«L’avenir est prometteur»

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Dans cet entretien, la directrice de la Maison de la culture Taos Amrouche de Béjaïa, dresse le bilan des activités de l’institution qu’elle dirige et revient sur les événements phares qu’a abrités la Maison de la culture durant l’année 2014.

La Dépêche de Kabylie : Madame Gaoua, nous sommes à la fin de l’année 2014, quel est le bilan que vous pouvez faire des activités de la Maison de la culture de Béjaïa durant cette année ?

Salima Gaoua : L’année a été très riche en événements culturels de toutes sortes. La Maison de la culture a deux missions principales. La première est pédagogique. Elle abrite en son sein plusieurs ateliers : danse, musique, théâtre, dessin,… malgré le manque de moyens, nous les avons ouverts pour répondre à la demande des adhérents qui sont nombreux à y participer. Nous avons également une bibliothèque qui a un fonds très riche. Elle est ouverte sept jours sur sept, et pendant les périodes d’examens scolaires et universitaires ; elle reste ouverte jusqu’à 21h pour permettre aux adhérents de travailler ensemble à leurs recherches et préparation d’examens. Le deuxième volet concerne la promotion et la découverte de jeunes talents, au travers de l’organisation de pièces de théâtres, de spectacles, d’expositions, etc. Nous travaillons également à la découverte et la promotion des femmes artistes, y compris celles qui restent à la maison, les femmes au foyer. La célébration de la journée du 8 mars a duré 10 jours et nous avons eu plus de quatre-vingt femmes qui y ont participé. Quatre-vingt pour cent d’entre elles étaient des femmes au foyer. Les femmes se sentent plus à l’aise à la Maison de la culture, et à présent, je reçois déjà des demandes de participation aux prochains événements que nous allons organiser pour le huit mars. Ces femmes viennent à la Maison de la culture malgré le fait qu’elles ne sortent pas d’habitude. On communique très bien, et sincèrement, nous avons donné une chance aux femmes de s’exprimer et on a ainsi découvert beaucoup de femmes artistes qui seraient restées dans l’ombre sans cette opportunité. Elles sont désormais présentes à toutes les manifestations que nous organisons. Que ce soit Yennayer ou les fêtes religieuses, elles sont toujours présentes. Beaucoup d’entre elles sont devenues adhérentes à la Maison de la culture. Elles participent aussi aux activités que nous organisons pour les enfants, particulièrement lors des vacances scolaires, les week-ends et les mardis après-midi. Elles participent également aux conférences pédagogiques qui sont données pour aider les parents à accompagner leurs enfants dans leur scolarité. Conférences données par des sociologues, psychologues profs d’universités et pédagogues.

Justement, la Maison de la culture a abrité ou a organisé cette année, plusieurs types de colloques et de conférences scientifiques. Un mot à ce propos ?

Nous avons abrité des colloques sur le patrimoine kabyle. Le HCA (Haut Commissariat à l’Amazighité) a organisé deux colloques de haut niveau sur le patrimoine kabyle ici. Nous avons signé une convention de partenariat entre la Maison de la culture et le HCA, représenté par Monsieur Assad, qui est son Secrétaire Général, permettant ainsi l’organisation de plusieurs événements pour les prochaines années. Cela nous a aussi permis de participer avec le HCA à des manifestations qui se sont déroulées dans d’autres wilayas. Dernièrement, nous avons également accueilli un colloque scientifique international sur le patrimoine musical de la Kabylie, organisé par le Centre National de Recherches sur l’Histoire, l’Anthropologie et la Préhistoire. Comme nous avons été partenaires du Festival International du Théâtre de Béjaïa, en accueillant plusieurs pièces théâtrales qui ont été présentées au public au niveau des deux salles de spectacle de la Maison de la culture. Récemment, nous avons signé des conventions avec nos homologues de Djanet, Illizi et Ghardaïa pour organiser des manifestations et échanges culturels avec ces régions ici chez nous, et d’envoyer nos artistes organiser aussi des manifestations dans ces wilayas. Nous allons recevoir les gens de Djanet en juin prochain, et nous nous déplacerons chez eux à la rentrée prochaine.

Mais vous avez aussi organisé des Festivals cette année…

Bien sûr. Chaque année, nous organisons le Festival de la musique et de la chanson kabyles. Cette année, au mois d’août, nous avons externalisé un certain nombre de spectacles que nous avons présentés dans neuf autres communes de la wilaya de Béjaïa, ainsi qu’à Boumerdès et Tizi-Ouzou. Il y a eu cent trente chanteurs qui ont participé à ce Festival, dont Kamel Hammadi en est le parrain. Il assure une présence fréquente, pas seulement lors du Festival lui-même, mais aussi lors des prés sélections et sélections. Il s’investit lui-même. Il est généreux de sa personne, de ses connaissances et de sa présence, et malgré son âge, il s’investit énormément dans la découverte et la promotion des jeunes talents. Nous avons l’exemple des Trois sœurs qu’on appelle « les anges ». Elles interprètent les chansons de Djurdjura. Elles ont le physique et la voix qu’il faut, et kamel Hammadi a annoncé qu’il allait venir lui-même les encadrer. Cet homme est un trésor.

On a l’impression que la Maison de la culture déborde de son périmètre strict pour s’investir sur d’autres lieux, qu’en pensez-vous ?

Les besoins en matière de culture sont nombreux et la demande est pressante. Les artistes sont demandeurs d’espaces et moyens d’expression, et la Maison de la culture se doit de répondre à cette demande. C’est sa vocation même d’être au service des artistes et des femmes et hommes de culture. 

Il existe d’autres Maisons de la culture dans d’autres communes de la wilaya. Quels rapports entretenez-vous avec elles ?

Il existe en effet plusieurs centres culturels dans plusieurs communes. Nous travaillons à coordonner nos actions et à nous entre-aider. Peut-être aboutirons-nous à créer une sorte d’organisation qui permettra de mieux exploiter les potentialités des uns et des autres, pour améliorer la qualité de l’offre culturelle que nous devons au public.

Rappelons qu’au mois d’avril dernier, la Maison de la culture a connu un incendie…

C’était un événement triste. Nous avons perdu énormément de nos moyens lors de cet incendie. Les ateliers pédagogiques, les matériels pédagogiques, les livres, les ordinateurs. Ça a été un coup très dur. Toutefois, nous avons repris courage et avons réussi à reprendre le dessus. Le ministère de la Culture a débloqué un budget qui nous a permis de relancer nos activités et vous avez vu que nous sommes redevenus opérationnels.

Vous avez récemment organisé des activités diamétralement opposées 

Il y a un manque d’espaces d’exposition à Béjaïa. La Maison de la culture répond favorablement aux demandes à chaque fois que possible. En effet, nous avons accueilli une exposition et des conférences sur la figue, comme richesse régionale et nationale, nous avons organisé une exposition-vente de livres et nous avons également, et c’est important de le souligner, fait appel à Nazim Souissi qui a réalisé un film documentaire sur les premières années de l’occupation française de l’Algérie. Nous l’avons invité à présenter son documentaire à Béjaïa, parce qu’il a soulevé une problématique intéressante ; et Béjaïa, en tant que ville d’Histoire, se devait de projeter le film. Tant que les moyens existent et la matière ne manque pas, la Maison de la culture continuera à encourager toutes sortes d’activités culturelles pour faire rayonner la culture dans la ville et la région de Béjaïa, et pourquoi pas également en partenariat avec d’autres, au-delà de notre région.

Peut-on dire que vous êtes satisfaite de l’année qui vient de passer ?

Satisfaite, oui et non. Oui, parce que Béjaïa est très riche en potentialités et nous découvrons sans cesse de nouveaux talents. La population nous encourage énormément en venant participer aux événements que nous organisons ou que nous abritons. Il y a encore énormément à faire ; l’espoir est permis. Il faudra un peu plus de moyens et faire plus d’efforts pour atteindre pleinement nos objectifs. L’avenir est prometteur. Il faudra unir les efforts de tous pour parvenir à jouer pleinement le rôle qui est attendu de nous par le public.

Et vous-même, comment vous sentez-vous au milieu de toute cette culture ?

Je suis une femme de culture. Ma grande joie se situe dans le contact et la rencontre de tous ces talents que je m’honore à servir, mais surtout, comme je le disais tout à l’heure, la découverte de nouveaux talents, surtout parmi les femmes. Parfois, je ne me rends pas compte de tout le travail accompli et je me dis toujours qu’il faut faire plus. Mais je suis heureuse de voir comment les artistes et le public réagissent dès qu’il y a un événement culturel. Après tout, c’est pour eux que nous sommes là.

Entretien réalisé par N. Si Yani

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