner s’est fortement resserré à telle enseigne que des professionnels de la filière ovine songent à changer carrément d’activité. Pour le citoyen lambda, une virée au marché est souvent synonyme de casse-tête chinois. Entre bonne foi, égayement de la progéniture et le maigre budget, les fidèles sont contraints de résoudre une équation à plusieurs variantes. On se sent désemparé dès que les fêtes religieuses pointent leur nez. «Ces dernières années, je fais une impasse sur ces dépenses que je ne peux honorer», dixit un retraité de passage au marché hebdomadaire d’Akbou. Dans d’autres marchés hebdomadaires que nous avons visités, les moutons se comptent par centaines de têtes, mais ces importants effectifs ne contribuent pas à fléchir les prix pouvant permettre aux fidèles musulmans, confrontés à des dépenses incommensurables, de s’acquitter du sacrifice d’Abraham. Les dépenses ostentatoires occasionnées par le ramadhan, l’Aïd et la rentrée scolaire ne sont pas sans conséquence sur le moral, déjà à zéro, des milliers de familles algériennes, réduites à la paupérisation. Par ailleurs, chacun tente de se renvoyer la balle. Les vendeurs, les acheteurs et les pouvoirs publics tentent, chacun à sa manière, de se justifier quant à la flambée des prix du mouton. En dépit des assurances du ministère de l’agriculture, arguant que la production nationale est largement suffisante pour répondre à la demande, les consommateurs se sentent aux abois à l’idée de s’acheter un mouton. Argument peut convainquant de l’avis des professionnels du métier, qui estiment que l’offre est loin de répondre à une demande croissante pour le cheptel ovin. Sinon, comment expliquer la courbe ascendante du prix du mouton ? Cela dure depuis des années sans que les pouvoirs publics n’arrivent à endiguer cette frénésie relative à la filière ovine. Au rythme où vont les prix du cheptel ovin, mirobolants et invraisemblables à la fois, beaucoup de familles vont être saignées à blanc cette année encore, au risque de déroger à ce rite religieux, gardé jalousement comme à la prunelle de leurs yeux.

Bachir Djaider

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