Quelles chances pour les nouvelles alternatives?

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Plus que jamais, la problématique de l'économie informelle interpelle aussi bien les pouvoirs publics que les opérateurs économiques. Elle interpelle également les organisations de défense du consommateur, particulièrement dans le versant relatif à la qualité des produits, à la santé des consommateurs et à la sécurité des utilisateurs de pièces ou outils électroménagers, industriels ou mécaniques affectés par la contrefaçon.

Le contexte dans lequel s’est tenue la journée d’information sur l’économie informelle, lundi dernier, est celui d’une économie à la recherche de ses repères, surtout après la confirmation de la tendance chronique de la baisse tendanciel du prix du baril de pétrole. Parmi les facteurs de blocage du renouveau économique, le commerce informel n’est pas des moindres. Il avait même bénéficié de « circonstances atténuantes » pendant les années fastes de la rente pétrolière; les autorités avaient, en quelque sorte, laissé faire un « secteur » qui emploie des dizaines de milliers de personnes. Le Conseil nationale économique et social (CNES), a estimé au milieu des années 2000, que le créneau de l’informel, avec toutes ses variantes, employait quelque 1 300 000 personnes, avec une croissance de 8% annuellement. Ses variantes existent, car l’économie informelle ne se limite pas aux transactions non facturées, même si ces dernières représentent d’énormes montants. Le ministre du Commerce, Amara Benyounès, les a évaluées à 206,5 milliards de dinars au cours de ces quatre dernières années. Outre les produits non facturés que l’on retrouve dans plusieurs branches d’activités, notamment celles des services, de l’industrie de transformation, de l’agriculture, du commerce extérieur et de la distribution, comme l’a souligné le ministre, l’informel a aussi développé ses tentacules dans le travail au noir, y compris dans des commerces, ateliers et établissements légalement installés. Ici, le rôle de l’Inspection du travail est important, même s’il n’est pas toujours aisé d’établir dans les faits les cas de travailleurs non déclarés aux assurances sociales, du fait d’une coupable complicité entre l’employeur cupide et le travailleur, souvent victime consentante. Ce sont des milliers d’entreprises de production, de travaux et de prestations de services qui versent dans ces pratiques illicites et qui causent aux caisses d’assurances sociales (CNAS, CASNOS, CACOBATH, CNR) et aux impôts (IRG) de pertes sèches qui se montent à plusieurs milliards de dinars, en plus des risques de maladies et accidents non couverts par la sécurité sociale et des cotisations de retraite non effectuées. Les appréhensions du ministre du Commerce, quant aux menaces que fait peser le secteur informel sur la production nationale, trouvent encore mieux leurs justifications dans cette période délicate que traverse l’économie nationale avec le recul des recettes extérieures. Déjà lors des assises nationales sur le Commerce, tenues en juin 2011 par le CNES, quelques mois après les « émeutes de l’huile et du sucre » du janvier de la même année dans le contexte électrique du début du Printemps arabe, la grande partie des débats était orientée vers l’analyse du secteur informel. Les intervenants avaient insisté sur la nécessité de juguler l’avancée de pratiques illicites qui remettent en cause les efforts du gouvernement dans l’action du redressement de la production nationale. « Il est regrettable de constater que les exportations hors hydrocarbures soient toujours aussi faibles et peu diversifiées avec seulement 2,86% du volume global des exportations », avait souligné à l’occasion de ses assises, Mohamed Benmeradi, alors ministre de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement. Il a aussi fait remarquer que malgré les efforts consentis par l’État depuis plus d’une décennie et les facilitations mises en place pour encourager l’exportation, il reste que les hydrocarbures représentent toujours et encore, à elles seules, 77% des recettes fiscales et 97% des exportations. On releva également, à cette occasion, la régression du nombre d’entreprises qui sont impliquées dans l’acte d’exportation. Dans les années 1980, elles étaient au nombre de 280. En 2011, leur nombre tomba à 40 seulement. 

L’idéal de l’«autonomisation» par rapport aux hydrocarbures

Dans ce contexte, le ministre du Commerce a déclaré en novembre 2014, que son département a commencé à travailler afin « d’identifier l’ensemble des problèmes qui contrecarrent l’acte d’exportation et de dégager, en conséquence, les procédures et les techniques permettant de faciliter les ventes à l’extérieur ». C’est là une mission de haute importance lorsqu’on se met dans la perspective tant souhaitée de la diversification de recettes extérieures du pays, de sorte à faire sortir le pays des griffes de la mono-exportation des hydrocarbures. Mais, c’est une mission ardue qui exige non seulement de lutter contre l’informel, mais également de donner au produit algérien, destiné à l’exportation, les qualités requises pour sont « exportabilité »: qualité intrinsèque et esthétique, label des produits du terroir, emballage, design&hellip,; en plus d’un grand travail de communication et de marketing qui revient à plusieurs acteurs, y compris les consuls et ambassadeurs algériens à l’étranger. Le ministre du Commerce a aussi fait état de la nouvelle vision de son département tendant à encourager l’acte d’exportation. « Nous avons des entreprises algériennes qui exportent, actuellement, avec leurs propres moyens alors que la quasi-totalité des entreprises mondiales exportatrices bénéficient des aides de leur gouvernement », a-t-il fait remarquer en novembre dernier. La sphère commerciale et la sphère de production exigent plus que jamais une nouvelle politique, une nouvelle vision, qui cadre avec les enjeux actuels qui mettent l’économie algérienne à rude épreuve. Sans doute, le terme de régulation, dans son acception la plus large, est le mieux indiqué pour parler des nouveaux instruments réglementaires et des nouvelles initiatives que les pouvoirs publics sont appelés à mettre en branle. Par-delà les opérations « coups de poing » sur les trottoirs et les places publiques pour faire déguerpir des vendeurs à la sauvette, le commerce informel a besoin aussi d’une réorientation sur les marchés de proximité auxquels il faudrait réserver des sites adéquats et adaptés aux activités envisagés. La proposition de multiplier les grandes surfaces est aussi une alternative qui peut contribuer à juguler le phénomène de l’informel. L’encouragement des investissements diversifiés, dans tous les domaines, avec des incitations spéciales pour l’exportation, constitue un axe fondamental, non seulement pour décourager progressivement les activités informelles, mais surtout pour mettre l’économie algérienne sur les rails de son « autonomisation » par rapport à la rente des hydrocarbures.

Amar Naït Messaoud

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