Le gisement des lecteurs se tarit

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La situation du livre et de la lecture n’occupe pas une place enviable auprès d’une population qui vaque à d’autres «centres d’intérêt». Moult interrogations restent suspendues quant à l’intérêt que portent les divers promoteurs, producteurs et utilisateurs au livre, et ce, à travers les structures de son édition, de sa diffusion et de sa communication. La production littéraire, même si elle est prolifique, le lectorat semble ne pas être emballé à l’idée de débourser de l’argent pour l’achat de livres. Les bibliothèques bien achalandées n’attirent pas autant de monde que d’autres enseignes comme les épiceries ou magasins de vêtements. Tant que le livre est considéré comme un produit commercial à part entière, ce dernier ne peut trouver sa place auprès d’un lectorat qui se fait de moins en moins rare. Les éditeurs, premier rouage de l’industrie du livre, tentent d’interpeller les autorités compétentes quant à l’urgence de revoir la politique régissant le livre d’une manière générale. Le projet de loi sur le livre, adopté par le conseil des ministres il y a tout juste un an, n’est pas encore au stade d’application ou de la mise en œuvre réelle de ladite loi. Les professionnels du livre s’impatientent de voir cette loi prendre forme et «décadenasser» tout ce qui bride le développement de l’industrie du livre, et par ricochet, donner un nouveau souffle à la littérature. C’est dans ce sens que les autorités compétentes se doivent d’impulser une véritable politique du livre. Ce support de papier est souvent dévalorisé voire négligé par les pouvoirs publics qui n’accordent pas crédits à cet élément indispensable dans l’instruction et la construction de l’individu. «Le livre est, avant tout, un texte, c’est sa raison d’être. Il a été longtemps le principal, voire l’unique moyen de diffusion et de conservation des connaissances ; aussi, participe-t-il profondément à l’histoire de la civilisation et de la culture», disait Albert Labarre (bibliothécaire et auteur de plusieurs ouvrages). Il reste néanmoins que le fossé se creuse davantage entre l’auteur et un lectorat qui se fait désirer ces dernières années. «La lecture est le parent pauvre de la culture en Algérie. Il faut inculquer l’amour du livre à nos enfants dès leur plus jeune âge, dont l’école doit relayer cet élan pour en faire de futurs boulimiques de lecture, et peut être de futurs auteurs», nous dira un éditeur que nous avons rencontré au Salon du livre à Béjaïa. Et d’ajouter : «On ne peut se présenter comme un bonimenteur de foire. Le livre n’a pas qu’une valeur commerciale, mais, au contraire, il participe à l’instruction et au développement des capacités intellectuelles du lecteur». L’activité de la lecture en Algérie est en hibernation totale, d’autant plus que l’école ne favorise pas et/ou n’encourage pas les élèves à lire par ambition et non pas par obligation. Hormis le livre parascolaire venant en tête des ventes des livres en Algérie, le roman et les livres scientifiques restent loin derrière. Le désert culturel criant ne présage pas d’un bon avenir pour le livre, d’autant plus que les lecteurs ne se bousculent pas au portillon des librairies et bibliothèques. Toutefois, la production du livre reste parsemée d’embûches et d’écueils, à en juger les propos des éditeurs ayant pris part au troisième Salon du livre à Béjaïa. L’épineux problème de la diffusion reste de loin un obstacle majeur dans l’univers du livre, décourageant souvent les jeunes auteurs à «s’aventurer» dans la littérature, car, souvent, ils se trouvent confrontés à de réelles difficultés de se faire connaître et d’avoir une place dans les étals. La tâche se corse davantage pour les auteurs venus des wilayas autres que la capitale Alger. «Il faut que les médias jouent le jeu et mettent en valeur les jeunes talents qui souffrent le martyre dès qu’ils mettent le premier pas dans le monde du livre. La promotion est une condition sine qua non pour booster de l’avant les jeunes auteurs», avoue tout de go un jeune écrivain, originaire de Darguina. Au demeurant, certains professionnels du livre imputent ce net recul de la lecture à la baisse du niveau scolaire et universitaire, tiré au bas depuis plus de trois décennies. Il ne faut pas s’étonner de ce déclin criard. Nos bibliothèques sont désertées à telle enseigne que la poussière s’y entasse à cœur joie», ironise un jeune universitaire. Et à son camarade d’ajouter : «Mikhail Nouâaima disait : quand la bibliothèque sera une nécessité tout comme le lit, la table, les chaises et la cuisine, c’est seulement à ce moment-là que nous pourrons dire que nous somme des gens civilisés».

Bachir Djaider

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