Stendhal : entre le rose et le noir

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Si beaucoup d’écrivains célèbres ont connu le goût de la célébrité de leur vivant, avec tout ce que cela peut engendrer, beaucoup d’autres par contre, pourtant d’éminents auteurs aujourd’hui, n’ont connu cette célébrité tant recherchée, qu’à titre posthume. Pire, certains ont plutôt vécu dans le dénuement et la marginalisation.Stendhal, l’un des plus célèbres romanciers français dont le nom et les œuvres sont sur toutes les lèvres aujourd’hui, n’avait malheureusement pas connu cette popularité de son vivant. Evoquer Stendhal de nos jours, fait tout de suite penser à “Le rouge et le noir”, son chef-d’œuvre, passé pourtant sous silence à sa publication, et ce durant toute son existence. Combien la vie est parfois injuste en faisant la sourde oreille aux appels de ses protégés. Stendhal, de son vrai nom Henri Beyle, est né le 23 janvier 1783 à Grenoble. A l’âge de sept ans, sa mère meurt et son espoir avec, puisqu’il lui était beaucoup attachée contrairement à son géniteur, auquel il vouera une haine inexpiable. Le petit Henri ne trouve de la tendresse que chez son grand-père maternel Henri Gagnon, médecin renommé, ainsi que chez Elisabeth, la sœur de celui-ci, étant donné que sa tante Séraphie, qui croit-il son père courtisait, l’aurait persécuté. En 1796, il entre à l’Ecole centrale de Grenoble, dont son grand-père devenu député participe à l’organisation. De l’élève médiocre qu’il est à ses débuts, il deviendra brillant et collectionnera des mentions et des prix en mathématique, dessin et belles-lettres. C’est également l’époque des premiers amours pour ce petit Grenoblois, qui aime timidement la sœur de son ami Bigillion, ainsi que l’actrice Virginie Kubly. Le 3O octobre 1799, il part à Paris pour passer un examen à Polytechnique. Mais une fois dans la capitale, il plonge dans la solitude et l’ennui, il loge chez les Daru. Une année après, Pierre Daru le prend dans ses bureaux au ministère de la Guerre, et en 1802, il s’attache à Victorine Mounier, qu’il aimera comme les précédentes, il découve une nouvelle passion, en l’occurence la lecture et dévore livres sur livres et forge ainsi sa doctrine personnelle, la filosofia nova, ou la nouvelle philosophie. En 1806, il se retrouve adjoint aux commissaires des guerres, et dans le but de gagner fortune et titres, Henri Beyle ainsi le nomme fonctionnaire impérial à la suite des Daru, puis chargé d’administrer les domaines impériaux dans le département de l’Ocker.C’est à cette époque qu’apparaissent ses premiers balbutiements littéraires, qui coincident avec son nouvel amour pour Mina de Grisheim; il écrit “Voyage à Brunswick” et divers essais historiques, avant de s’initier à la littérature anglaise et de parcourir l’Allemagne. En 1810, il atteint l’apogée de sa carrière comme auditeur au Conseil d’Etat. Il est vite nommé inspecteur du mobilier et des batiments de la couronne, il a cocher, voiture, et l’actrice Angéline Béreyter comme maîtresse. Mais son voyage en Italie, où il découvre Rome, Naples et Florence lui fait pousser des ailes, puisque la comptesse Daru fait de lui un amant comblé. De Rome à Moscou, avant de revenir à Milan, il perd en cours de route le manuscrit de “l’Histoire de la peinture”.Si le nom de Stendhal est lié à l’écriture romanesque qui arbore un romantisme psychologique, il n’en demeure pas moins qu’à ses débuts dans l’écriture, il a été tenté plutôt par l’écriture dramatique, imitant quelque peu Molière. Mais, le sort en a décidé autrement, puisqu’il commence en 1801 à rapporter ses impressions de voyage dans son journal, qu’il ne verra pas publié de son vivant malheureusement, puisqu’il ne paraîtra qu’à titre posthume, en 1888. Ayant collectionné les amours, le départ de Métilde le plonge dans le chagrin au point de lui inspirer une autre œuvre, “De l’amour en 1822” qui contient sa théorie sur la cristallisation, qui deviendra fameuse. C’est en 1817 qu’il signe pour la première fois de son nom Stendhal dans “Histoire de la peinture en Italie”, qui marque le début de la carrière littéraire. Mais c’est plutôt en 1827 qu’il publie “Armance”, son premier roman, nourri par les premières années de l’auteur, ses débuts mondains, ses études et ses amours. Armance est le personnage principal féminin du roman, amoureuse de son cousin Octave, jeune homme brillant et taciturne. Après une suite de malentendus, Octave abandonne Armance et part mourir pour la libération de la Grèce, sans avoir révélé les motivations de ses actes. L’an 1830 s’annonce prometteur pour Stendhal, puisque non seulement il est nommé consul de France à Trieste, mais il publie également son chef-d’œuvre “Le Rouge et le Noir”, qui passe malheureusement presque inaperçu. Il est loin d’être l’un des romans français les plus connus de tous les temps, qu’il est de nos jours. Il entreprend simultanément l’écriture de son troisième roman, “Lucien Leuwen”.Dans son roman “Le Rouge et le Noir”, Stendhal affirme son talent d’analyste psychologique et pousse les limites du romantisme à l’extrême. Son personnage principal Julien Sorel, fils d’un charpentier du Jura, plus doué pour les études que pour l’artisanat de son père, cherche à se hisser au dessus de sa condition. Mais à peine est-il sur le point d’y parvenir que son orgueil précipite sa perte. Placé comme précepteur chez monsieur de Rênal, industriel et maire de Verrières, dans le Doubs, il s’éprend de la femme de celui-ci. Mais les bruits colportés dans le village obligent le jeune amoureux à partir. Après un passage par le séminaire de Besançon, Julien devient secrétaire du Marquis de la Mole. A la fin Julien revient à Verrière et blesse légèrement Madame de Rênal, il sera jugé et condamné à mort.Dans ce chef-d’œuvre, Stendhal fait le jugement de l’aristocratie en se basant sur de petits faits tirés de la réalité. Le roman est marqué par des interruptions régulières de la narration par des commentaires, disgressions et diversions du narrateur, afin de venir éclairer d’un regard critique le lecteur, tout en incluant également des parenthèses dans le récit pour inviter celui-ci, à ne pas seulement suivre, mais à analyser pas à pas le cheminement.Les aventures italiennes de Stendhal ont dicté en deux mois exactement le second chef-d’œuvre, en l’occurrence “La Chartreuse de Parme”, où des thèmes comme l’Italie, l’amour, l’énergie et l’ambition reviennent avec insistance. Contrairement au tableau sombre et pessimiste de “Le Rouge et le Noir”, “La Chatreuse de Parme” est un véritable hymne au bonheur, celui de Fabrice del Dongo,dans un style dépouillé. Cela ne laisse pas Balzac indifférent, qui dira : «M. Beyle a fait un livre où le Sublime éclate de chapitre en chapitre.»Le héros rêve de rejoindre Napoléon, mais quand il y parvient, c’est pour assister déçu, à la défaite de Waterloo. Après son échec politique et l’évaporation de ses rêves, il parvient à ne croire qu’en l’amour pour connaître le bonheur, qu’il trouvera chez Clélia.Le reste des œuvres de Stendhal restent quasi-inconnues. “Lucien Leuwen” et “Chroniques Italiennes” ses deux autres romans seront publiés à titre posthume, en 1855 ; “journal”, en 1888, (écrit autobiographique, “souvenirs d’Egotisme, (écrit autobiographique en 1893. Ceux publiés de son vivant eux aussi sont passés inaperçus à l’image de Racine et Shakespeare( 1823, essai) ; “les mémoires d’un touriste” (1838, récit) ; “Idées Italiennes sur quelques tableaux célèbres” (1840, essai) ; “Promenade dans Rome” (1829, récit)Le 15 mars 1841, il fait une attaque d’apoplexie de laquelle il se remettra assez vite, mais il s’est colleté avec le néant. Il n’a pas pu se remettre au travail, même s’il a pensé à un nouveau recueil de nouvelles. Et le soir du 22 mars 1842, il fait une nouvelle attaque dans la rue. Il meurt dans la nuit sans avoir repris connaissance.

Salem Amrane

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